Les yeux d'or

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   Chifuyu serra étroitement ses bras autour de ses jambes et enfonça son menton sur ses genoux. Les lumières étaient éteintes, la pièce était plongée dans la pénombre, uniquement éclairée par la lumière de l'écran qui affichait le nombre de joueurs, ainsi que le montant de la cagnotte.
Tout le monde semblait dormir, en tout cas il n'y avait plus aucun bruit dans le dortoir. Mais Chifuyu n'arrivait pas à trouver le sommeil, il était incapable de fermer les yeux sans revoir ce terrible jeu, cette montagne de corps, ce sang qui coulait... Le jeune homme était perdu. Il pensait aux jeux qui l'attendaient, aux billets qui dormaient dans la tirelire, aux joueurs qui s'étaient écroulés devant lui. Il pensait à cet homme qui l'avait poussé au sol, à ce homme masqué qui dégageait une douce odeur sucré. Il pensait au regard vide de Izana, aux larmes de Senju, à Hinata qui voulait absolument faire équipe avec lui et Takemichi. Il pensait à ce géant avec un tatouage sur le crâne, dont il n'avait même pas retenu le prénom, à cette fille qui lui avait proposé de s'allier. Il pensait à Baji.
Chifuyu arrêta de se ronger les ongles. Il tourna la tête sur le côté et chercha Baji du regard, avant de le trouver allongé dans son lit, profondément endormi. Il n'avait pas arrêté de sentir son regard sur lui de toute la soirée. Le jeune homme regrettait de plus en plus de ne pas faire équipe directement avec lui, plus il y pensait, plus il y trouvait de point positif. Baji était fort physiquement, il ne devait pas être trop stupide, il n'avait pas l'air de se laisser faire, et c'était évident qu'il voulait être avec Chifuyu. Ce serait mieux de rester avec lui tout le temps et pas seulement sur les épreuves. Alors pourquoi pas...
Mais Chifuyu ne comprenait pas pourquoi Baji voulait faire équipe avec lui. Il ne trouvait pas de raisons valables pour son intérêt envers lui. En terme de force physique il était plutôt pas mal, malgré sa maigreur, mais il y avait bien mieux à côté. Et il était peut-être assez malin mais la peur qui le rongeait de l'intérieur allait le paralyser sur les épreuves. Aujourd'hui Chifuyu serait mort si Baji ne l'avait pas forcé à bouger. Alors pourquoi voulait-il faire équipe avec lui ?
Soit il n'avait pas assez confiance en ses propres amis pour réussir les épreuves, et donc il voulait plus de bras et de cerveaux dans son équipe.
Soit Chifuyu lui plaisait, et Baji voulait juste se le faire.
Chifuyu enfoui son visage dans ses mains avec honte. Il se sentait vraiment coupable de penser ce genre de chose, mais pourquoi Baji lui porterait-il d'intérêt sinon ? C'était possible que Chifuyu l'attire, il n'était pas vraiment laid, il pouvait plaire à certains...
— Oh c'est ridicule, soupira la jeune homme en sentant ses joues le chauffer.
Mais c'était quand même possible. Des tas de gens étaient comme ça non ? Il n'y avait rien de mal, en tout cas Chifuyu ne pensait pas que Baji était un pervers ou quoi que ce soit d'autre, il pouvait juste être attiré par lui et il n'y avait rien de bizarre. Enfin si, ce serait vraiment bizarre parce que Chifuyu était le genre de personne dans l'ombre des autres, alors c'était bizarre que quelqu'un puisse s'intéresser à lui. Mais Baji ne pouvait pas juste l'apprécier, il y avait forcément une raison derrière ! Il voulait à tout prix qu'ils restent ensemble, il lui parlait comme s'il le connaissait depuis toujours, il lui avait pris la main et lui avait fait un câlin !
   Non pas que Chifuyu n'avait pas aimé, lui aussi il devait bien avouer qu'il commençait à apprécier Baji, mais on ne fait pas ça avec n'importe qui n'est-ce pas ?
— Chifuyu, murmura une voix au-dessus de lui.
Chifuyu leva ses yeux sur le matelas qui transparaissait au-dessus de lui, derrière les lattes de fer. C'était Takemichi qui dormait au-dessus de lui.
— Tu dors pas ? Je t'entends remuer.
— J'y arrive pas, répondit le jeune homme dans un murmure.
— Moi non plus. Je peux te parler ?
— Quoi ?
— Pourquoi tu n'aimes pas Hinata ? Elle ne t'a rien fait.
— Je n'ai rien contre elle, je ne veux juste pas traîner avec n'importe qui, répondit Chifuyu.
— Mais c'est pas n'importe qui. Elle est gentille.
— Arrête de dire n'importe quoi, tu sais rien d'elle.
Chifuyu vit les jambes de son meilleur ami se balancer dans le vide et son meilleur ami descendit de sa couchette.
— On ne va quand même pas rester que tous les deux.
— Et pourquoi pas, rétorqua Chifuyu en s'asseyant dans son lit.
— Parce que je ne suis pas d'accord. C'est stupide de rester que nous deux, on se tire une balle dans le pied en faisant ça.
— C'est stupide de s'allier avec des inconnus.
— On a pas le choix.
Chifuyu lança un regard agacé à son meilleur ami.
— Redis ça quand t'aura un couteau planté dans le dos, lança-t-il froidement.
— C'est pas la peine de me dire ça comme ça, répliqua Takemichi en fronçant les sourcils.
— Tu me soules, fais ce que tu veux, dit Chifuyu pour mettre fin à la discussion.
— C'est quoi ton problème avec moi ?
Chifuyu serra les dents.
— J'en ai pas, démenti le jeune homme.
— Je te connais mieux que moi-même. Crache le morceau, ordonna Takemichi.
Chifuyu le fusilla du regard mais son meilleur ami ne détourna pas les yeux. Le jeune homme se leva alors et saisit le bras de Takemichi pour l'entraîner avec lui entre les rangées de lit. Leurs pas résonnèrent silencieusement sur le sol, la semelle de leur chaussure produisant un léger bruit de claquement. Chifuyu ne fit pas d'effort pour ne pas faire trop de bruit et vint se planter devant un homme rose, qui était posté devant les portes d'entrées.
   — Y'a des toilettes ici, demanda-t-il sèchement.
   L'homme ne réagit pas . Chifuyu imagina ses deux yeux le regarder avec un regard perçant, mais il ne se démonta pas. Le masqué, qui avait un triangle blanc sur son casque, resta aussi immobile qu'une statue, ce qui énerva particulièrement Chifuyu. Il allait rester planter devant cette homme toute la nuit s'il le fallait, il en était vraiment capable.
Ce masqué devait être le même que celui qui l'avait conduit au premier jeu, car le jeune homme pouvait sentir cette même odeur se dégager de lui. Une odeur sucré, qui lui rappelait le miel, ou alors la vanille. Quelque chose comme ça. C'était drôle, Chifuyu n'avait rien sentit chez les autres hommes roses.
— Chifuyu on a pas le droit d'aller au toilette la nuit, dit Takemichi au bout d'un moment.
— Je m'en fiche, j'ai toute ma nuit pour attendre, déclara Chifuyu en se rapprochant du masqué.
Il se retrouva presque nez à nez avec lui, et il sentit bien que le masqué était tenté de reculer. Il resta donc à cette proximité de lui et fixa le triangle dessiné sur le masque noir.
— Chifuyu t'as pas besoin d'être aussi proche de lui pour parler, dit Takemichi en essayant de le tirer vers l'arrière.
— Ça me dérange pas. S'il veut que je m'écarte il n'a qu'à le dire. J'écoute, ajouta-t-il en portant sa main à son oreille avant de se pencher vers l'homme en face de lui.
Le masqué ne dit rien, mais il finit par tourner sa tête sur sa droite. Chifuyu suivit sa direction et vit un porte se découper dans le mur blanc du dortoir.
   — Parler ça vous tuerait, lança-t-il hautainement au masqué.
   Il n'attendit pas de réponse et traîna son meilleur ami vers la porte. Il donna un coup sec dedans et découvrit alors un couloir dans lequel seul deux portes étaient découpées. L'une portait un écriteau avec marquer « femme », et l'autre un écriteau avec marquer « homme ».
   — Pourquoi on va au toilette, demanda Takemichi sans comprendre.
   Chifuyu fronça les sourcils sans l'écouter. C'était bizarre que les employés du jeu les laissent partir seuls aux toilettes. Le jeune homme comprit rapidement la raison. Le couloir ne menait à aucun autre endroit que les toilettes, les participants devaient sûrement pouvoir se rendre là librement, il n'y avait pas besoin d'être surveillé.
   — Takemichi t'es con ou quoi, s'énerva Chifuyu en poussant son meilleur ami dans une cabine de toilette.
   — Mais non ! Qu'est-ce qu'on fait là ?!
   — On doit pas nous entendre ! Takemichi, faut pas faire équipe avec des inconnus, ils peuvent se retourner contre toi !
   — Mais t'as vu Hinata, elle est inoffensive et on joue pas les uns contre les autres.
   Chifuyu frappa le front de son meilleur ami.
   — Bien sûr que si on est les uns contre les autres ! Takemichi, à partir du moment où tu ne sais pas combien il y aura de vainqueur tu dois faire attention ! Tout à l'heure pendant le jeu, un mec m'a poussé au sol pour me passer devant ! J'aurais pu mourir mais il en avait rien à faire parce que ce qui compte c'est de gagner !
   — Mais Hinata...
   — C'est pas parce qu'une fille t'as sourit que c'est ton ami, coupa Chifuyu avec agacement. Elle peut très bien cacher son jeu et se servir de toi !
   — Et toi avec ton mec alors ! Il peut aussi s'en prendre à toi !
   — Déjà c'est pas mon mec et ensuite je le sais très bien, c'est pour ça que je ne suis pas dans son équipe, s'exclama vivement Chifuyu.
   — Tu dis qu'il faut pas qu'on nous entende mais tu cris !
   — Je cris parce que tu me gonfles ! Des dizaines, même des centaines de personnes viennent de se faire tuer sous nos yeux et toi tu veux faire équipe avec une fille que tu connais pas, cria Chifuyu avec colère. Et pourquoi ? Parce qu'elle t'a sourit ou qu'elle est belle ? Et après ça sera qui alors ? Non parce que si tu veux ramener toutes les filles du jeu, vas-y je t'en pris !
   — Mais calme toi ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
   — Il m'arrive que j'ai peur de me faire tuer moi, répondit Chifuyu d'une voix tremblante. Tu disparais pendant deux ans, sans rien dire, tu me laisses seul, tu me rayes de ta vie et... t'as pas idée de ce qu'il a pu m'arriver, mais toi, tu reviens comme une fleur, en voulant ramener une fille dans l'équipe, alors que je me creuse la tête pour nous protéger et pas faire n'importe quoi ! Je devrais même pas te protéger ! Et toi tu ramènes une fille que tu connais pas, parce qu'elle t'a tapé dans l'œil ?!
   Takemichi ne répondit rien mais il recula pour s'écarter de Chifuyu. Le jeune homme prit sa tête entre ses mains, il posa son front contre un mur et ferma les yeux pour se calmer.
   Il fallait qu'il se calme, s'énerver contre son meilleur ami ne servait à rien, il le savait, mais ses nerfs étaient à fleur de peau et il n'arrivait pas à garder la tête froide. Chifuyu se sentait horriblement mal, la peur le tiraillait, pourquoi était-il le seul à être terrifié à ce point ?
   — Chifuyu calme toi, dit Takemichi en l'entourant de ses bras pour le rassurer.
   — Comment tu veux que je me calme, t'as vu tous ces morts, murmura Chifuyu d'un air apeuré.
   — Ça va aller, on va s'en sortir. Je vais te protéger.
   — Dis pas n'importe quoi.
   Chifuyu se dégagea de l'étreinte de son meilleur ami et renifla. Il sentait des larmes brûler ses yeux, mais il les empêcha de tomber sur ses joues. Le jeune homme s'adossa contre la porte fermée de la cabine et soupira en levant les yeux.
   — Chifuyu je t'assure qu'on va pas mourir, promit Takemichi. 
   Chifuyu ne répondit rien.
   — Moi aussi je suis terrifié, mais je sais pas quoi faire, je veux juste sauver le plus de personne possible... Si on réussit tous tous les jeux, on gagnera tous non ?
   Chifuyu garda le silence. Il n'en savait rien, mais ça ne paressait pas crédible... Ce jeu était masochiste, trop de gagnants, ce serait inintéressant pour les masqués.
   Ses yeux se posèrent sur une trappe au plafond et il fronça les sourcils.
   — Porte moi sur tes épaules.
   — Hein ?
   — La trappe là-haut.
   Takemichi leva les yeux et vit la trappe. Il se baissa alors et Chifuyu grimpa sur ses épaules en silence. Son meilleur ami se redressa et il put ainsi arriver au niveau de la trappe.
   — T'as pas un truc pour la dévisser ?
   — Euh... j'ai des cailloux.
   — Qu'est-ce que tu fais avec des cailloux dans les poches ?!
   — Je sais pas je les ai ramassé sans réfléchir sur le terrain de jeu, dit Takemichi en lui donnant une pierre.
   Heureusement que son meilleur ami était bizarre. Chifuyu attrapa la pierre et inséra le bout le plus pointu dans la tête de la vice, avant de réussi à la faire pivoter. Chifuyu défit une autre vice et put voir l'entrée d'un conduit, d'aération sûrement.
   — Monte la garde, dit-il avant de s'accrocher au bord de la trappe.
   Le jeune homme se hissa dans le conduit avec facilité. Heureusement qu'il était un petit gabarit.
   Le conduit était étroit et sombre, mais Chifuyu pouvait s'y glisser aisément. Il rampa sur la plateforme du conduit pendant de longues minutes, son souffle commençait à être court et il allait manquer de temps. Ce conduit devait forcément mener quelque part.
   Le jeune homme finit par arriver à une intersection qui lui laissait suffisamment de place pour faire demi-tour. Et une grille se trouvait sur le sol. Chifuyu s'arrêta devant et regarda en bas. Une rangée de masqués, assis devant des ordinateurs, s'étendaient en dessous de lui. Ils semblaient programmer des choses, régler des jeux. Qu'est-ce qu'ils préparaient au juste ? Et combien étaient-ils ?
   Ils étaient tous silencieux, seul le bruit des machines venait troubler le silence. Qu'est-ce que le jeune homme devait en déduire ?
   Chifuyu sentit soudainement une présence au-dessus de lui, une sensation de chaleur, et des frottements autour de lui. Il n'eut pas le temps de réagir que des doigts gantés glissèrent sur ses lèvres et une main se posa fermement sur sa bouche, alors qu'un pistolet venait se pointer sur sa tempe.
   Le sang de Chifuyu se figea et il se paralysa.
   — Qu'est-ce que tu fais là toi, murmura l'homme au-dessus de lui.
   Un masqué. Un odeur sucré. C'était le masqué de tout à l'heure. Pourquoi Chifuyu ne l'avait pas entendu arriver ? Et pourquoi Takemichi ne l'avait pas arrêté ?! Le jeune homme réussi à se retourner, très lentement, et vit qu'effectivement, un masqué se tenait au-dessus de son corps, en appuie sur ses jambes pliées et son bras posé au sol.
   Chifuyu sentait son cœur battre à toute vitesse dans sa poitrine, il allait se faire tuer, il était un homme mort.
   — Je me suis perdu, inventa Chifuyu.
   L'homme en rose maintint son arme contre sa tempe. Chifuyu se força à penser calmement et à réfléchir. S'il était venu pour le tuer, il l'aurait déjà fait non ?
   Si, alors Chifuyu n'allait pas mourir tout de suite. C'était le moment où jamais de tenter quelque chose.
   Il ne réfléchit pas et s'empara de la main de l'homme pour essayer de lui arracher son pistolet. Il remonta sa jambe et enfonça son genoux dans le ventre du masqué, une lutte silencieuse s'entama entre les deux hommes.
   Chifuyu avait du mal, l'étroitesse du conduit ne lui laissait pas beaucoup d'espace, mais avec un homme au-dessus de lui c'était pire. Il ne pouvait pas libérer ses mouvements, et avec tous les coups qu'il lançait dans le vide et qui venaient s'écraser contre les parois, il devait faire un vacarme impossible.
   Chifuyu se tordait dans tous les sens sous l'homme, il s'agitait autant que possible, et se cramponnait à l'arme sans se laisser démonter. Il remarqua très rapidement que l'homme au-dessus de lui essayait plus de l'immobiliser plutôt que de le frapper, et il essayait visiblement de ne pas trop le toucher non plus.
   C'était quelque chose qu'il fallait tourner à son avantage.
   Chifuyu se redressa sur ses coudes, essoufflé, il attrapa la tête du masqué et la frappa violemment au sol, près de ses hanches. Même avec un masque, le choc restait logiquement douloureux. Chifuyu profita de la surprise de l'homme rose pour récupérer son arme et lui asséner un coup dans le flanc, avant de parvenir à inverser leur position. Chifuyu ne comprenait même pas comment il avait réussit, mais il se posa pas plus de question et grimpa sans hésiter sur le ventre de son adversaire, forcé de s'allonger sur son corps, avant de pointer le pistolet sur son masque. Il bloqua les jambes de l'homme avec ses pieds, et ses poignets avec ses genoux et essaya de reprendre sa respiration.
   — T'es qui toi, demanda-t-il à bout de souffle.
   L'homme ne répondit pas et tenta de se débattre.
   — Putain, c'est quoi cette manie de pas répondre ?! Tu vas me dire qui t'es, s'énerva Chifuyu.
   L'homme ne dit rien. Chifuyu baissa vivement sa capuche à l'aide de sa main libre. Il décrocha son masque et lui enleva rapidement.
   — Si tu me dis pas qui t'es je t'enlève ta cagoule, menaça Chifuyu en fixant les deux yeux dorés qui le dévisageaient.
   — À quoi ça te sers de savoir qui je suis, murmura une douce voix. Tu ne pourras pas me livrer à la police, tu ne ressortiras pas vivant d'ici. Et même si c'était le cas, si tu vois mon visage, c'est moi qui me ferait tuer.
   Chifuyu n'en avait absolument rien à faire. Qu'il meurt, ce serait bien fait pour lui. Il enleva le capuchon de l'homme, ou plutôt du jeune homme, qui se trouvait sous lui et le dévisagea avec surprise.
   — Mais t'as mon âge, dit-il avec incrédulité.
   — J'ai vingt-sept ans, répondit calmement le jeune homme.
   Chifuyu ne sût pas quoi dire. Il pensait tomber sur un homme d'âge mûr, avec une peau luisante de sueur, des cheveux brillants de gras, un regard vide, une barbe mal rasée, un teint bronzé, un air repoussant ou quelque chose comme ça ! Mais ce garçon était bien loin de ses attentes, à part le regard vide, il n'avait rien en commun avec l'image qu'il s'était faite des masqués.
   Chifuyu fixa son visage sans savoir quoi dire. Sa peau était parfaitement lisse et blanche, un unique grain de beauté venait la décorer, sous son œil droit.
   Ses cheveux noirs et blonds étaient impeccablement propres, soigneusement ramenés en une petite queue de cheval qui laissait seulement deux épaisses mèches blondes tomber. Et des lignes de tatouage se laissaient apercevoir dans son cou, dépassant du col de sa combinaison. Ses grands yeux ambrés étaient hypnotisants, déstabilisants. Mais ils étaient vides. Un vide abyssal prenait ses pupilles, c'était comme si jamais une émotion n'avaient pu traverser son regard, comme si ce garçon était tombé si bas que plus rien ne pouvait le faire revivre. Ses yeux semblaient être morts.
   — À vingt-sept ans tu travailles dans une organisation criminelle, dit Chifuyu d'un air abasourdi.
   Le garçon ne répondit pas, il ne réagit pas non plus.
   — ... Comment t'es arrivé là ? Takemichi montait la garde.
   — Un coup dans la nuque et il était à terre. Je ne suis pas venu ici pour te tuer, je veux juste te parler. Baisse mon arme.
   Chifuyu ne bougea d'un pouce, au contraire, il resserra sa prise sur le pistolet.
   — Tu me veux quoi, demanda-t-il avec agressivité.
   — Tu es l'ami de Baji ?
   — Comment tu connais Baji ?
   — Réponds à ma question et je te répondrais.
   — C'est pas mon ami, je le connais juste vite fait, dit alors Chifuyu.
   — C'est un ami d'enfance pour moi.
   — T'es venu ici pour le chercher, demanda aussitôt Chifuyu.
   — Non. J'étais là depuis longtemps, je ne savais pas qu'il viendrait. Et il ne sait pas que je suis ici. Mais je veux le sauver, dit simplement le garçon.
   — Quel rapport avec moi ?
   — Pendant le premier jeu vous étiez ensemble, alors j'ai pensé que vous vous connaissiez.
   — Comment t'as pu nous voir, demanda Chifuyu sans comprendre.
   — J'étais l'un des deux hommes près de la poupée.
   — Tu nous as regardé nous faire tirer dessus sans rien faire, comprit alors Chifuyu.
   Le garçon ne répondit pas. Ça n'avait pas l'air de le faire culpabiliser, ni quoi que ce soit d'autre. Son regard restait si vide que pendant un instant, Chifuyu se demanda s'il ne s'agissait pas d'un robot.
   — Et Mikey c'est pas ton ami d'enfance, demanda le jeune homme. Il-
   — Je te propose un marché, coupa le garçon. Si tu protèges Baji sur les épreuves, je te dirais quels seront les jeux à l'avance.
   Chifuyu fronça les sourcils.
   — Comment est-ce que je pourrais avoir confiance en toi ? T'as laissé mourir des gens sans rien faire, tu voulais pas me montrer ta tête, et tu ne veux pas me dire qui tu es. Toi et moi on est pas-
   — Chat perché.
   Chifuyu se tut. Chat perché ? Pourquoi est-ce que ce garçon venait de dire « chat perché » ?
   — La prochaine épreuve. Ce sera le jeu du chat perché. Vous aurez un délai d'un certain temps, pour vous accrocher à quelque chose et vous mettre en hauteur. Le jeu sera celui du chat perché.
   Chifuyu ne parvint pas à répondre. Le masqué se dégagea de son étreinte sans aucune difficulté et il n'eut pas le temps de réagir.
   — Franchement, que tu me fasses confiance ou non, j'en ai rien à faire. Ce jeu m'importe peu, que des gens vivent ou meurt m'est égal, t'avantager en te disant les jeux à l'avance aussi. Et je m'en fou de ta vie. Tu peux mourir, j'en aurais rien à faire, dit le garçon avec indifférence. Je veux juste que quelqu'un veille sur la seule personne à qui je tiens. Il t'a protégé pendant la première épreuve, alors si t'as un minimum de fierté, protège-le à ton tour. Moi je ne peux pas le faire aussi facilement.
   Le garçon poussa Chifuyu sur le côté et changea de sens pour faire le chemin du retour.
   — Viens avec moi.
   Il récupéra son masque et sa cagoule, et avança dans le conduit. Chifuyu s'empressa de le suivre, sans voir ce qu'il pouvait faire d'autre. Le chemin se fit en silence, le jeune homme essayait vainement de faire le tri dans son esprit, qui était ce garçon, est-ce qu'il devait lui faire confiance ? D'un côté, ce serait une bonne idée. Savoir les jeux à l'avance était un avantage, il pourrait s'y préparer calmement et ne pas être surpris lors du jeu. Surtout qu'en contrepartie, il devait juste protéger quelqu'un. Mais justement. Chifuyu n'était pas faible, loin de là, mais il ne pouvait pas protéger Baji de presque trois cent candidats, et si jamais Baji mourrait, est-ce que ce garçon le tuerai ?!
— Demain, lors de l'épreuve, cours aussi vite que tu peux, t'auras pas beaucoup de temps. Il n'y aura pas de quoi s'accrocher pour tout le monde, le premier arriver sera le premier servi. Voir des cadavres t'as perturbé tout à l'heure, tu finiras par t'habituer mais en attendant ferme le yeux, n'écoute pas les cris que tu entendras et force toi à penser à autre chose.
Ce garçon avait l'air de penser que Chifuyu avait déjà accepté son marché. Pourtant, le jeune homme était encore en pleine réflexion.
— Je sais bien que sur une telle épreuve, tu peux pas faire grand chose pour Baji. Ce que je veux, c'est que tu lui montres comment agir. Il n'a rien dans le cerveau, il a besoin de quelqu'un pour réfléchir à sa place et t'as pas l'air stupide alors je préfère te demander ça à toi.
Le garçon descendit par la trappe qu'il avait atteinte et tendit les bras vers Chifuyu.
— J'ai pas besoin d'aide, lança le jeune homme. Et puis qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas me tuer quand t'en auras l'occasion ?
Chifuyu s'accrocha au bord de la trappe. Ses pieds battirent l'air un instant, à la recherche de la cuvette, avant qu'il ne se rende compte qu'il était trop petit pour l'atteindre.
— Bon rattrape moi, se résigna alors le jeune homme.
Il lâcha les bords de la trappe et tomba dans les bras du masqué, qui le rattrapa fermement contre lui. Il le déposa au sol mais ne le lâcha pas pour autant, le gardant serrer contre son torse.
— Lâche-moi, dit Chifuyu en fronçant les sourcils.
— Je croyais que ça ne te dérangeait pas d'être aussi proche de moi, répliqua Le garçon.
Chifuyu rougit sans savoir quoi répondre.
Le masqué libéra une main et ouvrit lentement sa combinaison rose, avant d'en sortir un deuxième pistolet, et de le pointer sur le cœur de Chifuyu. Le jeune homme sentit une sueur froide parcourir son dos et il déglutit difficilement.
— J'ai toujours deux armes sur moi, les candidats rebelles c'est pas nouveau, dit-il avec un petit sourire supérieur. Si je l'avais voulu, tu serais mort depuis longtemps. Ça prouve que tu peux me faire confiance non ?
Chifuyu ne réussit pas à répondre. Le garçon le lâcha alors et rangea son arme, avant de reprendre le pistolet qu'il tenait toujours dans ses mains.
— On se rejoindra ici tous les matins, dix minutes après le petit déjeuner. Dans cette cabine ok ? Tu peux me reconnaître en regardant mes chaussures, dit le garçon en pointant ses pieds.
Chifuyu ne baissa pas les yeux et resta bloqué sur le visage du garçon. À la lumière il paraissait encore plus innocent, sérieusement, qu'est-ce qu'il faisait là ? Et Chifuyu avait beau chercher, il ne parvenait pas à voir ce que représentait son tatouage au cou. Ça le dérangeait.
Le garçon claqua ses doigts devant ses yeux pour le ramener à la réalité.
— 219, c'est en bas qu'il faut regarder.
Chifuyu sursauta et baissa les yeux. Le garçon portait des bottines noires en cuire. Ses lacets entouraient ses fines chevilles, et se rejoignaient sur la languette noire de ses chaussures en un nœud papillon.
— Je suis le seul à attacher mes lacets comme ça. Tu pourras me reconnaître de cette façon. Ok ?
— ... je... Ouais... ouais.
— Ok. T'as une question ?
— Je... euh... ouais. C'est quoi ton tatouage ?
Le garçon haussa les sourcils avec surprise. Il baissa cependant son col de t-shirt et dévoila alors son tatouage, qui représentait un magnifique tigre.
— Comment tu t'appelles d'ailleurs, demanda-t-il en remettant son col et en refermant sa combinaison.
— Je t'avais posé la question en premier.
Le garçon eut un rictus d'agacement.
— Kazutora, marmonna-t-il avant de remettre sa cagoule.
— T'as l'air d'adorer ton nom, remarqua Chifuyu.
— Pff. Et toi ?
— Ça te regarde pas. Après tout tu t'en fiche de ma vie non ?
— C'est vrai. De toute façon je n'ai pas besoin que tu me le dises. Faut que j'y aille, on a perdu beaucoup de temps. On se revoit demain matin.
Kazutora plaça son masque sur sa tête, cachant ainsi son visage, et mit sa capuche sur sa tête.
— Oublie pas de ramener ton ami dans le dortoir. À demain, Chifuyu.

───────༻⭒༺ ───────

Oui j'ai un quart d'heure de retard mais bon, c'est pas grave genre c'est pas comme si j'attendais toute la journée pour poster mon chapitre 🤡
Kazutora arrive enfin dans le jeu 😩 Je l'aime beaucoup trop ce petit boug, alors ceux qui l'aime pas je vous interdis de le critiquer en com (oui, ce message est visé 🤨)
J'attends vos retours sur ce chapitre ! D'ailleurs, est-ce que vous vous doutiez que le masqué était en réalité Kazu ?

(Romane tu m'as dit que t'attendais l'arrivée de Kazu avec importance donc ce chapitre est pour toi 😩)

Squid Game - Le fil rouge Where stories live. Discover now