Chapitre 23

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La mélodie des premiers chants d'oiseaux étaient amères. S'il avait connu les plus divins réveils, ces derniers jours, Kaito vivait aujourd'hui le plus douloureux.

Il enfouit son nez dans les cheveux de Takeshi, dos à lui, pour s'enivrer une dernière fois de son parfum. Il avait beau être désormais en mesure de tenir tête à quelques chasseurs de prime, l'idée de le savoir livré à son propre sort était difficile à accepter. Il déposa un chaste baiser au sommet de son crâne, puis sortit du lit avec la sensation qu'on le dépossédait de son âme.

Un froid le saisit dès qu'il abandonna la couche. Le froid d'un amour esseulé. Il soutint sa haute et longue queue de cheval par la solide broche en or, enfila sa tenue majestueuse sans un bruit, s'empara de son katana et se dirigea vers la porte. Le cœur lourd, il jeta un dernier regard sur son ange endormi, puis quitta les lieux pour ne plus jamais revenir.

La fermeture de la porte réveilla Takeshi. Il se retourna et constata la froideur qui hantait la place voisine. Vide. Il ouvrit les yeux brusquement. Kaito était parti. Il bondit aussitôt hors du matelas et passa le nez par la fenêtre. Déjà rendu au bout de la rue, le prince disparut dans un angle. Son cœur se brisa pour de bon. Il se laissa glisser le long du mur, désemparé.

— Ça y est. Tout est vraiment fini...

 

Lorsqu'il pénétra dans la salle du chef de clan, Kaito s'étonna d'être accueilli par une dizaine de conseillers. Le groupe s'inclina, révérencieux. Pour quelle raison sa mère les avait-elle fait venir à une heure si matinière ? Quelles nouvelles pouvaient-ils déjà détenir de La Grande Plaine ? Leurs expressions graves ne lui inspiraient rien de bon.

Il conserva toutefois un visage impavide. D'un geste gracieux, il repoussa sa longue veste aux broderies dragonesques et s'agenouilla à la place de son père.

— Vous semblez préoccupés. Parlez.

Un conseiller au front dégoulinant de sueur s'avança pour prendre la parole.

— Prince Kimura, Ken Musashi, il est...

— Eh bien ?

— Il... il est à nos frontières...

— Oui, à La Grande Plaine.

— Non... À la frontière de la forêt. Il... il est ici. À la Cité des Lumières...

Les yeux du prince s'écarquillèrent.

— Que dites-vous ?!

— Ses troupes dans les vallées, près du Mont... Nous sommes certains à présent que son intention était d'attirer le chef de clan à La Grande Plaine pour affaiblir les défenses de la cité et ainsi... nous attaquer en plein cœur. Un éclaireur nous a rapporté sa position... Il sera là dans peu de temps...

Le conseiller poursuivit d'une voix tremblante :

— Kimura-sama, il va... raser notre ville...

S'il n'avait pas été assis, Kaito en serait tombé à la renverse. Une sueur froide le fit sensiblement vaciller – bien qu'aucun homme ne discernât son malaise, dissimulé derrière une parfaite contenance. Personne ne devait déceler sa nervosité. Il releva le menton, poings serrés. Un certain sexagénaire au visage rond fit un pas en avant et s'inclina pour solliciter son attention.

— Kimura-sama, puis-je vous faire une suggestion ?

— Parlez, Daijiro.

— Nous devrions cloitrer les habitants chez eux, mon prince, recommanda le traître. Yuna-sama nous protègera tous, j'en suis convaincu.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOnde histórias criam vida. Descubra agora