4 | Parfait

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Il n'y a plus aucun bruit. C'est comme si la ville qui ne dort jamais s'était brutalement figée. Qu'elle n'existait plus. Ce qui est impossible, nous sommes bien d'accord. Cela signifie-t-il que ma vie s'est réellement brisée, cette fois ? Une chose est sûre... je ne respire pas et suis dans le noir. Toutefois, un contact chaud sur ma joue me reconnecte légèrement au monde.

— Allez-vous bien ?

Vais-je... bien ?

Je n'en suis pas sûre en réalité, préférant garder mes paupières closes afin de nier un éventuel problème.

Politique de l'autruche, Taylor ?

Précisément !

— Mademoiselle, insiste-t-il, m'entendez-vous ?

Parfaitement.

Ok, super ! Dans ce cas, peut-être pourrais-tu envisager de lui répondre !

Vais-je encore errer dans cet endroit étrange, comme l'autre fois ?

Lorsque je suis tombée – il y a deux ans – j'ai d'abord vécu dans un univers sans lumière dans lequel je m'enlisais. Ce n'était nullement l'idée que je m'étais faite de l'éden. Les ténèbres semblant vouloir m'attirer de plus en plus profondément, j'ai lutté contre elles de toutes mes forces. Peu à peu – à force d'entêtement peut-être – mais sans être capable de vous donner une quelconque notion de temporalité, des paysages se sont dessinés. J'ai ensuite eu le sentiment de voyager d'un endroit à l'autre en toute légèreté. Les lieux – de plus en plus distincts – m'ont donné l'agréable impression d'avoir fait le tour du monde. Bien sûr, vous vous dites que tout cela n'étaient que des projections mentales de mon subconscient, sauf que...

— TAYLOR !

Quoi ?!

Je prends une brève inspiration, ouvrant brutalement les paupières.

Euh... Wahou.

Peut-être suis-je bien au paradis, désormais. Parce qu'il y a un visage juste en face du mien et il est pour ainsi dire parfait. Symétrie parfaite, nez parfait, mâchoire parfaite, yeux verts clairs parfaits et même cheveux auburn parfaits. Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour ! Ce n'est pourtant guère mon style habituellement !

Ben merde alors.

Assise sur le bitume près d'un lampadaire éclairant la scène catastrophique que je viens de vivre, je reste là à le fixer comme une idiote. Nul besoin de le connaître pour saisir qu'il est tendu. Ses paumes encadrant ma mâchoire, son regard – parfait aussi – fouille dans le mien – clairement loin d'être parfait – vraisemblablement à la recherche d'une réaction.

— Taylor putain ! s'énerve quelqu'un à côté de nous. Dis quelque chose !

Ok, ok.

— Je suis morte cette fois ? exhalé-je, incertaine.

Il y a un éclat amusé dans les prunelles plongées dans les miennes, un sourire se dessinant sur les lèvres de cet inconnu.

Putain ! Elles sont...

Parfaites aussi. Ouais ouais, je pense que tout le monde a compris.

Oh ça va ! Quoi qu'il en soit, je veux bien mourir sur-le-champ si cela signifie que je peux le contempler pour toujours.

Mais. Bien. Sûr ! Très. Drôle ! Peux-tu rebrancher ton cerveau s'il te plaît ?

Hum...

Certes. Mauvais choix de mots.

L'autre côté de la porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant