Chapitre 8 - Vitaly

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J'ai une dernière recrue à faire accepter : c'est Vitaly Ivanov. Évidemment, Spyke n'est pas d'accord.

- Hors de question ! Je ne suis pas une baby-sitter ! me réplique-t-il d'emblée. Si tu l'emmènes, il va nous causer des problèmes. Il est ingérable et impertinent ! Tu lui donnes un ordre, et il fait le contraire, juste pour t'emmerder, c'est une vraie tête à claques !

En réalité, je ne lui laisse pas le choix. Si je pars à Teneria sans Vitaly, je perdrai toute la confiance qu'il a placée en moi, et alors qui sait ce qu'il fera. Entre mal tourner dans l'Union Fédérale, ou retourner se faire tuer au Ceagrande, sa marge de manœuvre est mince. Quoi qu'en pense Spyke, je me sens responsable de lui en l'ayant accueilli à Faucon, et j'ai le sentiment confus que je le dois à Radek.

- Vitaly vient avec nous, ce n'était pas une question, dis-je sans même chercher à expliciter mes raisons.

- OK, me fait Spyke en écartant les mains pour se décharger de toute responsabilité, c'est toi le boss.


Un mois plus tôt

Je me rends à Edgeton sur le territoire voisin pour discuter avec Jefferson, le chef de la police du secteur, à propos de la sécurisation d'un convoi de matériaux qui doit passer par sa ville. À la fin de notre échange, il ajoute d'un ton anodin :

- Au fait, pendant que tu es là, j'ai un petit con à toi en garde à vue. Vitaly Ivanov. Il m'a donné ton nom. Tu le connais ?

- Oui, dis-je en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il a fait ?

- Il a volé la caisse de l'épicière au moment où elle fermait sa boutique, me répond-il. Manque de bol pour lui, j'étais dans le coin. Et quand je l'ai chopé, il a essayé de me voler ma voiture. Le tout avec quelques grammes d'alcool dans le sang pour assaisonner. Et en plus, je l'ai déjà embarqué le week-end dernier pour une bagarre.

Je soupire. Sa mère a cru bon de l'envoyer à Edgeton pour qu'il y poursuive des études, mais Vitaly ne va pas bien du tout, et ça va mal se terminer pour lui s'il continue ainsi.

- Je peux lui parler ?

- Ouais, viens.

Je le suis dans le couloir et il m'ouvre la porte d'une toute petite cellule sans rien dedans. Vitaly est allongé sur le dos à même le sol, la tête posée sur ses bras en guise d'oreiller, mais il se redresse en nous entendant entrer.

- Ça t'ennuie pas si je te laisse, Jack ? demande Jefferson. J'ai du pain sur la planche.

- Oui, pas de problème.

Il tourne les talons en direction de son bureau et le regard de Vitaly passe de moi resté seul avec lui, à la porte ouverte.

- N'essaie même pas, je le dissuade.

Il a déjà un bel hématome sous l'œil gauche, signe que Jeff n'a pas dû apprécier la tentative de vol de son véhicule. Vitaly renonce à ses désirs d'évasion et je m'assieds contre le mur en face de lui.

- Tu sais pourquoi tu es là ?

Il me fait oui de la tête.

- Je pourrais avoir de l'eau, s'il te plaît ? me demande-t-il en faisant visiblement un gros effort de politesse.

- Tu te crois au bar ? je lui réponds. Pourquoi tu as volé cet argent ?

Il me fixe dans les yeux avec un air de défi :

- Parce que j'en ai besoin. Je ne resterai pas ici, je vais repartir à Teneria.

- Si tu y retournes, tu vas te faire tuer.

- Qu'est-ce que t'en as à foutre, toi ? réplique-t-il, agressif.

- Rien, lui dis-je en haussant les épaules. Je te préviens, c'est tout.

- Mon père a été assassiné ! explose Vitaly devant mon manque de considération. Et vous, vous restez tous là les bras croisés, comme s'il ne s'était rien passé ! Tu vas m'aider ? Non. Alors oui, j'irai seul. Et ma mère qui m'envoie à Edgeton pour étudier les maths, les sciences, et plein de conneries, elle ne comprend rien ! Il faut venger mon père, et c'est à moi de le faire, tu ne pourras pas m'en empêcher !

J'écoute sa tirade sans un mot. Je n'argumente pas contre lui, il y a un fond de vérité dans ce qu'il dit, et parler de prudence à un homme qui rêve de vengeance est totalement improductif.

Je me lève et passe la tête dans le couloir :

- Jeff ?

- Ouais ? me répond-il en criant depuis son bureau.

- Je peux l'emmener avec moi ?

- Ouais !

Vitaly ouvre de grands yeux, déjà debout, prêt à partir.

- T'es sérieux, là ?

- Oui. Mais il y a des conditions.

Il se renfrogne à cette annonce, mais je poursuis :

- D'abord, tu vas venir avec moi, pour discuter avec le patron de l'épicerie.

Vitaly fronce les sourcils, tête baissée, mâchoires serrées, comprenant qu'il ne s'en tirera pas sans punition. La honte de devoir s'excuser le mettra face à ses actes, savoir faire preuve d'humilité et rabaisser son ego est important dans la vie.

- D'accord, marmonne-t-il.

Je pensais qu'il allait se montrer plus réticent à ma demande, il n'est peut-être pas si immature que ça. Je continue d'abattre mes cartes :

- Ensuite, est-ce que tu sais te servir d'un flingue ?

- Bien sûr ! me répond-il, le visage soudainement éclairé.

- Alors tu vas travailler pour moi. Il me manque un gars pour la sécurisation d'un convoi de marchandises la semaine prochaine. Spyke va te former, et tu iras avec lui.

- D'accord ! accepte-t-il avec beaucoup plus d'enthousiasme.

Au moment de quitter le commissariat, il est pris d'un doute :

- Qu'est-ce que tu vas dire à ma mère ?

- Tu te démerdes avec ta mère, Vitaly. Tu veux de l'argent, moi je te propose un travail, c'est tout.

Pour un peu d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant