50/ Et si c'était ça l'amour ?

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À la fin de la deuxième semaine, Irène propose à Louisa d'aller au cinéma, mais celle-ci refuse prétextant un autre rendez-vous. La jeune femme n'insiste pas. Elle ira seule.

C'est ce qu'elle croit.

Lorsqu'elle arrive au petit cinéma qui passe « What's new pussycat », elle voit Éric dans la file de spectateurs qui attend de prendre son ticket. Coïncidence ? Elle sourit et fait comme si. Ça lui plaît, cet heureux hasard. Ça lui plaît d'autant plus qu'elle n'a pas vu Éric à la machine à café quand elle a fait sa proposition à Louisa.

Il lui sourit et lui propose de le rejoindre pour éviter de se retrouver en bout de file. Elle accepte.

Ils ont déjà vu le film au moins deux fois chacun. Il s'amuse de cette autre coïncidence. Se découvrent d'autres goûts en commun. S'en amusent. Ils s'assoient au fond comme deux adolescents qui ont bien l'intention de faire autre chose que regarder l'écran. La séance commence et c'est exactement ce qu'ils font.

Irène comprend qu'Éric n'est pas si timide, en fait. Ni imperturbable. Surtout quand elle l'embrasse.

Ils ressortent de cette séance un peu particulière, avec la certitude que ça ne s'arrêtera pas là. Ils vont chez elle, parce qu'il est venu en vélo et qu'elle habite plus près. Et puis, chez lui, c'est un indescriptible amoncellement de matériel informatique. Il est réparateur à ses heures perdues.

Ils se prennent la main. Ils marchent et discutent naturellement. Même s'il y a encore quelques instants de gêne, ils avancent. Puis, il lui propose de monter sur son porte bagage pour aller plus vite et aussi parce qu'il veut pédaler dans la descente qui mène chez elle, avec elle dans son dos. Elle accepte se surprenant elle-même.

Elle a vraiment l'impression d'être redevenue une adolescente. Ils fendent l'air. Elle hurle en riant quand elle a l'impression qu'il ne maîtrise plus rien. Puis, ils arrivent à l'appartement.

Ils commencent à s'explorer dès les portes de l'ascenseur fermées. Continuent en entrant dans l'appartement. Filent directement vers la chambre. Cette fois, Irène ne veut pas de l'intervention de son voisin. Elle ne la souhaite pas. Elle ne veut pas non plus se donner en spectacle. Elle ne veut pas entendre même une allusion au sujet du loft en face. Loft qui est éclairé, soit dit en passant.

Irène s'en fout. Éric ne sait rien de ce qui se joue. Il s'en fout aussi. Malgré la réputation de type discret qu'il se traine, il aime posséder ce qu'il désire et fait en sorte de l'obtenir. Il a envie d'Irène Manoukian. Depuis le début de leur collaboration.


Salvatore Conti a très bien vu le couple enlacé filer rapidement vers la chambre. Il n'a vu qu'Irène. Il ne reconnait pas l'homme qu'elle embrasse comme une morte de faim. Il sent la colère qu'il a tenu à distance jusque-là, revenir au galop. Il doit déménager ! Il le faut ! Si jusqu'à présent, il n'a pu s'y résoudre, maintenant ça lui parait évident, s'il veut survivre.

Il lui faut de la compagnie. Une bonne partie de jambes en l'air avec une inconnue peu farouche qui disparaitra le matin venu. Il attrape son blouson de moto et sort aussi vite que possible.

Une fois dans la rue, il voit le vélo de Fortier dans l'entrée vitrée de l'immeuble d'Irène. Ça l'arrête net. Fortier ! Éric Fortier ! Ce grand échalas dégingandé se tape Irène Manoukian ! Sa chef d'équipe !

Bon, lui-même n'a jamais été le dernier à coucher avec des collègues – Vintanier est là pour en témoigner - , mais assez rarement avec des subalternes. Ça crée toujours des problèmes. Et puis, on n'est jamais sûr d'être le véritable objet de l'intérêt de son partenaire dans ces cas-là ! La promotion canapé est toujours de mise pour certaines personnes. Manifestement, Irène l'ignore, mais elle n'est chef d'équipe que depuis peu. Ça ne lui a pas traversé l'esprit sans doute...

Quelle stupidité ! Elle va le regretter. C'est sûr. Fortier n'est pas un type bien. Lui, l'a vu au premier coup d'œil. Il est discret, certes. Et il bosse bien, certes. Mais Conti l'a déjà remarqué en train d'écouter discrètement une conversation qui ne le concernait pas. Il le sent faux. Il le sent double. Maintenant qu'il a mis la main sur Irène, Conti va devoir redoubler de vigilance.

Il ne va pas déménager finalement. Il ne va pas non plus sortir. Pas ce soir.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant