Chapitre 46 - Un peu de paix

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La bagarre générale a mis fin aux combats organisés de Miguel pour la soirée. Il a dispersé tous les curieux et les belligérants loin du carré pour éviter toute reprise des provocations, mais de toute manière, personne ne semble avoir envie d'attiser la colère du Tsar. Nous nous sommes installés plus tranquillement près de la maison dans un salon de jardin, en gardant nos distances avec les hommes de Nino. Ils en font de même, comme par un accord tacite. Ce soir, ce n'est pas la guerre.

— Putain, Jack, tu peux pas dire à tes poules d'arrêter de me tourner autour ?

Une bouteille de bière à la main, Spyke écarte une énième fille d'un geste agacé comme s'il chassait une guêpe. Un grand sourire aux lèvres, Trappeur et moi avons toutes les peines du monde à nous retenir de rire. Déjà qu'en temps normal, Spyke ne passe pas inaperçu aux yeux du sexe féminin, ses performances au combat l'ont rendu particulièrement attrayant. Même s'il n'y avait pas tout à fait assez de place pour lui, il se laisse tomber entre nous deux sur le canapé. Greg sort de sa poche un marqueur indélébile :

— J'ai une solution pour toi, dit-il à Spyke en ôtant le capuchon. Montre ta tête.

— Ça va pas, non ? Dégage avec ça ! réplique Spyke en repoussant sa main.

Greg range le feutre noir en rigolant. Vitaly arrive devant nous, avec une bouteille de vodka quasiment pleine.

— Tiens, ça faisait longtemps, ironise automatiquement Spyke.

— Pourquoi ? Je t'ai manqué ?

— Justement, non.

À force de côtoyer Spyke, Vitaly a fini par apprendre qu'il est inutile d'aller plus loin dans un échange de ce genre. Il l'ignore, boit une gorgée de vodka, et s'adresse au Trappeur :

— Qu'est-ce qui est arrivé à ton bras ?

— Une balle de 7,62, répond-il sans s'étendre sur la question.

Vitaly ouvre de grands yeux impressionnés. Il nous désigne Spyke et moi :

— Vous vous êtes déjà pris une balle, vous ?

— Oui, lui dit simplement Spyke.

— Deux, pour moi, lui dis-je en faisant le chiffre avec mes doigts.

Je soupire. Ce ne sont pas mes souvenirs les plus agréables.

— Trois, fait une voix grave derrière nous en roulant le R.

Je me retourne. Andreï contourne le canapé pour venir s'asseoir sans manières sur la table basse. Il poursuit, d'un ton qui se moque ouvertement de ma surenchère stupide :

— Je vous ai battus. J'ai pris trois balles.

— Et alors, ça fait quoi de prendre une balle ? interroge encore Vitaly avec une curiosité malsaine.

C'est Andreï qui lui répond :

— Mal, d'abord. Et puis ça fait peur, Vitaly. Tu te vois mourir, dans un pays qui n'est pas le tien, pour un combat qui n'est pas le tien. Tu serais capable de vendre père et mère pour revenir cinq minutes en arrière. Ne sois pas trop pressé de rejoindre le club, il se pourrait que tu n'aies jamais l'occasion de t'en vanter.

Le jeune garçon ne dit plus rien, il le regarde avec une expression choquée. Andreï a un don pour jeter un froid avec des tirades qui feraient frémir n'importe quelle personne normale, mais cela ne semble pas le gêner. Il tend la main vers ma bouteille de whisky, dans laquelle je bois directement au goulot depuis tout à l'heure :

— Je peux ?

Je la lui passe, puis il s'adresse à Spyke en désignant sa gorge :

— Ça va ?

Pour un peu d'orDonde viven las historias. Descúbrelo ahora