L'envol

427 51 155
                                    

Chifuyu se releva à toute allure, en même temps que Baji, Takemichi et Draken, les jeunes hommes se précipitèrent vers Rindo, alors que Sanzu hurlait de terreur en lâchant son allié, et que du sang l'éclaboussait de partout. Du rouge vint inonder son torse, et couvrir son visage, alors que Rindo tombait au sol. Le hurlement de Sanzu déchira l'atmosphère, strident, horrible, comme si ses cordes vocales vibraient avec tant de force que l'air en était perturbé.
   Jamais Chifuyu n'aurait cru que c'était possible de voir Sanzu si horrifié, c'était comme si tout son être n'était devenu que terreur.
— RINDO QU'EST-CE QUE T'AS FAIT, hurla-t-il alors que son allié tombait au sol.
— Putain Rin pourquoi t'as fait ça, dit Izana en essayant de compresser la plaie béante dans son cou.
— Merde... Rin ?! Rin tu nous entends, cria Kakucho avec peur.
Chifuyu arriva près d'eux en même temps que ses amis et regarda Rindo avec horreur. Une plaie sanglante barrait son cou, on pouvait voir sa chaire rougeâtre briller à l'intérieur de sa blessure. Le sang coulait à flot sur sa peau et son torse, les mains d'Izana ne retenaient rien et étaient déjà rouges. Une mare s'écoulait sous la tête de Rindo, alors que du sang remontait jusque dans sa bouche et s'échappait de ses lèvres. Son teint était blafard, si bien que ses cernes en devenaient noires, et ses paupières commençaient à se fermer.
C'était impossible de le sauver. Personne ne pouvait survivre à une telle blessure, c'était déjà un miracle qu'il ne soit pas encore mort...
Chifuyu plaqua ses mains avec effroi sur sa bouche face à l'horreur de cette scène, alors que Senju et Kakucho martelaient les portes de métal en appelant à l'aide des masqués.
— Non putain... Merde où est-ce qu'il a eu ça, cria Izana en appuyant sur le cou de Rindo.
— J-Je sais p-pas... j-je sais pas, dit Sanzu en se mettant à pleurer violemment. J'ai pas fait attention... j-je...
— Il a dû garder une bouteille après avoir pris un repas... et il a dû la casser pour en faire une arme..., dit Draken d'une voix sourde.
— Rin pourquoi t'as fait ça, p-pour... t-tu... R-Ran voulait pas ça... il v-voulait pas ça...
— Vous... me faites mal..., réussi à murmurer Rindo.
— Pourquoi les masqués viennent pas ?! Pourquoi ils viennent pas, cria Senju sans comprendre.
— Ça sert à rien, dit Baji. Ils ne viendront pas...
— Rin ? Rin, tu m'entends, demanda Sanzu en prenant son visage entre ses mains. Rin ?
Rindo cligna très lentement ses yeux, et regarda Sanzu. Ses yeux commençaient déjà à se voiler...
— Pourquoi t'as fait ça, demanda Sanzu alors que ses larmes tombaient sur le visage de son allié.
   — Merde... j'arrive pas à arrêter l'hémorragie, dit Izana en regardant ses mains trempées de sang.
   Sanzu prit aussitôt sa place, et essaya de presser la plaie avec ses mains et ses manches, mais c'était inutile. Le sang coulait sans s'arrêter, et il ne s'arrêterait jamais. C'était trop tard.
— ... J'ai mal..., dit faiblement Rindo.
Sa voix n'était plus qu'un murmure, presque inaudible, pourtant il régnait un tel silence dans le dortoir que personne n'avait besoin de tendre l'oreille pour l'entendre.
— T'es tout ce que j'ai, je veux pas vivre sans toi, pars pas je t'en supplie, sanglota Sanzu en posant son front contre celui de Rindo.
   — T'es... aussi... tout ce que j'ai...
   — Pourquoi t'as fait ça ?! Pourquoi t'as fait ça, cria Sanzu d'une voix déchirée. Qu'est-ce qu'il t'as pris ?!
   — ... J'en... peux plus...
   — POURQUOI T'AS FAIT ÇA ?!
   — ... Je suis désolé... Sanzu...
   — On aurait pu gagner la partie tous les deux ! Toi et moi on aurait pu continuer ensemble ! Je t'aurais aidé à te relever !
   — ... Tu peux... rien faire pour moi... Sanzu... laisse tomber..., chuchota Rindo alors qu'un flot de sang s'écoulait de ses lèvres.
   — Tu vas pas mourir, t'inquiète pas on va te guérir, dit Izana en secouant la tête.
   — Oui... oui on va recoudre ta blessure, assura Senju en se laissant tomber près de lui.
   — ... Arrêtez... c'est fini pour moi, murmura Rindo. Je suis... désolé Sanzu... mais je ne peux... pas... je ne... continuer... je...
   — Si tu le peux ! T'as pas idée de ce que je pourrais faire pour toi, cria Sanzu avec rage. Je pourrais tout faire pour toi, j'aurais fait ce que tu me demandais, je t'aurais rendu heureux, j'aurais pris soin de toi ! T'as pas le droit de me laisser Rindo, t'es ma seule raison de vivre depuis des années, je t'ai déjà tout donné, je te donne chaque partie de moi tous les jours et tu le sais parfaitement !
   — ... Arrête..., murmura Rindo alors que des larmes tombaient sur ses tempes.
   — Rin je pourrais donner ma vie pour toi ! J'ai toujours tout fait pour toi, pour te rendre heureux et j'aurais continué de le faire ! Ran ne serait pas mort en vain, tu peux vivre sans lui ! Pourquoi t'as fait ça ?! Toi et moi on pouvait aller loin !
   — ... Je sais... Sanzu... arrête... tu te fais... du mal...
   — J'aurais pu mettre le monde à feu et à sang juste pour toi, j'aurais p-pu... j-j-j'aurais pu... f-faire t-tellement de c-chose pour te rendre heureux... j-j-je... t'es... t-t'es a-assez fort... p-p... p-pour surmonter tout ça... R-Rindo... m-me laisse pas... me laisse pas... me laisse pas, me laisse pas, me laisse pas me laisse pas me laisse pas, cria Sanzu avant que sa voix ne se brise.
Rindo leva difficilement sa main, horriblement pâle, et réussit à caresser la joue de son allié.
— ... Je... suis désolé... Sanzu... j'ai... j'ai...
— Arrête, tu te fatigues pour rien, dit Sanzu.
   — Tu seras... jamais seul... t'as ta sœur... Izana... Kaku... tu auras... toujours quelqu'un... auprès de toi...
   — C'est toi que je veux auprès de moi, dit Sanzu en fermant les yeux.
   — C'est... c'est plus... possible... Sanzu...
   — Rindo je t'aime, murmura Sanzu d'un ton plein de détresse.
   Rindo ne répondit rien. Il valait mieux qu'il ne dise rien, et puis Sanzu savait déjà ce qu'il pensait. Sanzu se pencha alors un peu plus sur son allié et déposa ses lèvres sur les siennes, pour l'embrasser une dernière fois. Avec le peu de force qui lui restait, Rindo répondit à son baiser, faiblement, en pleurant silencieusement, puis il l'écarta de lui.
   — ... Sanzu... je... je... merci... merci pour tout, chuchota faiblement Rindo.
   Ses larmes continuaient de couler sur ses tempes, elles brillaient sur sa peau blanche, avant de tomber au sol, et de se mélanger avec le sang qui couvrait le carrelage.
   — Regarde moi...
   Sanzu ouvrit difficilement les yeux, pour regarder les iris violettes de Rindo. Elles s'assombrissaient de plus en plus.
— ... Laisse... laisse moi partir..., murmura Rindo d'un ton suppliant. S'il te plaît...
Sans se détacher de lui, Sanzu referma étroitement les yeux, faisant tomber des larmes sur le visage du jeune homme, et hocha la tête, en continuant de pleurer violemment. Le regard de Rindo brilla un instant, il regarda une dernière fois Sanzu, comme s'ils n'étaient plus tous les deux, comme si plus rien ni personne n'existait autour d'eux, comme si Sanzu était le seul qui comptait. Puis son regard s'éteignît définitivement, se voilant de brume, et sa main retomba au sol.
Sanzu dû se retenir d'hurler, car il s'effondra en silence sur son corps, sans plus aucun bruit. Il n'y avait pas de reniflement, pas de sanglots étouffés, juste sa respiration saccadée et ses épaules qui se secouaient violemment.
Senju enfoui son visage dans ses mains pour étouffer ses pleures, elle se détourna d'eux et resta immobile, à essayer de se contenir.
   Chifuyu sentit des larmes embuer ses yeux, et vit que son meilleur ami était déjà en train de pleurer à chaudes larmes. Le jeune homme releva les yeux au plafond pour essayer de retenir ses larmes, de ne pas pleurer, mais c'était vraiment dur. Pourtant il n'appréciait pas Rindo plus que ça, mais sa mort était insupportable.
   Chifuyu l'avait vu s'effondrer lorsque Ran s'était jeté dans le vide, et même s'ils n'étaient pas amis, il n'avait pas supporté de le voir dans un si mauvais état. Et le voir se trancher la gorge, dans les bras du garçon qui l'aimait en plus de ça... C'était juste horrible.
   Il avait le cœur déchiré pour Sanzu qui se retrouvait seul, et qui avait sentit Rindo mourir dans ses bras. Personne ne devrait avoir à vivre ça.
   Sanzu resta longuement sur le corps de Rindo, à pleurer en silence. Sa main parcourait avec impuissance ses cheveux violets, étalant du sang dedans, il restait blottit contre lui malgré la froideur de son corps, sa tête posée contre la sienne. Chifuyu avait l'impression de le voir mourir à son tour, de voir tout son être se déchirer sous ses yeux.
   — Tout va bien, murmura Izana en passant sa main dans le dos de Sanzu. Il est avec son frère, je suis sûr qu'il sera heureux... Hé Sanzu... Ça va aller ok ? Calme toi, écoute moi d'accord ? Sanzu ? On est là nous, on est là pour toi, on ne pouvait rien faire pour Rindo. Il n'arrivait pas à vivre comme ça, l'obliger à rester avec nous lui faisait mal. Il est mieux comme ça.
   — Mais moi je ne suis pas mieux sans lui..., dit Sanzu d'une voix étouffée.
   — Je sais, dit Izana.
   Il continua de caresser son dos, et prit le bout de bouteille de Rindo pour le donner discrètement à Kakucho, sûrement pour éviter que Sanzu ne fasse la même chose que Rindo. Kakucho le prit et le glissa dans sa poche, avant que les portes derrière lui ne s'ouvrent soudainement.
   Un homme masqué, avec un carré blanc, entra dans le dortoir, suivit de quatre cercles qui portaient une longue boîte noire. Un cercueil. Ils déposèrent la boîte au sol, au niveau de la tête de Rindo, et Chifuyu et son équipe s'écartèrent. Sanzu mit du temps à remarquer leur arrivé, mais il finit par se relever difficilement, il déposa un baiser sur le front de Rindo, et hésita un instant.
   — J-je peux garder sa veste, demanda-t-il d'une voix tremblante.
   Personne ne répondit. Il enleva alors la veste de Rindo, faisant attention à ne pas le bouger trop brusquement, comme s'il était toujours en vie et qu'il ne fallait pas le blesser, et se remit debout. Il partit entre Izana et Kakucho, qui lui avaient laissé une place dans la ligne que leur équipe avait formé devant les masqués.
   Chifuyu serra les lèvres pour continuer à rester calme, et regarda les masqués soulever le corps inerte de Rindo pour le mettre dans un cercueil, avant de refermer la boîte. Les lumières dorées autour de la tirelire du dortoir s'allumèrent et des liasses de billets tombèrent dedans.
   Le montant de la cagnotte était à présent de quarante-sept virgule six millards de yens. Mais Chifuyu n'en avait plus rien à faire, ni personne de son équipe.
   Les masqués quittèrent le dortoir en silence, en emportant Rindo avec eux, sous le regard brisé de Sanzu. Il les suivit du regard tout du long, et même après leur départ, il garda les yeux rivés sur les portes de fer.
   — Finalement il a réussit à partir, dit difficilement Kakucho.
   — Oui, dit Izana d'une voix étouffée.
   — On aurait dû voir qu'il avait un bout de verre, dit Senju en essuyant ses larmes.
   — Ce n'est pas de votre faute, vous ne pouviez pas savoir, dit Chifuyu.
   — C'est allé trop vite pour que vous puissiez réagir, ajouta Draken.
   — Ils ont raison, dit Izana. Ça va aller Sanzu ?
   Sanzu ne répondit pas. Son regard était rivé sur les portes de metal comme s'il espérait qu'elles se rouvrent et que Rindo revienne, avec son habituel air blasé sur le visage. Mais les portes restèrent fermer, et Rindo ne revint pas.
   — Sanzu, appela Izana. Ça va aller ?
   Sanzu secoua négativement la tête. Ses lèvres tremblèrent, il continua de fixer les portes désormais closes du dortoir, agita sa tête avec désespoir.
   — Non ça va pas aller, dit-il avant que sa voix ne se brise.
   Il enfoui son visage dans ses mains en explosant de nouveau en sanglot et Chifuyu le regarda avec peine.
   — Tu veux qu'on te laisse seul ?
   Sanzu ne répondit pas, et Izana échangea un regard perplexe avec ses coéquipiers.
   — Tu veux t'assoir ?
   Sanzu s'effondra au sol en se mettant à hurler de douleur, et Izana s'accroupît aussitôt près de lui avec peur, pensant sûrement qu'il faisait un malaise.
   — Il est m-mort dans mes bras, dit Sanzu en reniflant. J'ai sentit s-son cœur s'arrêter et son son c-corps devenir froid... j-j'ai vu ses yeux p-p-perdre leur éclat... C-comment je fais maintenant moi...
   — Ok je pense qu'il vaudrait mieux qu'on aille ailleurs. Viens, on va aller nettoyer sa veste, comme ça ce sera comme si elle était neuve, dit Izana en faisant passer l'un des bras de son ami au-dessus de ses épaules pour l'aider à se relever. On va parler tous les deux. Kaku je te confie Senju.
   — Oui t'en fais pas.
   Izana acquiesça et conduisit Sanzu jusqu'au toilette. Kakucho se tourna vers son équipe, mais ne sût pas quoi faire.
— Bon... Je... euh...
Visiblement, Kakucho était bien moins doué qu'Izana pour gérer ce genre de situation.
— Senju ça va, demanda Kakucho.
— Ça a l'air d'aller, dit Senju en agitant ses mains devant son visage pour s'aérer.
— Ah... euh non... c'était stupide... euh... tu... tu t'inquiètes pour ton frère ou... tu... tu veux un câlin...
— Oui je... j'aimais beaucoup Rindo... il faisait partit... de ma famille... et il a sauvé Sanzu de... de... de tellement de chose... je... c'était... oh la la... merde alors... J'ai... Ils sont où les masqués, demanda Senju en tournant sur elle-même.
— Ils sont partit, t'inquiète pas.
Senju renifla et regarda autour d'elle d'un air perdu. Ce n'était pas les masqués qu'elle cherchait, et Chifuyu n'eut pas de mal à le comprendre.
— Je... je vais aller voir Sanzu, il a besoin de moi, dit-elle avant de partir rapidement.
— Oh euh... oui... d'accord. Alors on... on t'attends, dit maladroitement Kakucho.
Senju ne lui répondit pas et partit rejoindre son frère. Kakucho n'était vraiment pas doué, mais il était aussi en état de choc, on ne pouvait pas lui reprocher.
— Ça va aller pour toi, demanda Chifuyu avec inquiétude.
— Oui t'en fais pas. Je vais attendre que Izana revienne et puis... de toute façon il va être l'heure de dormir alors... ouais, t'inquiète pas. Allez dormir, demain on a un jeu.
— Viens me demander si t'as besoin d'aide.
— D'accord.
Chifuyu hocha la tête. Il jeta un dernier coup d'œil à la flaque de sang près des portes, et partit avec ses amis en direction de leur lit. La disposition avait changé, comme il ne restait plus que quinze jou... quatorze joueurs, il n'y avait plus de rangées de lit. Sept lits étaient alignés à droite, en face de huit autres lits à gauche. Ce soir, il y aura un lit de trop...
Le jeune homme se dirigea vers son lit, en entraînant naturellement Baji avec lui, et dit au revoir à Takemichi et Draken. Ses amis partirent dans leur propre lit, et Chifuyu vérifia tout de même que tout allait bien pour eux. Takemichi ne pleurait plus, Draken avait l'air d'aller aussi bien que possible. Tant mieux.
— Et toi ça va, demanda Chifuyu à l'adresse de Baji.
— Je ne connaissais pas vraiment Rindo alors ça va. Mais ça me fait mal pour Sanzu... Toi ça va ?
— Pareil...
Baji ouvrit ses bras et Chifuyu vint s'y glisser sans hésiter.
— Tu te rends compte qu'on est plus que quatorze, murmura Baji en posant sa tête sur celle de Chifuyu.
— Déjà... Ça faisait un moment que je n'avais plus fait attention à combien on était... T'as peur pour demain ?
— Non, mais je pense que cette fois on aura pas à se battre les uns contre les autres.
— Je pense aussi... Tu sais je crois qu'après le jeu de demain on ne sera plus que six ou sept, dit Chifuyu en levant les yeux vers Baji.
— Pourquoi ?
— J'ai l'impression qu'à chaque épreuve, notre nombre est devisé par deux... Et on arrive à la fin. Demain, il y aura forcément des morts de notre équipe.
— Qu'est-ce que tu feras si Takemichi meurt, demanda prudemment Baji.
— J'aurais besoin de toi, dit Chifuyu en refusant de penser à ce genre de chose.
— Je serais là, dit alors Baji. Je serais toujours là.
— Tant que tu seras là je pourrais vivre, murmura Chifuyu en posant son front contre celui de Baji.

Squid Game - Le fil rouge Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang