Chapitre 1 (5) : Donnent leurs larmes pour de l'eau

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Allongée dans mon lit, les yeux rivés vers le plafond, je sens que le sommeil ne viendra pas cette nuit. Quelque chose m'empêche de dormir.

J'entends la respiration, lente, douce, de Shailey à quelques mètres. Ce soir encore elle ne m'a pas parlé. Cela fait une bonne semaine. C'est long, et oppressant.

Au coeur de la plus noire des nuits, au plus proche du coeur du monde, alors que seul le silence recueille mes pensées, je me sens....Vulnérable. Faible. Je n'aime pas cela. Alors je me retourne dans mon lit, et mes yeux se fixent sur l'étui du violon.

J'entends des bruits de pas, fruits de mon imagination uniquement, je le sais. Car ces pas se sont tus depuis des années, en même temps que leur propriétaire a rendu son dernier souffle. De mauvais souvenirs remontent à la surface, vestiges de traumatismes passés.

Un pas. Deux pas. Trois pas.

Mais maintenant n'est pas le moment de songer à ces pas. A cette femme. A ce que tout ceci signifie. Je me sens compressée. Ignorée. Perdue. Mon cœur est serré. Je vais asphyxier. Peut-être ai-je tout simplement besoin de prendre l'air ?

Ni une ni deux, je quitte mon lit et m'habille en vitesse. Devant Shailey, ouais, je me doute qu'elle ne se réveillera pas, je ne fais aucun bruit et, du fait, la lumière est trop ténue pour que moi-même je ne puisse voir autre chose que ma silhouette.

A peine prête, me voilà dans le couloir, et une fois dans le couloir je dévale les escaliers pour rejoindre la salle d'eau des femmes. Le seul son que l'on entend, dans ces couloirs désertés, alors que la pénombre rend tout si difficilement discernable, c'est celui de mes pas.

J'atteins la porte désirée. La pousse. Personne. Seul l'implacable son du silence. Je passe rapidement sous la douche en espérant que personne ne vienne, et ma prière a dû être entendue. Pas un chat. Pas un son.

Mon coeur bat trop vite.

La douche ne me calme pas du tout. Je me regarde dans le miroir. La lumière, ténue, n'empêche pas de voir ce foutu maquillage. Ces vêtements noirs et blancs. Avec mes cheveux, j'ai l'impression d'être un fantôme.

Suis-je toujours en vie depuis qu'elle est partie ?

Je ne m'étais jamais posée cette simple question. Et je n'aime pas cela. Me voilà me mordre la lèvre inférieure jusqu'au sang pour ne pas crier. Mon reflet m'est insupportable. Ces yeux deux, que me renvoie le miroir, sont deux flammes éteintes.

Je quitte la salle d'eau, remonte aux dortoirs. Ai-je sommeil ? Non. Alors je monte encore. Retourne dans la cathédrale.

Malgré l'heure tardive, nombres de cierges et chandeliers sont allumés, teintant d'une pâle lumière les statues des tortionnaires du passé. Mais plutôt que de m'engager dans la nef, plutôt que d'affronter une nouvelle fois les yeux de l'Ultime Cheffe d'Orchestre et le sourire de l'Ultime Fan, je m'en vais vers les grandes portes de la Cathédrale.

Scellées.

Encadrées par deux socles de marbre portant les mentions suivantes :

"Autel aux martyrs".

"Autel aux traîtres".

C'est vers les martyrs que je m'approche d'abord. Si l'on peut reconnaître quelque chose à la décoration de cette cathédrale, c'est l'exquise beauté des sculptures, faites d'une main de maître. Notre Monokuma, le Pontife, les a-t-il réalisées lui-même ? Je n'ai pas souvenir qu'il ait jamais possédé quelque don artistique.

Le socle porte plusieurs figures. Une, grande, maigre, en uniforme de policier, les yeux tournés vers le ciel, la gorge ouverte et le sourire dément courant sur ses lèvres. Monocrow, Ultime Policière, un monstre parmi les monstres, retrouvée morte mais plus heureuse que jamais.

Danganronpa : Sacrement SépulcralWhere stories live. Discover now