XXVII - Le peuple

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Ce matin, je me suis réveillée avant le soleil. L'épaule appuyée contre le mur, je regarde par la fenêtre le ciel noir devenir orangé petit à petit. À mesure que le soleil se lève et prend sa place dans le ciel, la chaleur tombe aussitôt. C'est comme dans un four, une fois que les quelques braises sont allumées, la chaleur augmente rapidement. C'est étouffant, épuisant. Je ne cesse de songer à Hugo et sa petite soeur, les pauvres ont la peau si foncée dû aux rayons du soleil, elle est asséchée, marquée, sale... ils ont besoin d'ombre, ils ont besoin d'eau.

J'ai peu dormi, je me sens tiraillée entre deux réalités et je ne parviens pas à savoir laquelle choisir. Je ne parviens pas à savoir qui je souhaite devenir.

Après le baiser échangé avec Tadëus, je lui ai demandé de me laisser seule. J'ai pris la fuite et je me suis réfugiée dans la chambre. C'est le seul endroit où je ne risque pas de tomber sur lui. J'ai la sensation que c'est un fabuleux manipulateur et ses paroles ne cessent de résonner en boucle dans ma tête. Je pourrais être utile ici, c'est vrai mais lui se servirait de moi et ferait de moi sa captive, en quelques sortes. J'abandonnerai mes parents, Hélène et Tristan...

Du haut de cette tour, je peux constater toutes ces personnes en train de se réunir. Il y a, quelques mètres plus bas, le balcon de la chambre de Tadëus, je suppose que c'est d'ici qu'il portera son discours. Ils s'agglutinent les uns contre les autres, sous ce soleil déjà bien vif. Ils semblent tous si fatigués, affamés, assoiffés, brûlés...

J'entends frapper à la porte de ma chambre, je me retourne brusquement, sortant de ma rêverie. Tadëus ouvre la porte et reste dans l'encadrement de celle-ci. Il est vêtu de sa fameuse armure, son torse n'est pas protégé, il porte des pantalons recouvert de protection en bronze, une épée rangée dans son fourreau et ses cheveux sont plaqués en arrière. Il n'a laissé qu'une ligne de cheveux sur le haut de son crâne, les côtés sont rasés de près et ses tatouages semblent luire d'ici.

— Bien dormi, princesse ?

Je détourne le regard pour le porter à nouveau par la fenêtre, là où j'observe le peuple de Dystéria se réunir.

—Je n'ai pas beaucoup dormi, non...

— As-tu réfléchi à ma proposition ?

— Je dois partir d'ici.

— Tu m'as volé un objet précieux, tu ne peux pas partir d'ici.

Je lui jette de nouveau un regard, tandis qu'il a croisé les bras, montrant ses muscles saillants.

— Si je le souhaite, je peux te tuer, toi et tous tes gardes. Je peux, en un claquement de doigt, réduire à néant ta petite Nation.

Il fait claquer sa langue contre son palais puis humecte ses lèvres charnues.

— Je ne te retiens pas, tu sais comme je hais cette Nation.

— Pourquoi es-tu si violent et mauvais avec ton peuple dans ce cas ?

— Parce que c'est le seul moyen pour se faire respecter ici et parce que j'aime le sang, j'aime la violence...

Je hausse les sourcils, ce qui le fait arrêter son monologue. Il décroise les bras et s'approche de moi, je tourne la tête mais par sa main sur mon menton, il me force à le regarder de nouveau.

— Tu es mon Objet Obscur à présent, déclare-t-il. Et je compte évidemment me servir de toi pour me faire respecter. Je serai idolâtré et toi aussi.

Il marque une pause et lâche mon menton, je retrousse les lèvres, je le laisse parler.

— Pour une fois, je cherche à faire une bonne action. Je sais de quoi était capable Lucius et je sais que tu es comme lui. Alors je te demande de rendre la vie de mon peuple plus agréable. Je te demande de cacher un petit peu le soleil, je te demande de leur permettre de cultiver les terres, de trouver de l'eau.

Invocatrice de l'Ombre T.2Where stories live. Discover now