XXIII - La voleuse

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La nuit à Dysteria, la chaleur retombe, comme si le béton l'absorbait. Au début, cette fraîcheur est accueillie à bras ouverts puis lorsque la lune est bien haute dans le ciel, le froid est givrant.

J'ai grelotté toute la nuit, et pourtant, ce garçon du nom de Hugo m'a accueillie chez lui. Je suis sur une paillasse, près du sol, sans couverture. Je suis restée recroquevillée jusqu'à ce que le soleil se lève et que la chaleur revienne.

Je ne sais pas ce qui est le plus appréciable ici : le jour ou la nuit ?

Ce matin, je mange des scarabées. J'avoue n'en avoir jamais mangé auparavant. Ils sont déjà morts et Hugo me dit que c'est une source d'énergie non négligeable. Le pauvre est défiguré, il ne peut plus respirer par le nez alors il est bruyant et ronfle la nuit. Son œil est toujours fermé, boursoufflé et sa pommette est brisée, coupée.

— J'ai cru comprendre que les étrangers n'étaient pas très appréciés ici, déclaré-je alors que l'agitation dehors reprend son cours.

Ici, il n'y a pas de vitres qui séparent les fenêtres. Ce sont juste des trous carrés ou ronds creusés là pour laisser de la lumière entrer dans les chaumières en pierre. Hugo m'a dit que la pierre permettait de garder un peu de fraîcheur et le fait de ne pas avoir de fenêtres  permet également de laisser le froid de la nuit rafraîchir les maisons. Ils n'ont pas de portes non plus. Comme si la construction des maisons n'avait jamais été terminée.

— C'est le cas, oui. En partie parce qu'on en voit que très peu et que le Gouverneur ne souhaite pas de visiteurs chez lui, sauf si ceux-ci deviennent ses fidèles par la suite et ne quittent plus le désert.

Je hausse les sourcils et m'appuie contre le dossier de ma chaise branlante. Ce Gouverneur m'a l'air bien sévère et égoïste. Hector à côté n'est même pas un tant soit peu impressionnant.

— Je vois...

— Ici, le roi ne vient jamais, le Gouverneur en profite pour nous dicter ses lois. Personne ne nous sauvera, personne ne nous permettra d'avoir un meilleur règne et le roi s'en contre fiche.

Je suis persuadée que si Andreï était lui-même et savait ce qu'il se passe ici, il s'y intéresserait.

— Je pense que le roi est trop préoccupé en ce moment, rétorqué-je. Mais je te fais la promesse de lui en parler lorsque je partirai d'ici. Comme cela, nous ferons notre maximum pour vous permettre de traverser le désert en toute sécurité et pour voter pour un autre Gouverneur.

— Tu es bien optimiste mais je t'en remercie.

Je lui adresse mon sourire le plus sincère à lui et à sa petite soeur. Je comprends qu'il ait tenté de voler mais je ne comprends pas comment on peut laisser deux jeunes gens sans nourriture, ni même sans possibilité de travailler pour subvenir à leurs besoins. Ce Gouverneur me paraît bien fainéant et à soif de pouvoir. Cela ne m'étonne donc que très peu qu'il soit le détenteur de cette broche. Lucius a confié ces Objets à des personnes malveillantes.

— Tu vas t'y rendre, c'est cela ? demande Hugo. 

Je hoche la tête.  Je dois aller à ce bal et voler la broche. 

— J'aimerais t'en dire plus et t'expliquer pourquoi mais ce serait bien trop long et du temps... je n'en ai plus. Cependant, quand je reviendrai à Dystéria, je te promets de tout te raconter. 

Il me sourit. 

— Je ne te connais que très peu, mais je t'apprécie beaucoup. C'est si rare de voir des personnes dotées d'empathie.

Et j'espère la garder suffisamment longtemps pour ne pas perdre mon humanité.


J'enlace la petite Kayla, la soeur de Hugo puis c'est lui qui me serre dans ses bras. Malgré son visage défiguré, il ne fait aucun doute que c'est un beau garçon, au teint doré et aux cheveux ras. 

Invocatrice de l'Ombre T.2Where stories live. Discover now