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Sam poussa un glapissement de douleur lorsque l'aiguille lui piqua le bout du doigt, elle observa la goutte de sang perler le long de son doigt et s'écraser entre le creux de son majeur et de son annuaire, tachant la fine bague en or blanc qui se trouvait autour de cette dernière. Cette vision, affublée d'une métaphore cruelle lui fit lâcher un rire amer, elle n'avait pas besoin que la vie lui ramène son mariage brisé en plein visage.
Elle se demandait encore où était passée la fougue de leur jeunesse, de l'adolescence à la vingtaine, leur relation avait été idyllique, puis était survenu une trahison, la première d'une longue liste qui l'avait éreintée et forcée à s'avouer la vérité : elle ne pouvait plus fermer les yeux sur la véritable nature de celui qu'elle aimait.
Elle soupira avant de retirer d'un geste tagueur les lunettes de protection qui se trouvaient autour de son cou. L'envie de se bourrer la gueule pour noyer sa peine et son chagrin se fit forte, mais elle s'efforça d'y résister. Le visage larmoyant de Nate revint dans son esprit comme moyen de dissuasion, elle ne pouvait pas lui faire cela... il avait beau être le Maître du Sanctuaire de Manhattan, position qu'il avait hérité de son père de substitution, à de nombreux égards il restait l'adolescent paumé et sensible avec qui elle avait lié une forte amitié des années auparavant.
Les mains de la belle se logèrent dans sa chevelure brune et elle tira sur cette dernière, un grognement s'échappant de ses lèvres, dernièrement un rien semblait la faire spiraler... Elle savait que sa messagerie devait sans aucun doute être pleine de messages vocal mais elle ne voulait pas les écouter, elle n'avait pas besoin que son entourage lui rappelle tous les jours comment vivre sa vie, elle était une adulte et elle s'en sortait très bien toute seule !
Le temps à l'extérieur semblait miroiter son état mental : il pleuvait... Un nouveau rire amer quitta sa gorge, c'était une véritable blague, cette soirée était pire que tout. Elle quitta son laboratoire et décida d'aller se poster au niveau des escaliers de secours de l'étage, elle ouvrit donc la fenêtre et s'assit sur le métal froid, à l'abri de la pluie, et s'alluma une cigarette.
L'immeuble dans lequel elle vivait abritait également son entreprise et les nombreux laboratoires dédiés à la recherche et la fabrication de nouveaux gadgets. Mais malgré son aspect de fourmilière en journée, c'était bien triste et vide en soirée, il y avait une époque où les lieux étaient vivants, mais ce n'était plus le cas désormais.
Au bout d'une dizaine de minutes et après une seconde cloque d'allumée, elle se sentit soudainement observée, mais non loin de la mettre mal à l'aise, elle avait l'impression qu'il y avait une certaine familiarité dans cette paire d'yeux indésirables.
- Qui est là ? Demanda-t-elle d'une voix ferme.
Dans les films d'horreur ce n'était jamais une bonne idée que de poser cette question, mais elle n'était pas dans un film d'horreur et elle pouvait très bien se défendre comme un potentiel agresseur, elle n'était plus sans défense désormais.
- Sam.
La jeune femme se stoppa net dans ses mouvements, c'était comme si elle était gelée sur place, non ce n'était pas possible, il était de retour. Il n'en avait pas assez de la tourmenter, il continuait sans cesse... L'instant de quelques secondes elle se demanda si elle n'était pas encore en train d'halluciner.
- Tu pourrais au moins avoir la décence de sortir de l'ombre, à moins ce que tu ne portes cet hideux costume d'Halloween.
L'homme se présenta devant elle, son masque sous les bras. Il avait revêtu sa combinaison du bouffon vert et se trouvait sur son planeur. Cela faisait bien deux ans qu'elle n'avait pas vu son mari, et elle pensait jamais le revoir en chair et en os d'ailleurs. Son regard exprimait tout l'amour qu'il lui portait, malgré les années et les changements dans leur vie respective, et elle détestait voir ce regard si tendre, cela ne collait pas avec son attitude froide de ces dernières années.
- Tu sembles fatiguée Sam.
Un rire amer quitta la gorge de la belle, évidement qu'elle était fatiguée, elle était même au bout du rouleau et depuis un bon moment déjà. Sa vie avait prit une telle tournure qu'elle se contentait seulement de survivre, elle était devenue un fantôme parmi les hommes, restant visible que de part son importance et la présence de ses amis qui amplifiait cette importance. Mais si elle en avait le libre arbitre elle disparaitrait sans laisser de traces, seulement elle ne pouvait pas faire preuve d'un tel égoïsme.
- Quelle observation perspicace, je vois que ton nouveau train de vie ne t'as en rien fais perdre ton sens de l'observation... Es-tu également venu profiter de la vue, suis-je assez misérable pour toi ?!
L'homme fronça les sourcils et le conflit prit place sur son visage, il était triste d'en arriver là entre eux, elle le piquait afin d'obtenir une réaction, mais c'était tout ce qu'il lui restait, elle ne refusait de se montrer vulnérable face à lui, alors elle se raccrochait à absolument tout.
- Ce n'est pas... Je... Je n'ai jamais voulu te blesser.
- Oh et bien quel résultat ! J'espère que ta nouvelle vie en vaut la peine au moins !
- Je n'avais pas le choix, je devais prendre la suite !
- Tu avais le choix Harry ! TU-!
La jeune femme se passa une main sur le visage, voilà que cette conversation se transformait en dispute et ce n'était pas étonnant. Elle sentait le brasier de la colère se répandre en elle, son sang bouillonnait de rage et parmi ces flammes brûlantes, elle sentait l'acide de ses émotions négatives remonter le long de sa gorge et se remuer dans son estomac.
- Tu as toujours eu le choix Harry. Dit-elle d'une voix calme, contrôlée, froide. Tu as seulement choisi celui qui ferait le plus de dégâts en suivant ta quête de vengeance. Tu savais le prix à payer pour cela et tu as accepté de le payer sans hésiter. Alors ne te dédouanes pas de cette responsabilité avec une telle excuse. Tu pourrais au moins avoir la décence de ne pas m'insulter de la sorte tu veux bien ?
Sam laissa le brun s'approcher d'elle, il saisit avec délicatesse son visage entre ses mains et essuya de son pouce les larmes fuyardes qui s'étaient échappées malgré sa retenue. Sa colère n'était toujours pas calme et sa peine lui retourner toujours autant l'estomac, mais elle s'abandonna l'instant de quelques secondes à ce contact familier dont elle mourrait de sentir à nouveau et reposa son visage entre les mains gantées de celui qui possédait encore son coeur malgré tout.
- Je devais le faire Sam... Mon père... Je ne pouvais pas échapper ce qu'il y a dans mon sang, la folie qui l'a rongé m'a rattrapé. Je suis désolé pour tout le mal que je t'ai causé, tu sais que je t'aime, je n'ai jamais cessé de t'aimer.
- Tu n'as pas le droit de me dire ça Harry... Tu n'as pas le droit...
- Je sais, je sais... Je suis désolé.
Le couple glissa contre la rambarde, la brune dans les bras de l'homme, elle était éreintée mais voulait rester éveillée. Elle ne voulait pas prétendre que tout allait bien, elle ne voulait pas s'endormir pressée contre lui, comme elle l'avait tant fait par le passé. Pourtant, elle se sentit partir, elle se sentait en sécurité.
- Repose-toi, demain sera une nouvelle journée et tu auras besoin de toute ton énergie.
Elle ne répondit pas et se contenta de se presser encore plus contre lui, elle savait qu'il serait parti au petit matin, elle ne se réveillerait pas contre lui, elle se réveillerait seule. Mais en attendant, il était là pour elle comme s'il ne l'avait jamais quitté.
