Chapitre 26 - partie 1

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Les sabots des chevaux claquaient sur les pavés nappés de cendres froides. La poussière volatile engloutissait leurs jambes dans son nuage fantomatique. Kazuhiro et ses hommes contemplèrent dans un silence religieux les ruines des bâtisses, jonchées de cadavres en armures. À la clarté rosée d'une triste aurore, la cité ravagée ressemblait à une toile vieillie, meurtrie par le temps et les drames. Un atroce parfum de mort planait.

Les retrouvailles avec les survivants furent émouvantes, mais l'heure n'était pas aux sentiments. Un conseil devait se tenir, la finalité anormale de cet assaut bien préparé restant à éclaircir. Le mutisme de Yuna à ce sujet ne manqua pas d'interpeller Kazuhiro.

À la fin de la réunion, il s'isola avec elle dans la bibliothèque.

— Yuna, il me faut des réponses, pourquoi refuses-tu de parler ? lui dit-il gentiment. Si tu souhaites que la vérité reste entre nous, tu n'as qu'à me le dire...

Elle détourna le regard, réfractaire à toute discussion.

— Ma chérie, parle-moi, murmura-t-il en caressant sa joue. Nous savons tous les deux que tu sais...

— Je suis épuisée, Kazuhiro, je vais me reposer. Les maîtres et moi n'avons pas encore récupéré nos forces.

Il la retint par le bras, soucieux.

— Yuna, je t'en prie...

— Si tu retrouves Takeshi pour moi, alors peut-être que je te parlerai, ajouta-t-elle avant de faire volte-face.

— Takeshi ? Mais pourquoi...

Son épouse déjà disparue entre les portes, Kazuhiro abdiqua. Il regagna sa salle de chef de clan en soupirant. Une seule personne demeurait curieusement en attente au milieu de la partie réservée au conseil. Le petit homme s'inclina, obséquieux.

— Daijiro-san, vous êtes encore là ? C'est parfait. J'ai une mission à vous confier.

Adossé en tailleur contre un arbre de la rive, Takeshi jetait quelques cailloux dans la rivière, tantôt avec hargne, tantôt d'un geste mou, au gré de ses pensées instables. Le doux chant de l'eau avait toujours porté ses maux.

Un être vide, un passé obscur, une vie dénuée de sens et, à présent, un cœur en miettes. Voilà tout ce qu'il était. Rien ne servait de se dévouer corps et âme et d'offrir sa confiance aux hommes. Se consacrer aux bons sentiments était une cause perdue ; du moins c'est l'idée à laquelle il aurait voulu se rattacher pour justifier un besoin viscéral de solitude – la bienveillance faisait partie de lui, à son grand désarroi.

Il devait rompre un temps avec ce monde perfide, se recentrer sur sa quête intérieure et s'affirmer pour ne plus se laisser piétiner. Il avait été stupide. Stupide et naïf. L'erreur ne se reproduirait plus. Maudits Kimura ! Maudits clans, tous autant qu'ils fussent ! Misérable pays qui ne proposait aucune terre sur laquelle prospérer en toute liberté. Mais par-dessus tout, maudit Kaito. Comment rester chaleureux face à de telles diffamations, après avoir risqué sa vie pour la famille du clan ? Son ami l'avait calomnié et meurtri sans vergogne.

Il comprima une pierre entre ses doigts à s'en marquer la paume. Finalement, la vaniteuse lignée du soleil n'était qu'un pâle reflet de grandeur. Un clan de dévots à la majesté fallacieuse. À leur manière, les Kimura n'étaient pas différents du « cruel » Maître des Flammes.

Aussi violent fût-il, Ken Musashi, lui, ne se cachait pas derrière de fiers apparats. Il se déboîta presque l'épaule en jetant la dernière roche. Sa décision était sans appel : il allait récupérer ses vieux habits (garder tout souvenir de Kaito était inenvisageable) et quitterait le territoire pour de bon – pourquoi pas même le Japon ?

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant