Pour un peu d'or

Chapitre 16 - Sous la pluie

L'après-midi, nous retournons dans le Quartier Sud. Cette fois, seuls Spyke et moi descendons des voitures. Katia et Greg se postent en surveillance, et en renfort en cas de problème. Hier, personne ne nous attendait. Mais aujourd'hui, j'ignore à qui les jeunes dealers ont parlé. À Angelo, le maître du quartier, qui m'a interdit de mettre les pieds ici ? À un traître qui prendrait le risque de se jouer du boss ? Ou bien les deux sont-ils liés, comme semble le penser Andreï ?

Je demande également à Tony de rester invisible. Il présente un double atout : il connaît le visage des adolescents qui nous ont promis les armes, et ce sera l'occasion d'utiliser ses compétences de renseignement pour filer un plus gros bonnet.

Malgré la pluie battante, les quatre garçons nous attendent au même endroit que la veille. Lorsque nous nous approchons, leur chef fait simplement un signe de tête vers le haut de la rue :

- Suivez-moi.

Spyke et moi lui emboîtons le pas, et ses collègues nous encadrent, un marchant devant avec lui, et deux derrière nous. Si eux ne m'inspirent pas la moindre crainte, je me demande où ils nous conduisent. Je préférerais que Katia puisse garder un visuel sur nous.

Ils remontent la rue sur quelques dizaines de mètres, puis, comme je m'en doutais, ils franchissent un porche, pour nous mener à l'abri des regards dans une arrière-cour qui distribue plusieurs immeubles bas. Impossible pour Katia de nous suivre discrètement, à partir de maintenant, nous sommes seuls.

Nous pénétrons dans l'un des halls grisâtres et grimpons l'escalier jusqu'à un appartement du premier étage. Le chef du petit groupe frappe trois fois, attend quelques secondes, puis appuie sur la poignée. Il nous fait passer devant lui, entre avec nous et referme la porte, tandis que les trois autres patientent dehors.

L'appartement est totalement vide, l'unique meuble est une vieille table branlante au milieu de la pièce principale. Des rideaux miteux occultent les fenêtres, qui n'ont pas dû être ouvertes depuis des mois d'après l'odeur de renfermé omniprésente. Un matelas poussiéreux est affaissé à la verticale contre un mur écaillé. Lieu de vente, cache de fugitifs, ce logement déguisé leur sert de local à tout faire.

Et face à nous, deux hommes, aux visages dissimulés sous des cagoules. Fusil d'assaut entre les mains pour impressionner, l'un des deux reste au fond de la pièce. L'autre qui doit être son chef se tient juste derrière la petite table. Qui qu'il soit, reculer n'est plus une option, Spyke et moi marchons vers lui avec aplomb.

Je fixe l'homme droit dans ses yeux noirs, le seul élément de son visage que je puisse voir. Vêtu d'un jean sombre et d'une veste en cuir marron, il est plus petit que moi, et il arbore sur le dos de sa main droite le tatouage d'un astre solaire stylisé.

- Qu'est-ce que tu veux ? questionne-t-il d'un ton intimidant.

Sa voix résonne dans l'appartement, amplifiée par l'absence de meubles. Je répète la demande que j'ai formulée la veille :

- Deux flingues neuf millimètres.

- C'est quoi, ton nom ? interroge-t-il encore.

- C'est quoi, ton prix ? je lui réponds du tac au tac.

Il lâche un rire forcé et son collègue l'imite par mimétisme. Le jeune dealer est toujours planté à la porte pour empêcher toute issue par cette voie. Il est à peine quelques pas derrière nous, j'entends tous ses mouvements dans mon dos. Les pièces annexes sont fermées, d'autres hommes pourraient bien s'y cacher.

- Qui t'envoie ici ?

- Personne.

Spyke observe notre duel de questions - réponses, les doigts nonchalamment enfoncés dans la poche de son pantalon. Sous son index, le bouton du talkie-walkie. Une seule pression prolongée provoquera l'intervention immédiate de Katia et Greg. Mes mains à moi restent prêtes à agir, mon cœur qui bat dans mes tempes assure une réaction instantanée. Le trafiquant plisse ses yeux noirs comme s'il voulait me percer à jour. Il n'a pas reçu de directive me concernant de la part d'Angelo, auquel cas il se montrerait plus agressif.