Chapitre 3 (17) : Devant l'œuvre achevée et la tâche accomplie

69 12 113
                                    

- Vous ne participerez pas à l'enquête.

La voix, fatiguée, qui prononce ces mots sans réellement y croire, est celle de Theoris Waleed. Notre doyenne est debout, face à nous trois, c'est à dire moi, Edel et Shailey, assis par terre, dos au mur.

Comment je me sens ? Ne posez pas les questions dont vous ne voulez pas les réponses, je vous prie.

Je me contente donc d'acquiescer mollement aux mots de la professeure. Oh, il n'y a pas que nous quatre dans ce couloir. En réalité, tous les survivants sont ici.

Douze survivants. Attendant la fin de l'autopsie pour récupérer le monodossier et commencer l'enquête de manière propre. Comme c'est ironique, ces scènes qui se répètent.

Pour une fois néanmoins, tout le monde a un air sombre. Tout le monde. Laissez-moi rire, même le meurtrier aborde donc une mine de déterré.

Rachel ferme sa gueule, les yeux baissés, donnant des coups de pied dans tout ce qui se dresse sur son chemin. Ses dents sont serrées.

Teodora regarde Edel, mais n'ose pas venir la toucher. Du reste, la physicienne ne se laisserait pas faire. En état de choc, elle reste là, bouche béante, insensible aux stimulus extérieurs.

Shailey ? Elle a le visage caché dans ses mains. Elle tremble. J'aimerai bien la rassurer, mais sincèrement, j'en ai ni la force ni la capacité.

Car Aigjarn est mort.

Il est mort à deux doigts de moi, littéralement à deux doigts. J'ai serré son corps contre moi sans rien remarquer. Je l'ai laissé mourir exactement comme il ne voulait pas mourir, persuadé de sa sécurité alors qu'il s'endormait.

Je l'ai laissé crever.

Et je ne me le pardonnerai jamais.

Mon coeur bat à toute vitesse. Je sens du sang pulser à mes tempes. Tout se fond, et surtout, la principale source de bruit de notre groupe.

Les  cris de Konrad, maintenu immobile par Evelyn, mais pleurant malgré tout de ses pleins poumons. Gémissant, hurlant, personne ne se tourne vers lui. Car après tout, nous sommes tous atteints. Alors on s'enferme dans notre silence et notre deuil.

Septima ne me regarde même pas.

Logique.

Nous sommes, tous les trois, les suspects principaux. Exactement ce qu'Edel avait prédit lorsque nous avons formé la colocation.En se rapprochant, nous n'avons protégé personne. Pire, nous voilà foutus aux yeux de certain. Après, ça me rassure aussi. Je n'avais aucune envie de mener cette enquête.

Cyrus a bien essayé de me parler. Mais je suis restée muette. Plus la moindre volonté pour prononcer des mots qui seront une sentence. Si je parle, si je dis à voix haute qu'il est mort, alors il le sera vraiment.

La porte du cimetière s'ouvre.

Le Pontife nous attend derrière, s'essuyant les mains. Qu'a-t-il fait au c-corps ? Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas savoir. Je refuse de savoir.

Dans un silence ponctué des sanglots de Konrad, les autres pénètrent dans le cimetière. Theoris reste avec nous.

- Je...ne vous pense pas coupable, si ça peut vous rassurer.

Je ne réponds rien. Nous ne répondons rien. Theoris a l'air du bord des larmes, du reste, et simplement prononcer cette phrase semble lui en avoir coûté. Je la plaindrai bien, mais ça n'est pas elle qu'ils enterrent.

C'est celui que j'ai échoué à sauver.

Les minutes passent, dans le silence. Puis les autres ressortent. Teodora a un dossier à la main. Un seul. Elle est pâle, l'expression maintenue autant que faire ce peu.

Danganronpa : Sacrement SépulcralWhere stories live. Discover now