28/ La tête contre les murs

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— Ma tête... mais qui a installé un marteau piqueur à l'intérieur ?

— Toi, poulette ! Pas pris de brochicolo hier soir ?

— Ah ! Giovanni a vendu la mèche... tu as des œufs frais ? demande Louisa en ouvrant le frigo.

En cet instant, elle ne ressemble à rien. Son joli chignon d'hier est dans un sale état, comme son maquillage qui a coulé. Elle est pieds nus et ne porte que ses sous-vêtements. La veille, Irène lui a enlevé sa robe pour qu'elle soit plus à l'aise pour dormir.

Irène, enveloppée dans une grosse couverture et assise à sa table devant son ordinateur, voit la grimace que fait Louisa.

— Pas d'œufs frais. Rien en fait, à part cet affreux jus de fruit. Irène ! Mais tu t'es nourrie de quoi ces derniers jours ? Sincèrement ? Ne me répond pas « croquettes pour chat » !

Irène sourit. Son amie n'a jamais aimé le matin, et encore moins quand elle est dans cet état-là.

— Je vais prendre mon lance-pierre pour te trouver un truc comestible en bas de chez moi. Il doit bien y avoir un caniche ou deux en vadrouille.

— Irèneeeeeee.

Le cri de désespoir de son amie fait rire la jeune femme.

— Ok. Je descends chez Farid. Il va adorer me voir en pyjama, dit-elle en se dirigeant vers sa chambre pour mettre un bas de jogging, parce que pour le moment, elle est en shorty et chaussettes. Le tee-shirt pourra aller.

Et puis quelqu'un frappe à la porte.

Les deux filles se regardent. Elles ne sont ni l'un ni l'autre en position d'aller ouvrir à qui que ce soit.

— Flûte, murmure Louisa en se réfugiant derrière Irène et sa grosse couverture.

Cette dernière lui fait une place, et toutes deux enveloppées et craintives, s'approchent de l'œilleton devant lequel ne figure qu'une vague forme verte et touffue.

— On fait quoi ? murmure à son tour Irène.

— C'est peut-être un voisin qui a besoin d'un truc ?

— Je n'ai pas de voisin qui me demandes des...

Irène n'achève pas sa phrase et tourne sa tête vers le loft où elle ne voit aucune activité ce matin.

— Mademoiselle Manoukian, je sais que vous êtes là. Avec Mlle Rossi. Et si je ne me trompe pas, vous avez un besoin urgent de ravitaillement pour lendemain de soirée arrosée.

Louisa n'hésite même pas. Elle ouvre direct. Irène jure que c'est pas vrai ! Qu'elle n'est plus chez elle ! Que vraiment, on peut compter sur les amies ! Que si elle avait su, elle l'aurait laissée dans ce bar hier !

— Je vois que Mlle Manoukian est d'excellente humeur, dit Conti en entrant.

Il se dirige directement vers le comptoir de la cuisine. Il a suffisamment maté depuis chez lui pour se sentir à l'aise dans le deux-pièces d'Irène. Néanmoins, il regarde partout avec un œil curieux. Il ne s'attarde même pas sur la silhouette de Louisa qui, même si elle a une tête à épouvanter des enfants le jour d'Halloween, est sans doute la chose la plus agréable à regarder dans cet appart. Il s'en fout. Par contre, le reste...

Côté bordel, il est servi. Irène n'a pas rangé les draps qui traînent au bas des fenêtres. Le séchoir à linge n'a pas bougé. Le linge dessus non plus. Le canapé propose un assortiment de vêtements. Ceux qu'elle portait la veille et d'autres dont le chemisier taché d'il y a plus de dix jours. À sa décharge, elle a tout rassemblé pour faire une machine et a ensuite oublié. La table croule sous le matériel informatique et les dossiers. Des chaussures s'alignent en ordre disparate dans l'entrée. Et des piles de livres entourent la télé coincée sur un meuble dont les portes entrouvertes laissent voir du matériel de dessin. Et puis il y a les canettes, les gobelets, les verres et les cartons à pizzas, empilés un peu partout. Seule la cuisine est nickel. Preuve qu'elle ne s'en sert pas.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant