20 | Je suis folle

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Entre mes draps défaits, nos souffles haletants se normalisent lentement, nos corps étant toujours emmêlés. Nos peaux ne se sont pas séparées, le bout de ses doigts balayant la courbe de mes hanches dans une irrésistible langueur. Son nez enfouit dans mes cheveux, je n'ose bouger, ignorant ce que je dois faire à présent. Alors ok, soyons clairs que je l'ai imaginé ici un nombre incalculable de fois, que la réalité est bien au-dessus du fantasme, sauf que l'avantage de ce dernier étant qu'il est possible de le ranger – presque – aisément dans un coin de sa tête.

Je suis folle.

Évidemment, il est silencieux aussi. S'il disait quoi que ce soit, peut-être serait-ce plus facile – ou non.  S'il se levait pour s'en aller sans jamais revenir ou reparler de cet incident, cela adoucirait les choses n'est-ce pas ? Au lieu de ça, il y a juste son sourire dessiné sur mon front, puis le baiser qu'il y dépose avec un naturel me terrorisant. Prenant enfin la mesure du danger maintenant que le brouillard se dissipe, je me crispe. Légèrement d'abord, davantage ensuite. Évidemment cette réaction n'est en rien discrète, donc après avoir lentement inspiré, il s'écarte et s'assoit, me dévisageant soigneusement.

Dis-moi plutôt à quoi tu penses, suggère-t-il en toute simplicité.

Je suis folle.

Me redressant pour calquer ma position sur la sienne, j'évite obstinément son regard.

— C'était une erreur, soufflé-je finalement.

Non que je puisse réellement la regretter, hélas ça n'en est pas moins vrai.

Pour toute réaction, il soupire et j'ignore ce que je dois comprendre. Qu'il partage mon point de vue, ou l'inverse ? Lorsque je ferme les paupières, réprimant l'inopportun sanglot venant de se former dans ma gorge, il se saisit de mon menton, m'obligeant à l'affronter.

— Petit déjeuner ? propose-t-il avec une décontraction manquant de sincérité.

N'as-tu nullement entendu ce que je viens de dire ?

J'ouvre les yeux, plisse le nez avec incompréhension, rencontrant la clarté authentique d'un vert – parfait – m'empêchant de respirer. Alors stupidement, je m'entends répondre :

— Douche.

Je suis folle.

Cette fois c'est lui qui a l'air surpris, me prouvant qu'il a très bien entendu ce que j'ai dit précédemment avant de décider de l'ignorer. Pourtant quand je m'extirpe – nue – de mon lit puis lui tends la main, il n'a aucune hésitation avant de l'attraper pour me suivre jusqu'à la partie salle de bain de ma chambre.

— J'apprécie l'éventualité de te regarder pendant que je reste là une prochaine fois, ose-t-il plaisanter.

Moi aussi Evan, moi aussi. Mais...

Ne sois pas trop sûr de toi, lâché-je abruptement en tournant le robinet.

— Évidemment, acquiesce-t-il dans un rictus narquois, laissant ses doigts rejoindre ma taille pour nous rapprocher juste sous le jet brûlant.

Putain.

— Très bien, rétorqué-je, attrapant mon savon en feignant l'indifférence.

M'efforçant d'ignorer sa présence à quelques centimètres de ma peau – et le fait que notre ébat n'a en rien atténué mon désir – je me lave avec application, silencieuse, perturbée, perdue. Quand je relève enfin la tête après avoir rincé mes cheveux, il est toujours là à me contempler avec cette même expression honnête.

L'autre côté de la porteWhere stories live. Discover now