34/ Je vais bien, ne t'en fais pas

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Irène arrive en avance. Elle doit préparer la salle de réunion. Moreau et Conti en ont besoin aujourd'hui pour s'entretenir avec certains membres de l'équipe. Dont elle, en fin de journée.

Tout le monde se demande ce que ça peut bien vouloir dire. L'air vibre de question. Faut-il s'inquiéter ?

Louisa se lève de son bureau en fin de matinée. Elle porte une robe vert émeraude, absolument incroyable d'élégance, qui a dû lui coûter un rein, sinon les deux. Son chignon est impeccable et ses talons toujours aussi vertigineux. Le sourire qu'elle affiche montre qu'elle va sereine à la rencontre des associés de l'agence. Elle connaît sa valeur.

Lorsqu'elle sort, elle affiche toujours son sourire, mais Irène voit immédiatement que quelque chose la tracasse. Qu'est-ce qui s'est passé là-dedans ? Elle est prête à foncer dans le tas. Si Conti lui a dit des choses horribles comme à Vintanier, elle ne garantit pas qu'il sorte vivant de l'immeuble ce soir...

Louisa bifurque vers les toilettes. Le QG d'urgence. Irène la suit de près.


— Alors ?

— Ils m'ont proposé un poste de chargé de projet.

Blanc. Surprise. Irène reste sans voix. Et puis, elle se reprend.

— C'est plutôt une bonne nouvelle... pourquoi tu fais cette tête ? Ils t'ont demandé quoi en échange ? De te donner le secret de ta sublime beauté ? Une pinte de ton sang ? De ne plus jamais m'adresser la parole ?

— Arrête ! C'est pas drôle !

— Ben non, vue la tête que tu fais... J'ai un peu de mal à comprendre, Louisa. Tu es faite pour ce job. Tu vas éclater tout le monde. Tu vas briller ! Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu devrais sauter de joie.

— Je n'ai pas aidé Conti pour ça ! Et c'est exactement ce que certains vont se dire !

— C'est ça le problème ? Le qu'en dira-t-on ?

— Ça, et le fait que je vais devoir avoir mon propre bureau et que tu ne seras plus à côté. Qu'il va falloir que je bosse seule. Plus.

— Mais t'es une vraie flippette, ma parole ! Elle est où la ceinture noire de karaté ?

Louisa est assise sur le couvercle de l'une des cuvettes de toilette. Elle hausse les épaules l'air misérable.

— Bon, je peux aussi prendre ton taser et aller en donner un coup à Conti juste pour rire. Ça pourrait te remonter le moral ?

— Que t'es con, quand même ! dit Louisa en souriant.

— Louisa ! Quelle vulgarité ! Ah ! Et puisqu'on en est au moment où on se dit des vérités difficiles à entendre. Je ne suis pas sûre que ta coûteuse robe résiste à l'hygiène plus qu'improbable de ces toilettes.

Louisa se redresse d'un bond. Elle inspecte le tissu avec méticulosité.

— C'est bon. Regarde, elle n'a rien.

— Non. Ça va. Et tu es debout, prête à bouffer du lion...

— Faut pas exagérer.

— Suggérerais-tu que Salvatore Conti ne soit pas un lion ?

— Un lionceau, tout au plus !

— Un lionceau ? J'aurais espéré au moins une panthère ou un tigre ! dit alors l'intéressé dont la tête apparaît dans entrebâillement de la porte. Il est mort de rire. Et fier de lui.

— Mais c'est pas vrai ! Depuis quand vous êtes là, vous ! C'est les toilettes pour dame !

— Il faut dépasser ces concepts de genre, Mlle Manoukian, dit-il en entrant carrément.

— C'est la fin des haricots, si jamais quelqu'un l'a vu entrer ! dit Louisa en entraînant précipitamment Conti à l'extérieur.

Fenêtre avec vueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant