31 | Quatres murs désespérément ternes.

880 116 7
                                    

J'ignore depuis combien de temps je suis enfermée dans cette petite salle ayant l'allure de celles d'interrogatoires des films policiers. Définitivement, je préfère les comédies romantiques. Mes effets personnels ont été récupérés, et j'ai grogné sans me démonter en réclamant à passer un coup de téléphone. Je suis une Davis. Nous ne baissons pas les yeux si facilement. Ce dernier m'a été accordé, donc devinez-vous qui j'ai appelé ? Mon père, évidemment. Qui d'autre ? S'il y a une personne qui peut m'aider, c'est lui. Bien que je n'ai pas eu beaucoup d'informations à donner, puisque rien ne m'a encore été dit sur ma présence ici. La voix nerveuse alors que la mienne avait des accents de sidération, il m'a dit de ne pas m'inquiéter. Que je serais vite sortie. Qu'il s'en occupait. Depuis, assise sur une chaise en métal devant une table grise dépourvue du moindre charme, j'attends. Fixant impassiblement le miroir placé au mur, je me demande combien de personnes m'observent depuis l'autre côté. Mais surtout...

Es-tu là ?

Sincèrement, j'essaye de me raccrocher vainement à n'importe quoi pouvant me convaincre qu'Evan est étranger à ce qui m'arrive. Mais comment penser autrement ? Devrais-je invoquer le hasard d'avoir été arrêtée juste avant notre rendez-vous ? C'est difficile à croire, non ? Néanmoins cet endroit ne ressemble pas à un laboratoire, et aucun scientifique n'est – pour l'instant – en train d'examiner mon cerveau. C'est déjà ça, n'est-ce pas ? J'ai l'air calme, mais ce n'est que la façade que j'ai appris à maîtriser depuis ma plus tendre enfance, vous le savez. Intérieurement, mon niveau d'angoisse n'a probablement jamais été aussi haut. Même lorsque j'ai pensé être folle. Enfin à peu près. Cependant je n'ai pas le temps de continuer à évaluer mon stress, puisque l'agent Allen fait son entrée, s'asseyant en face, silencieux.

Es-tu le méchant ou le gentil flic ?

Mon index tapote sur la table à un rythme aussi effréné que celui de mon pouls, mais c'est un visage détendu que je lève pour affronter ses traits sérieux. Nous nous jaugeons clairement, et quelque chose dans son regard m'interpelle.

Cet homme est méfiant, Taylor.

Oui...

Reste à savoir pourquoi.

Tu te poses vraiment la question ?!

Et bien...

Bordel de dieu de merde ! Evan s'est bien foutu de ma gueule !

Je pourrais pleurer tant mon cœur qui se fissure davantage à chaque seconde le fait dans la plus impitoyable des douleurs. Je voudrais sangloter. Mais pourtant, il n'en est rien. Les larmes cessent-elles d'exister, lorsqu'on a trop mal ?

— Mademoiselle Davis, commence finalement l'homme qui me scrute.

— S'il vous plaît, répliqué-je d'un ton acide, ne tournez pas autour du pot, j'avais des projets pour cette soirée.

Même si c'était avec un putain de traître ! Un manipulateur hors pair qui a réussi à me faire croire qu'il m'aimait sincèrement !

Heureusement, je suis en colère. Tellement blessée, que c'est probablement la haine qui se développe dans mes entrailles qui m'aide à rester droite. Digne.

Comme tu le voudrais, maman.

— Très bien, acquiesce-t-il.

***

Après m'avoir proposé une boisson que j'ai refusé, il a parlé sans détours, m'expliquant la raison de ma présence entre ces quatre murs désespérément ternes. Je pense que je n'ai pas pu empêcher mes yeux de s'écarquiller tant j'ai été gagnée par la stupeur. La culpabilité aussi, après quelques minutes. Mes doigts ont cessé de battre la cadence, puisque mon rythme cardiaque est désormais trop rapide pour eux. Ma bouche est entrouverte depuis que le flegme Davis dont j'ai hérité a été pris au dépourvu, ce qui est assez rare pour être souligné. En réalité, tout cela n'a aucun sens. J'ai beau en chercher un, c'est en vain. Il y a donc une étincelle qui amorce son jaillissement dans le creux de mon ventre. Celle de l'espoir. Je suis abasourdie. L'angoisse me quitte, pour tout vous dire. Puisque...

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now