Chapitre 41 - Rentrer à la maison

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Rentrer dans l'Union Fédérale ne nous pose aucun souci. Il me suffit d'un appel radio à Jeff pour qu'on nous ouvre la route sans la moindre question. Il sait que je paye toujours très bien les services qu'on me rend.

Nous sommes enfin totalement en sécurité. Plusieurs heures nous séparent encore de Faucon, mais je suis chez moi, personne ne pourra me sortir de l'Union contre mon gré. Toute la tension retombe et les sourires s'installent malgré tout sur nos visages. Le vent printanier qui descend des collines fait ondoyer les céréales dans les champs autour d'Edgeton. Les travailleurs vaquent à leurs occupations habituelles, dans la paix du quotidien. Ici, la vie est simple et douce.

Les parieurs ne deviennent jamais riches, parce qu'ils n'ont de cesse de remettre leurs gains en jeu. Sitôt leur argent en poche, il faut qu'ils visent l'échelon supérieur. Certains nomment cette fièvre impérative « le courage de la prise de risque ». Moi, je serais moins tendre avec ce sentiment, je crois qu'il s'apparente davantage à une addiction destructrice qu'à une quelconque forme de courage. Une addiction qui pousse à poursuivre l'ascension. Plus haut. Toujours plus haut. Jusqu'à ce que la roue finisse par tourner. Parce qu'elle finit toujours par tourner. Et la chute est irréversible.

J'ai passé des années à croire avec arrogance que l'échec n'arrivait qu'aux autres, à ceux qui étaient trop médiocres. Et puis j'ai vu le gouffre sans fond, les abysses noirs, les erreurs qu'on ne peut pas effacer, la réalité qu'on ne peut pas changer, les bonheurs perdus à tout jamais.

Pourtant, je replonge vers les sirènes du large, encore et encore. Pourquoi retourner de mon plein gré dans la fange du Ceagrande, alors que j'ai ici plus qu'il m'en faut pour vivre ? Pourquoi ramper tel un damné vers le mirage d'un nouveau défi qui pourrait anéantir tout ce que j'ai construit jusqu'ici ? J'ai risqué ma vie et celle de mes amis, abandonné les miens à des milliers de kilomètres, gravé ma conscience au fer rouge du mal. Et tout ça pour quoi ? Pour un peu d'or ?

La piste qui mène à Faucon s'étend devant nous, tracée toute droite en direction de la mine de charbon, richesse originelle de ce territoire. Les forêts familières, le pont qu'on a eu tant de difficultés à rebâtir, et puis les habitations qui s'étalent le long de la rivière, jusqu'au quartier des mineurs. J'ai l'intention de prendre le temps d'apprécier tout ce que j'ai ici.

Le premier endroit où nous nous rendons, c'est la clinique de la ville, pour le Trappeur. Il a désinfecté la plaie, changé plusieurs fois de bandage, mais sa blessure ne semble pas être sur une excellente voie de guérison, continuant à suinter et à saigner par intermittence. Sur la route, il a assuré son tour de conduite comme les autres, mais j'ai bien vu que son bras le faisait souffrir.

C'est Gael qui nous y accueille. En nous voyant arriver dans notre état, il se doute que nous ne revenons pas de rien. Spyke reste près de la porte. Ses dissensions avec Gael pour des raisons plus ou moins valables sont de notoriété publique.

Gael enlève le bandage de Greg pour l'examiner.

— Blessure par balle ?

Trappeur confirme. Je ne suis pas sûr que c'était réellement une question.

— C'est pas très joli, commente-t-il en nettoyant la plaie. Vous auriez dû suturer ça proprement.

Je ne peux pas m'empêcher de lui faire remarquer :

— Si tu étais venu avec nous, tu l'aurais fait.

Il me jette un coup d'œil en biais sans rien dire. Je n'attendais pas de réponse de sa part, mon reproche était gratuit. Même si d'un point de vue personnel, j'aurais apprécié qu'il m'accompagne, j'ai conscience que la collaboration entre Spyke et lui n'aurait pas été possible.

Pour un peu d'orWhere stories live. Discover now