Chapitre 25

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Une odeur de chair calcinée imprégnait les lieux, embaumés par un halo de cendres tièdes. Un silence de mort pesait dans les rues truffées de décombres, brisé par les plaintes lointaines des endeuillés et les craquements de charpentes effondrées. Les quelques braises restantes fumaient sous les seaux d'eau balancés par quelques estropiés.

À l'angle d'une ruelle, Takeshi apparut, traîné par le prince. Pas une seconde Kaito n'avait lâché son bras. À sa poigne ferme et son hermétisme, Takeshi craignait déjà le pire. Arrivé sur la rive déserte du lac, à l'écart de l'agitation, Kaito le libéra enfin de son emprise.

— Bien, nous sommes seuls. Dis-moi tout.

Takeshi frotta son poignet douloureux et détourna un regard fuyant.

— Te... te dire quoi ?

Kaito s'obscurcit.

— Sache que je ne tolère pas le mensonge. Je te conseille donc de parler.

— Je n'en sais pas plus que toi... je suis navré.

L'héritier ferma les yeux et prit une longue inspiration ; il devait faire preuve de patience.

— Takeshi, peut-être est-ce difficile pour toi d'en parler, mais je dois savoir. Et crois-moi, je finirai par savoir...

Prises pour menace indirecte, ces paroles furent loin de rassurer Takeshi.

— Il n'y a rien de difficile à expliquer. Je me souviens juste d'un sentiment... de confiance...

Les sourcils de Kaito se froncèrent.

— C'est étrange à dire, mais à la fin, je n'avais plus peur. Et lorsque ce contact a eu lieu avec Ken Musashi, quelque chose s'est produit. Tout était si puissant, exacerbé... C'était comme si je découvrais une nouvelle part de... moi-même.

Takeshi se tritura les doigts. À en juger la nervosité du prince, la pente devenait glissante. Kaito le dévisagea, tourmenté par les pires pensées. Il fit néanmoins au mieux pour conserver son calme.

— Comment as-tu réussi à le désarmer ?

— Je n'ai rien fait.

— Tu n'as... rien fait ? s'écria-t-il, éberlué. Ce que tu dis n'a définitivement pas de sens, Takeshi !

— Je... je sais. Mais lorsque nos regards se sont croisés, j'ai été attiré et...

Attiré ?

Takeshi se frotta la nuque, embarrassé.

— Je ne saurais pas l'expliquer, c'était un peu comme nous, quand...

— Takeshi ! tempêta Kaito, exaspéré.

L'accusé déglutit.

— Es-tu en train de me dire que Ken Musashi t'a inspiré confiance ou procuré une quelconque sorte de... bien-être ? se scandalisa Kaito en avançant lentement vers lui, poings serrés. Le chef de clan sanguinaire qui vient de ravager ma cité et a failli tous nous tuer ?

Takeshi se pinça les lèvres, réalisant – à son grand désarroi – qu'il ne parviendrait pas à se faire entendre.

— Comment as-tu pu ressortir sans une égratignure d'un combat avec le Maître des Flammes quand, moi, j'en porte toujours les séquelles ? fulmina Kaito. Et ton vêtement, comment s'est-il retrouvé calciné sans que tu n'aies la moindre brûlure ?

En baissant les yeux sur son torse indemne, Takeshi resta sans voix. L'aberration de sa survie face à la mort était indéniable. Entre les mains meurtrières du chef de clan, il n'avait pourtant ressenti aucune souffrance ; seule une chaleur intense l'avait enveloppé, sans lui procurer la moindre gêne. Il releva la tête et plongea dans le regard assassin du prince. La rancœur qui y brillait le décida à se museler, dans son propre intérêt. Il devait non seulement se préserver d'une vérité qui le terrifiait, mais aussi de son ami.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxWhere stories live. Discover now