41/ L'art de la trahison

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Salvatore Conti se lève tôt et remarque avec surprise que sa sœur est déjà levée. Attablée au comptoir de la cuisine, elle surfe sur le net. Elle a l'air concentrée. De temps à autre, elle croque dans une banane posée sur une assiette près d'elle. Une banane ?

Il va direct au frigo.

« Qu'est-ce que tu as fait de ce qu'il avait dans le frigo, jeune fille ? »

« Demande à ta voisine »

« Pardon ? Tu expliques ? »

« Petite faim de milieu de nuit. Restauration d'urgence proposée et acceptée »

« Tu es allée chez Irène, cette nuit ? »

Giorgia répond par un hochement de tête affirmatif.

Salvatore s'assoit face à elle et ferme le capot du portable pour l'obliger à le regarder dans les yeux.

« Développe ! »

« Elle est sympa. »

« Mais encore ? Bordel, Giorgia ! C'est quoi ce plan ! » explose Salvatore.

« Écoute frérot. C'était juste comme ça ! Elle était là ! Toute seule avec sa malheureuse tranche de pain de mie rassie, et il y avait tous ces trucs dans ton frigo. Trucs qui lui étaient destinés de toute façon ! Je me suis dit que si elle devait prendre de l'importance, je devais au moins la connaître un peu. »

« Prendre de l'importance ? Mais de quoi tu parles ? »

« Tu l'aimes bien ! Avoue ! »

« Mais bordel, Giorgia ! Je ne me mêle pas de ta vie affective désastreuse ! Ne t'avise pas de commencer à te mêler de la mienne ! »

« Hé ! Pourquoi tu te fâches ! J'ai trouvé la raison qui fait qu'elle hésite à accepter ta proposition.»

« Ma proposition ? »

« Ouaip. Regarde et apprend, jeune padawan ! » signe Giorgia en tournant vers son frère l'ordinateur qu'elle a rouvert sur un article de journal d'il y a quelques années.


Irène est arrivée au bureau plutôt de bonne humeur. Pas qu'elle ait enfin pris une décision, puisque ce n'est absolument pas le cas, mais elle s'est convaincue qu'il va se passer quelque chose qui débloquera son problème. Un évènement. Un truc quelconque.

Alors, elle suivra le flot et n'aura pas à choisir. Efficace et potentiellement salvateur. En tout cas, ça l'a rendu moins morose. En plus, elle n'a presque pas de courbatures, alors qu'elle a couru hier. Est-ce parce que son corps commence à se réhabituer ou grâce au repas de la nuit ? Elle ne saurait dire. En tout cas, elle interprète ça comme un bon signe. Elle ne veut que des bons signes.

Cette étrange entrevue avec Giorgia Conti la laisse pensive. Elle l'a trouvée sympathique. Mais bon, rien d'étrange là-dedans. On a tendance à trouver sympathiques les gens qui vous nourrissent en pleine nuit par pure bonté d'âme. Il y a autre chose qu'elle a apprécié au-delà de son handicap qui lui rappelle son jeune frère Alessio, c'est sa simplicité. Lui ouvrir, même en culotte et tee-shirt défraîchi, n'a pas gêné Irène. C'était comme accueillir Louisa. Pas de faux semblant.

Ça, c'est étrange. Vraiment. Parce qu'Irène Manoukian est assez méfiante en général. Surtout en amitié. C'est le prix à payer quand on a souffert de l'hypocrisie et du mensonge.

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