I - Second souffle

4K 498 106
                                    

— Papa... ! Réveille-toi ! Allez... réveille-toi !

Agenouillé devant le corps inerte de mon père, je le secoue en posant mes mains sur son dos froid. Il est à plat ventre, un bras en l'air, l'autre le long de son corps, de sa bouche entrouverte coule un filet de sang, et son corps est transpercé d'une flèche gigantesque. Un corps entièrement nu, recouvert de suie et quelques parties carbonisées par des flammes.

Moi ? Je n'ai que huit ans ce jour là. Huit petites années et devant moi figurent mes deux parents, morts.

Je me tourne, je secoue également ma mère, dans le même état que son époux.

— Maman... réveille-toi...

J'ai quelques spasmes lorsque je renifle, mes larmes roulent toutes seules sur mes joues, ma voix est tremblotante et pleine de sanglot. Je ne suis qu'un gamin terrifié, perdu, et orphelin.

— Ils sont morts, déclare une lourde voix derrière moi.

Je me retourne et je lève doucement la tête vers l'individu qui m'a parlé. Il est vêtu de noir, ses chaussures, ses pantalons, sa chemise, son veston... sans oublier son long manteau noir aux boutons en bronze, au col retroussé... son visage me semble flou un instant mais je crois deviner qu'il arbore des cheveux d'ébène. Comme moi. Il s'accroupit devant moi, alors je distingue des traits : un jeune homme d'une vingtaine d'année, le visage pâle, les yeux d'un sombre néant, de faibles cernes, des lèvres fines...

— Ils ont été tué, reprend-il. Par un roi sans cœur.

Mes larmes se mettent à ruisseler de nouveau sans que je ne puisse m'en empêcher. Elles brouillent ma vue , nouent ma gorge... Je reste à genoux devant les corps de mes parents morts, le silence autour de nous est troublant.

— Tu comprends ce qui t'attends, gamin ?

En soit, je suis jeune, est-ce que je comprends réellement ? Pas tellement. Je suis perdu, je ne me souviens de rien. Ma mère m'avait dit de me cacher, de fermer les yeux et de me boucher les oreilles. Nous sommes près d'un lac, notre maison de famille totalement détruite, le feu crépite encore dans les débris.

— Ils te trouveront et te tueront. Vous n'êtes rien que des armes pour les Hommes. Et les Hommes détestent les êtres supérieurs à eux. Toi, tes parents, moi... nous sommes supérieurs, bien plus puissants. Les Enchanteurs ne sont rien à côté de nous. Ils sont terrifiés. Ils veulent voler ta puissance, ils voulaient voler celle de tes parents mais tes parents s'y sont opposés.

Il pose sa main sur mon épaule alors je relève mes yeux vers lui et les plonge dans les siens. Des yeux noirs, sombres, ténébreux...

— Tu pourrais faire partie de mon armée, qu'en dis-tu ?

— Je veux qu'ils reviennent...

— C'est impossible. Mais je peux être là pour toi et toi, tu pourras être là pour moi.

— Pour quoi faire ?

— Éteindre la Lumière, qu'ils soient à notre merci et que le trône me revienne. Je serai roi, et lorsque je serai roi, tu pourras être toi-même.

Il se relève et retire son long manteau sombre.

— Mais en attendant, prend ce manteau, il te protègera de ta vraie nature.

Je me relève moi aussi et le prends. Il est lourd pour mes petits bras frêles, il est même bien plus grand que moi.

— Porte ce manteau.

— Il est trop grand...

— Mets-le, tu verras... c'est magique.

Alors je l'enfile sans grand engouement. Cependant, je remarque que le manteau rétréci doucement, il commence à s'ajuster à mes épaules, s'arrête à mes genoux, se retrousse à mes bras et me va finalement comme un gant en quelques secondes.

— Avec ce manteau, soit certain que ton don ne sera jamais perçu. Ainsi, tu sauras le contrôler et les Hommes ne te feront jamais de mal. Dis-moi ton nom ?

— Je m'appelle Tristan.

— Et bien Tristan, dorénavant, tu es sous ma protection.

— Merci Monsieur...

— Appelle-moi Lucius.

Puis j'ouvre les yeux, je reprends conscience, dans le présent. Le ciel est noir, une bataille semble faire rage mais mes oreilles sifflent trop pour entendre quoi que ce soit.

Je me crois mort un instant mais ce n'est pas le cas. Mon cœur bat.
Cependant, mon cœur est également brisé.
Cette douleur me rappelle celle de la mort de mes parents. Je me souviens de Lucius. Je me souviens que lui et moi, nous avions une alliance.

Je me souviens de sa souffrance.

Lorsque j'entends la cloche sonner, je décide de me relever. Bien que ce soit difficile et que chacun de mes os craquent, que mes poumons crépitent, semblant remplis de sang, je me relève. Mon manteau reste accroché dans un clou qui ressort de la cabane écroulée sous mon poids. Je suis désorienté et décide de le retirer. Je titube alors en avançant droit devant moi. Je m'appuie contre un mur, un bourdonnement incessant me rend totalement sourd.

Suis-je mort ?
Suis-je vivant ?

Dans tous les cas, je suis seul.
Mais plus pour longtemps.

Invocatrice de l'Ombre T.2Where stories live. Discover now