Chapitre 17 - Explications

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Lorsque je reviens au campement, tous me fixent avec un regard interrogateur. Seul Spyke connaît la véritable raison de ma visite chez Andreï. Je lui adresse un discret signe de la tête pour lui signifier que le problème est réglé. Pour satisfaire la curiosité des autres, je leur parle simplement du rendez-vous de demain.

Nous tendons soudain l'oreille : une voiture approche. Tony est enfin de retour.

- Tu en as mis du temps ! lui dis-je dès qu'il sort de son quatre-quatre.

- J'aime faire du bon travail, me répond-il en agitant une feuille de papier.

Nous retournons nous asseoir à l'abri du tarp, tous autour de Tony, et je lui demande :

- Tu as pu suivre le mec ? Tu as des infos sur lui ?

Tony acquiesce d'un grand hochement de tête.

- J'ai même bien plus que ce que tu voulais. J'ai son nom : il s'appelle Ricardo. Son adresse : un pavillon coquet à la limite entre le Quartier Sud et le Centre, jardin fleuri, femme et enfants. Le modèle de sa voiture, et sa plaque d'immatriculation. Tout est marqué là-dessus.

Il me tend son papier et il ajoute :

- J'ai vu son visage, mais je n'ai pas pu le prendre en photo.

- Décris-le-moi, lui fait Spyke en me prenant des mains la fiche de renseignements.

Il la retourne sur le verso vierge, et fouille dans ses poches pour en sortir un petit crayon.

- OK, je vais essayer, répond Tony, pendant que Spyke affine la mine au couteau. Il a des cheveux noirs, très courts, euh...

- Commence par son visage, le dirige Spyke.

-Alors, il a un visage un peu gros, enfin, un peu rond, tu vois. Et puis, un nez un peu gros aussi, enfin, un peu aplati...

Spyke me lance un regard dépité tout en gribouillant un croquis d'après les explications floues de Tony. Le portrait-robot risque de prendre un certain temps.

- Il a des yeux noirs, un peu en amande.

- Les yeux, je les ai, l'arrête Spyke en levant un doigt. On va débuter par là, d'ailleurs, ça va peut-être t'aider à te rappeler du reste.

Et de son crayon gris, il reproduit à l'identique les yeux qui me fixaient derrière la cagoule noire quelques heures plus tôt. Il a même restitué fidèlement cette espèce d'éclat agressif qui brillait dans les pupilles du marchand d'armes.

Quand je le vois dessiner ainsi d'une main experte, je repense toujours, avec une pointe de douleur dans le cœur, au portrait de Cheyenne qu'il avait réalisé de tête, après son décès. Il avait fini par lacérer son œuvre à coups de couteau un jour où il s'était emporté contre moi, à cause d'Anita. Lorsqu'il s'était finalement excusé de son geste, je lui avais répondu que c'était sans importance. Les morts sont morts, on ne peut pas les tuer une deuxième fois. Mais c'était le seul souvenir qu'il me restait d'elle, je n'ai pas de photos, et je sens que dans ma mémoire, les images commencent à s'estomper.

Il avait raison, revoir les yeux de l'homme redonne de l'inspiration à Tony. Des sourcils aux lèvres, du nez aux traits du visage, après des centaines de coups de crayon, et presque autant de coups de gomme agacés de Spyke, un visage cohérent apparaît devant nous : Ricardo, allié ou ennemi, seuls Andreï et Angelo pourraient le dire.


Il a plu toute la nuit, transformant le terrain en une flaque de boue géante et faisant nettement chuter la température. Pas de quoi empêcher Spyke de débuter sa journée par une série de pompes, les deux mains dans la terre détrempée.

Pour un peu d'orOnde histórias criam vida. Descubra agora