Chapitre 16

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     Ce n’est pas possible ! Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu pour mériter ça ?! Devinez à côté de qui nous passons, main dans la main. Eh oui, le seul et l’unique,  Adam ! Toute l’euphorie que je ressentais depuis que Julien a entrelacé nos doigts est retombée comme un soufflé sorti trop vite du four. Il faut que je me reprenne et que j’ignore cet indésirable, qui, heureusement, est en train de discuter avec Bertrand. En même temps j’aurai pu me douter de sa présence.
     Lorsque Julien me désigne une table isolée un peu plus loin, je reprends mes esprits et lui souris. Ce qu’il est mignon avec son air hésitant à chaque fois qu’il me regarde. J’ai l’impression de me voir en lui. Ce qui est étrange d’ailleurs, après ce que m’ont dit Nono et Bertrand à son sujet. Normalement c’est un homme sûr de lui, charmant certes, mais surtout charmeur.
     Il me libère la main afin que je prenne place sur la banquette avant de s’installer  en face sur un pouf. Son regard sur moi me met mal à l’aise. Moi qui me voyais passer cette soirée au bar entourée de monde, voilà que je me retrouve en tête-à-tête avec lui. Je n’arrive pas à soutenir son regard , c’est trop déstabilisant. J’ai l’impression d’être une gamine lors de son premier rendez-vous, enfin, c’est ce que j’imagine vu que je n’en ai jamais eu. Mon dieu mais qu’est-ce que je fais là ? ! Que faut-il que je fasse ou que je dise ? En plus j’ai l’impression que mon visage est en feu.

- Je suis content que tu sois venue, interrompt-il mon embarras avec un sourire timide que je lui rends en n’arrivant toujours pas à sortir un seul mot. Ta journée s’est bien passée ?
- Oui, couiné-je.
    
     Bon sang de bonsoir ! Mais quelle quiche ! Il va finir par se demander si tu as la lumière à tous les étages ! Reprends-toi ! Je souffle un coup et me lance après m’être raclée la gorge.

- Oui, répété-je d’une voix plus maîtrisée. C’était calme vu le déluge.
- Et, en fait, tu fais quoi dans la vie, si ce n’est pas trop indiscret ?
- Je tiens une boutique de linge… m’interromps-je en me demandant si c’est une bonne idée de préciser.
- De quoi ? Grimace-t-il. Attends .

      Il se lève, contourne la table, fait un signe bizarre à l’attention de quelqu’un derrière moi puis s’installe à mes côtés. Et voilà que mon cœur s’affole une nouvelle fois, j’en ai des sueurs .

- Voilà qui est mieux , me dit-il un sourire en coin. Avec la musique j’avais du mal à t’entendre. Tu disais ? Une boutique de quoi ?
- Euh, une boutique, une boutique de, bégaié-je  troublée par cette promiscuité inattendue. De lingerie.
- Oh, cool ! Et ça fait longtemps ?
- Un peu plus d’un an.
- Ça nous fait un point commun alors !

     Voyant mon air dubitatif il poursuit :
- Oui on est tous les deux ”parents”, mime-t-il les guillemets. Je considère mon club comme mon bébé, je pense que pour toi c’est pareil, non ?
     Je lui confirme d’un hochement de tête. C’est vrai que je considère ma boutique comme mon bébé. J’y tiens comme à la prunelle de mes yeux.

- C’est déjà un bon début, me dit-il en me faisant un clin d’œil. Sinon, comment connais-tu Noémie ? Vous aviez l’air proche.

     Je lui raconte nos années collège, en évitant de parler d’un certain client toujours présent quelques tables plus loin. Puis il me parle des siennes, de son boulot où il a connu ma Nono jusqu’à l’ouverture de son club. Au fur et à mesure du temps passé ensemble à discuter, j’arrive à me détendre. Pendant que nous discutions, un serveur, celui à qui il parlait avant de me rejoindre, est venu nous apporter deux cocktails. Je n’ose pas trop boire , même si c’est délicieux, de peur de perdre mes moyens.
       Julien est un homme vraiment agréable, et à regarder et à écouter. Il me raconte des anecdotes concernant le comportement de certains clients, ou clientes . Il me narre la chute d’une bimbo qui n’ arrêtait pas d’essayer d’attirer l’attention de la gente masculine en se déhanchant sur le comptoir du bar-glaçon rose, chaussée d’échasses à talon-aiguille. Le clou du spectacle n’était pas la chute en elle-même, mais la réaction des hommes qui la mataient au moment de celle-ci. Au lieu de la rattraper, ils se sont tous écartés. Du coup elle s’est fracassée la tronche par terre. En imaginant la scène j’éclate de rire. Julien me suit dans mon hilarité mais son regard change en même temps que nous nous calmons. Il se rapproche de moi, tend sa main vers ma joue, la caresse tendrement, ce qui fait cesser mes derniers gloussements. Il me regarde dans les yeux, puis mes lèvres, et lorsque son regard remonte vers le mien, je ferme les yeux pour lui donner l’accord à sa question muette. Au contact de ses lèvres sur les miennes, je crois que mon cœur va s’arrêter .

- Julien, il faut que tu viennes, y a une altercation près du bar ! Hurle une voix derrière nous.
     Après un grognement de mécontentement, Julien s’écarte les sourcils froncés en fixant son serveur l’air agacé .
- J’arrive !
     Son regard se repose sur moi, puis sur mes les lèvres qu’il caresse de son pouce avant de se pencher et de murmurer qu’il revient le plus vite possible.
      Il s’éloigne à reculons en mimant un ”attends-moi” suivi d’un clin d’œil . Je lui souris en hochant la tête et le vois disparaître dans la foule. Mince, je viens de recevoir mon premier vrai baiser de ma vie ! Et c’était… trop bien ! Je me suis sentie … bizarre… comme, euh… électrifiée, oui c’est tout à fait ça ! J’ai l’impression que mon corps est parcouru par un courant électrique .
       Je caresse mes lèvres du bout des doigts, encore en train de planer, quand mon regard se fige en apercevant Adam en train de m’observer avec un air… bon sang ! Il me regarde comme un lion guette une antilope avant de l’attaquer et de la dévorer. Limite s’il n’est pas en train de se lécher les babines. Merde, je retire mes doigts de mes lèvres en comprenant qu’il doit être en train de s’imaginer que je fais ce geste en pensant à lui.
      Trop tard, le voilà qui se lève et se dirige vers moi, un sourire de tombeur accroché au visage. À l’aide, au secours ! May Day !

- Hey, Christine ! Quelle charmante coïncidence ! Je suis vraiment ravi de te revoir, me lance-t-il avant de se pencher pour m’embrasser sur la joue.

    Et c’est tout naturellement qu’il en profite pour mettre sa main au même endroit que Julien un peu plus tôt. Sauf que l’effet n’est pas du tout le même. Là ce n’est pas un courant électrique qui me traverse mais carrément un éclair ! Je suis littéralement foudroyée par ce contact peau à peau. Mon visage doit avoir viré rouge rubis.
     Il est sérieusement en train de me faire du rentre dedans comme un gros bourrin ? Je ne sais même plus comment réagir. Je me mets deux claques mentalement et prends sur moi afin d’affronter la ”bête ” qui vient carrément de s’installer à la place de Julien sur la banquette. Je m’écarte , histoire de conserver un minimum d’espace vital, et je me tourne vers lui. Oh mon dieu, c’est moi qui ai fait ça ? Je ne peux m’empêcher de glousser en voyant son visage boursouflé.

- Mais dis-moi, tu as rencontré une porte ? Le questionné-je en désignant son nez.
- Presque, rigole-t-il. Un débile est entré en trombe dans l’immeuble où je bosse, avec son casque de moto sur le crâne, et il m’est rentré dedans.  T’imagines pas la douleur sur le coup. Enfin, à ce qu’il paraît, ça rajoute encore du charme, dit-il en jouant des sourcils. Qu’en penses-tu jolie Christine ? Finit-il en faisant un clin d’œil.
- Eh bien, si ça avait été une balafre, peut-être, mais là ça fait plus Bozzo le clown que bad boy sexy ! Désolée, me moqué-je ouvertement.
    Il feint un coup porté à son cœur en gémissant. Pff, quel cinéma ! Un type comme ça, rien ne l’atteint, j’en suis sûre. Pour preuve, il est toujours là ! !

- Tu es dure avec moi, se plaint-il.
- Vu vos jeux puérils et limite dégradant pour la gente féminine, non, je ne trouve pas ! D’ailleurs, si tu pouvais aller voir ailleurs si j’y suis…
- Outch ! Deux fois d’affilé, ça fait mal à mon ego !
- Je ne m’inquiète pas pour lui, je pense qu’il est si surdimensionné qu’il y a de la marge.
- OK, c’est mérité, j’ai peut-être un peu abusé la semaine dernière. Alors, si on reprenait depuis le début. Salut, moi c’est Adam, se présente-t-il en me tendant la main.
- Écoute Adam, soufflé-je, j’essaie d’être polie mais tu as du mal à percuter. Je. Ne. Suis. Pas. Intéressée ! Laisse tomber, s’il te plaît.

      Il prend un air ahuri, il ne doit pas avoir l’habitude de se faire rejeter. Il y a un commencement à tout, et je suis fière de moi d’être apparemment la première !

- Mais… attends, bafouille-t-il, enfin, je te jure, je suis quelqu’un de bien. Donne-moi une chance de me rattraper au moins ! Tu ne le regretteras pas…
- STOP ! Je te connais ! Arrête ton baratin,  finis-je par m’énerver franchement. Tu ne te souviens peut-être pas de moi, mais moi si !
     Je n’ai plus envie de jouer, je veux juste qu’il me fiche la paix. Mon cœur, cet idiot, bat toujours anormalement en sa présence, et il faut que ça cesse.

- Mais non, insiste-t-il, tu ne me connais pas ! C’est pas les dix minutes qu’on a passé ensemble…
- On était dans le même collège ! Le coupé-je. Et tu étais déjà une ordure ! Visiblement tu n’as pas trop changé. Maintenant tu me fous la paix ! J’étais bien gentille avec toi à cause de Bertrand, mais là ça suffit, finis-je en me levant et en lui faisant signe de retourner à sa table.
      Au moment où il se lève à son tour, deux bras s’enroulent autour de ma taille avant de me serrer contre un torse musclé et une tête se pose sur mon épaule.

- Un problème ? Lance Julien.

  Mon sauveur ! Je pose mes bras par-dessus les siens afin de lui faire comprendre que la discussion est close.
- Non, non Julien, répond Adam les mains devant lui. J’étais juste venu saluer Christine. Bonne soirée, termine-t-il en retournant à sa table.

     Julien me retourne face à lui et me dévisage. Je sens encore mes joues chauffer sous le coup de la colère et mon cœur battre à mille à l’heure.

- Tout va bien ? M’interroge-t-il inquiet.
- Oui ça va, c’est juste… laisse tomber, bredouillé-je.
- Tu sais qu’ici c’est moi le patron, et que si un certain client dérange ma cliente préférée, je peux le foutre dehors sans problème !
- Ce n’est pas la peine, lui souris-je devant ce compliment. Je pense que cette fois il a compris.
- Après ce que tu lui as fait la semaine dernière, il aurait déjà dû le comprendre, se moque-t-il.
- Tu… tu as vu ce qu’il s’est passé ? Lui demandé-je choquée.
- J’avoue que… hum, toussote-t-il, oui, je…

    Il s’interrompt, se mord la lèvre du bas comme s’il hésitait à continuer.

- Je ? Le relancé-je.
- Je n’ai pas pu m’empêcher de jeter quelques coups d’œil vers votre table.
- Ah oui ? Pourquoi ?

     Le voilà qui fourre ses mains dans les poches de son pantalon  et commence à se balancer d’un pied à l’autre. Une position que je reconnais facilement car je fais exactement la même chose quand je dois avouer un truc gênant à Nono.

- À ton avis…

    Voyant que je reste perplexe, il prend une grande inspiration .

- Je ne sais pas comment l’expliquer , mais après que Noémie nous ait présentés, je n’arrivais plus à te quitter des yeux . Je sais, ça fait un peu psychopathe dit comme ça, mais je te jure que je n’en suis pas un, hein ! C’est juste que c’était plus fort que moi. Et même mes salariés se foutaient de moi, pour te dire à  quel point…
- Wow ! Stop ! L’interromps-je ne sachant pas si je dois être flattée qu’un homme aussi séduisant s’intéresse à moi ou carrément angoissée de susciter autant d’intérêt. C’est tellement…nom d’une pipe !

     Il pique un fard et baisse la tête comme un gamin qui attend sa sentence après  avoir avoué son larcin. Il est trop mignon, si mignon que je ne résiste pas et lui caresse la joue.

- Julien, l’appelé-je doucement afin qu’il redresse sa tête.

    Nos regards se croisent, puis le sien descend sur mes lèvres. Je fais de même et en le voyant mordre à nouveau sa lèvre du bas, je la libère de mon pouce et n’y tenant plus, je l’embrasse. Je me rends compte de mon audace lorsqu’il émet une sorte de grognement, mais je n’ai pas le temps de reculer qu’il passe un  bras autour de ma taille pour me rapprocher de lui, et de son autre main me saisit la nuque pour approfondir notre baiser. Sa langue demande timidement un accès à la mienne, et sous ses caresses répétées je cède. À ce nouveau contact je me liquéfie dans ses bras  c’est comme si un feu d’artifices venait d’exploser en moi, inondant ma peau de ses petites étincelles. Un gémissement m’échappe et j’ai l’impression que tout le club a pu m’entendre. Mon dieu, la honte ! Je sens qu’il sourit contre mes lèvres avant de s’écarter .

- Ne rougis pas Christine, j’adore ce son, me taquine-t-il. Malheureusement je vais devoir t’abandonner car l’altercation a fait pas mal de dégâts et les flics vont pas tarder à se pointer.
- Oh, d’accord. Ce n’est pas trop grave ?
- Non, mais pour faire passer l’assurance il me faudra un dépôt de plainte donc, je vais avoir pas mal de paperasse à faire. Mais j’aimerai vraiment qu’on se revoit, genre vraiment vraiment, insiste-t-il.
- Moi aussi, avoué-je d’une petite voix.
- Super. Je t’appellerai dès que j’aurai un moment…
- Julien, ils sont là, nous interrompt le serveur.
- OK, dis-leur que j’arrive de suite, lui répond-il avant de se tourner vers moi. Bon…
- Je vais y aller, le coupé-je voyant son air gêné de mettre fin à notre tête-à-tête.
- Tu peux rester si tu veux …
- Non, la journée a été longue, merci.
- Je te raccompagne !

     Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’il passe son bras sur mon épaule et nous dirige vers la sortie en me pressant contre lui. Je me sens toute petite et fragile dans cette position. Ça me fait tellement bizarre d’être dans les bras d’un homme, et encore plus quand il promène son nez dans ma chevelure avant de m’embrasser la tempe. Je rêve ? Il vient vraiment de renifler mes cheveux ? Et moi qui souris comme une débile parce que… Oui ! Ce geste me plaît . Je suis bonne à enfermer, c’est sûr ! Va falloir que j’appelle Noémie de toute urgence, je suis en train de dérailler sévèrement !

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