Chapitre 9 - Tony

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La route. La route longue, mais si changeante, de plus en plus arrosée par les averses d'avril à mesure qu'on avance vers l'ouest.

D'abord les pistes et les petites routes de l'Union Fédérale. À Edgeton, je m'arrête voir Jefferson. Il me garantit que la frontière de l'Union nous sera facilement ouverte à notre retour.

Puis, les routes immensément rectilignes à travers les gigantesques plaines forestières désertes du sud du Munskaya, impressionnante réserve de bois. Je roule devant, avec Katia et Vitaly, et Spyke me suit, accompagné du Trappeur, et les pick-ups avalent les kilomètres. Spyke et moi utilisons ces voitures pour travailler au quotidien, mais elles ne nous appartiennent pas personnellement, elles sont la propriété du Royaume de Faucon. Je n'ai pas prévenu la Reine Sydney que nous les emmenions - je ne l'ai pas prévenue que nous partions tout court, d'ailleurs - mais j'imagine qu'elle ne nous en voudra pas.

Après une douzaine d'heures de route, nous faisons une halte pour la nuit, dans une petite ville au milieu des forêts du Munskaya. Katia a partagé avec nous le repas au restaurant de l'hôtel, puis elle s'est éclipsée, partie prendre la température de cette région dans la nuit.

Restent nous quatre, Vitaly, Spyke, Greg et moi, debout au bar, à siroter des bouteilles de bière. J'en profite pour allumer une cigarette. Vitaly fait cliqueter son briquet dans ses doigts sans oser réclamer. Je pousse mon paquet vers lui sans un mot, il a déjà passé toute la route à m'en demander.

- Tu sais qu'ils vendent des clopes juste là-bas ? lui dit Spyke en désignant une épicerie - bazar encore allumée de l'autre côté de la route.

Vitaly allume sa cigarette et me renvoie mon paquet.

- OK, répond-il à Spyke, alors on tire à pile ou face, et si c'est toi qui perds, tu me les payes.

- Pile ou face... se moque Spyke en posant sa bouteille sur le comptoir pour faire face au jeune garçon. Tu ne veux pas faire un plouf - plouf pendant que tu y es ? Allez, je t'accorde un bras de fer, c'est mon dernier mot.

- Laisse tomber, marmonne Vitaly, vexé, conscient qu'il n'a aucune chance de remporter une épreuve de force contre Spyke.

Mais Spyke enfonce le clou et chantonne avec un grand sourire, en pointant son doigt à trois centimètres du nez du jeune garçon :

- Plouf - plouf - c'est - le - mor - veux - qui - va - pa - yer - ses - clopes.

Vitaly commence à virer au rouge tomate, cherchant au plus profond de lui l'audace d'écarter la main de Spyke, qui n'attend que cela pour lui retourner une gifle. Je suis en train de me demander lequel des deux fera le geste de trop le premier lorsque le Trappeur m'interpelle :

- Jack, j'ai pensé à un truc.

Je quitte des yeux les chamailleries de Vitaly et Spyke, et l'interroge du regard pour l'inciter à poursuivre.

- Je connais quelqu'un qui habite au Ceagrande, pas très loin de la frontière. Il a un surplus militaire là-bas, c'est presque sur notre route, on pourrait faire un petit détour. Et puis, vu que tu cherchais des gars supplémentaires, ça pourrait peut-être l'intéresser.

À ma gauche, Spyke continue de titiller Vitaly. Passer une journée assis dans une voiture lui suffit pour chercher la bagarre.

- C'est bon, lâche-moi ! s'énerve Vitaly, sans oser pour autant toucher la montagne de muscles qui lui fait face.

Je reporte mon attention sur le Trappeur :

- Tu le connais bien ce mec ?

Recruter des hommes supplémentaires, ce n'est pas de refus, mais je ne suis pas prêt à engager n'importe qui.

Pour un peu d'orOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz