XII - Démarque toi

2.6K 383 78
                                    

Theodoro passe visiblement la meilleure soirée de sa vie depuis longtemps, il rigole, boit, il s'ivrogne et parle aux inconnus autour de lui. Je ne le connais que peu, mais je ne me souviens pas avoir vu un tel sourire sur son visage depuis que je l'ai rencontré. Il est loin de sa fille, loin de son petit fils et il risque sa vie pour une cause qui lui échappe.

Tristan a disparu depuis notre altercation et moi, je déambule entre les poivrots et les filles de joie. On me propose des verres, que je refuse systématiquement. Je monte les escaliers, laissant glisser ma main sur la rambarde. Les paroles de Tristan résonnent encore dans ma tête. Je me sens fautive, peut-être aurais-je dû l'écouter ce jour là mais quelque chose en moi m'a poussé à agir ainsi. Je m'en veux de lui avoir infligé tant de souffrances. Les mots qu'il m'a dit semblaient sincères et de loin, je sais que Tristan n'est pas un sentimental.

J'arpente les couloirs, de quelques pièces s'échappent des gémissements, des cris, des rires, je suppose que les gens s'amusent bien ici, avec leur argent, leur corps, l'alcool...

— Allez ! Change de peau, juste pour moi ! s'esclaffe une voix fluette.

Je m'arrête, curieuse et je regarde par l'entrebâillement de la porte. Je peux alors distinguer une jeune femme en train de se dénuder doucement, dévoilant sa généreuse poitrine, ses courbes gourmandes à... Tristan.

— Je ne peux pas changer de peau comme de chemise.

— Ce serait tellement excitant...

— Si tu veux que je change de peau, c'est toi que je devrais tuer.

Elle se mord les lèvres et le tire vers elle tout en s'allongeant sur le lit derrière eux.

— Prenons du bon temps avant... souffle la jeune femme.

Ils s'embrassent en même temps que Tristan se loge entre ses jambes et qu'elle déboutonne son pantalon.

— Vous êtes perdue ?

Je sursaute, je vois alors les deux tourtereaux se retourner vers moi. Je me colle contre le mur sur ma droite et fais face à une femme d'un certain âge, très maquillée, les cheveux grisonnants.

— Euh... oui, je... je cherchais un endroit où me reposer. On nous a dit que nous gagnerions l'hébergement si nous terminions trois manches d'un jeu de dés et...

— Suivez-moi, vocifère-t-elle.

Je la suis tout en fixant mes pieds, je me sens honteuse d'avoir fait du voyeurisme comme cela. Cela ne me ressemble pas. Et puis, Tristan n'a qu'à faire ce qui lui chante. Il a raison, nous devons passer à autre chose, bien que cette image me reste en tête et piétine un petit peu plus mon coeur pour la soirée.

— Vous n'avez pas l'habitude de ce genre d'endroit, je me trompe ?

— Disons que... les hommes semblent s'y plaire mais moi... ce n'est pas vraiment ma place.

— Vous êtes jeune encore.

Elle ouvre une porte donnant sur deux lits, ce sera donc ici notre chambre pour les prochains jours, le temps de pouvoir vérifier si un Objet Obscur se trouve à Arkacia.

— Les femmes peuvent prendre du bon temps entre elles aussi, dit-elle.

— Probablement mais ce n'est pas très exaltant pour moi et puis... j'ai d'autres chats à fouetter.

— Si vous aimez ce jeune homme, vous devez faire en sorte qu'il vous remarque.

Je hausse les sourcils.

— Il m'a déjà bien remarqué, rassurez-vous...

— Il faut qu'il vous voit, vous, réellement.

Invocatrice de l'Ombre T.2Where stories live. Discover now