XXI - Dysteria, le désert aride

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— J'en avais effectivement entendu parler... commence ma mère tout en confectionnant un bouquet de fleurs. On dit que c'est une broche assez volumineuse et voyante. De plus, elle est peu commune... beaucoup disent que c'est une broche en forme de corbeau. Elle serait rouge comme le sang, et son épingle dorée, autant que le sable de Dysteria.

Dans les livres que j'ai pu lire, Dysteria est une Nation hostile. Notamment car il y fait très chaud, des dunes de sable sont à perte de vue et les villages y sont pauvres. C'est une Nation peu visitée par les voyageurs et peu prospère.

Le Gouverneur de Dysteria est un homme cruel et sanglant. Si c'est lui qui détient la broche, nous peinerons à la lui prendre.

Sans compter que dans le désert de Dysteria, là où les dunes sont à perte de vue, on raconte que des monstres s'y terrent.

J'observe ma mère ajouter une jolie rose rouge à son bouquet. Elle relève les yeux vers moi, se redresse et semble comprendre que je ne resterai pas. Je ne suis pas rentrée pour ne plus repartir. J'ai un énorme fardeau à supporter, je dois protéger les sept Nations, au péril de ma propre vie. Ou plutôt, au péril de ma conscience. Je sais que je deviendrai un monstre comme Lucius si je ne meurs pas avant. Je le sens en moi, peu importe les efforts que je ferai.

— Chloé...

— Cela ne servira à rien de me retenir, mère, l'interromps-je. Mon choix est fait et mon destin était scellé à la minute même où j'ai posé le pied sur ce bateau pour Panterm.

Elle se pince les lèvres et relève le menton.

— Je ne sais pas si tout aurait été différent si vous ne m'aviez pas sauvée ou si je n'étais pas partie à Panterm mais les choses étant faites, nous ne pouvons plus revenir en arrière.

— Je ne supporte plus de te savoir loin d'ici... avoue-t-elle.

— Je suis une adulte maintenant.

— Chaque jour je me demande si je te verrai à nouveau franchir la porte de la maison. Chaque fois que tu pars, je me demande si je reverrai à nouveau ton visage...

— Pour que tu puisses un jour revoir mon visage, il faut que Lucius soit arrêté.

Elle baisse le regard un instant, fixant son joli bouquet, fourni et coloré, comme le printemps qui s'est bel et bien installé. J'enlace ma mère afin de lui dire au revoir ou adieu, je ne le sais pas encore. Je me rends, pour terminer, dans la chambre où repose mon père. Une servante était en train de lui laver le visage mais, me voyant arriver, il lui demande, d'un geste de la main, de nous laisser.

Je m'avance vers le lit, je m'assois au bord, puis je saisis sa main dans la mienne et lui adresse un sourire.

— Je ne sais pas pleinement ce qu'il s'est passé entre le roi, Lucius et toi, mais je te promets que ces atrocités ne se reproduiront plus. Alors s'il te plaît, bats-toi. Lorsque je reviendrai, je veux te savoir en vie, je veux te voir confectionner du pain dans les cuisines, comme avant.

Je sens mes larmes noyer mes yeux. Je serre sa main dans la mienne puis dépose un baiser sur celle-ci.

— Tu n'es peut-être pas réellement mon père, mais je n'en ai rien à faire... je t'aime et je veux que tu te battes, je veux que tu m'attendes et que je puisse te dire, fièrement, que j'ai sauvé les Sept Nations des Ténèbres, je veux te voir à nouveau fier de moi. Alors s'il te plaît, attends-moi...

Je tourne la tête vers lui, croise son regard ému et je lui adresse un sourire. Il semble si fatigué, malade, mourant. Mais je rêve qu'il puisse se battre jusqu'à mon retour. Il me fait signe de venir près de lui, alors je m'allonge, pose ma tête sur son torse et je ferme les yeux, laissant mes larmes rouler sur mes joues. Je sens sa main fébrile caresser mes cheveux, comme lorsque j'étais petite. Je profite de cet instant, peut-être sera-t-il le dernier.


Invocatrice de l'Ombre T.2Where stories live. Discover now