Entre ombres et lumière T1: Le secret des Dieux

Chapitre 55

Essence de mémoire.

Kaito tira sur la bride et resta immobile. Le nom de l'effluve, comment pouvait-il lui revenir ainsi en mémoire ?

Troublé, il rebroussa chemin. Il avait beau nourrir une profonde rancœur pour ses parents, il devait découvrir la vérité qu'on lui avait caché tout ce temps. Même si elle devait le bouleverser. « Kaito, je dois savoir » La petite voix de Takeshi résonna en lui. Son cœur se serra.

Il effleura du bout des doigts le souvenir du dernier baiser, ancré sur ses lèvres. Takeshi avait vu leur fin dès l'instant où ses yeux s'étaient rouverts.

À son arrivée, l'orée de la clairière était déserte. Il soupira, soulagé et affligé à la fois. Il aurait pu maudire Takeshi tout en le serrant contre lui. Le petit nuage vert, lui, était toujours en suspension dans l'air, en attente. Kaito inspira un bon coup et plongea son nez dans la brume. Il tomba à genoux dans l'herbe et fut emporté par un vertige.

— Tu m'as oublié ?

Un petit garçon aux grands yeux de chiot se tenait devant lui.

— Non, je ne t'ai pas oublié, Takeshi-kun, rétorqua Kaito.

Le jeune héritier tendit à son ami un petit panier contenant divers gâteaux de riz colorés. Takeshi ouvrit un regard émerveillé, un sourire jusqu'aux oreilles.

— Mes préférés ! Merci, Kaito-kun, dit-il en se jetant dans ses bras.

— Comment j'aurais pu oublier tes cinq ans... siffla Kaito. Tiens, j'ai ça aussi.

Il sortit de son kimono doré un élégant ruban violet et le brandit devant lui avec un air solennel.

— Tu jures que tu le garderas toujours ?

— Oh, oui ! Oui ! Mais... comment ça se met ? fit Takeshi, hébété.

Après observation, Kaito créa une tresse maladroite qu'il laissa reposer sur son épaule, et la noua grâce au lacet mauve. Takeshi applaudit, littéralement exalté.

— J'adore ! Tu es trop doué, Kaito-kun !

— Mes cadeaux sont les meilleurs, c'est tout, se vanta le petit Kimura en croisant fièrement les bras.

— Parce que t'es mon meilleur copain !

— Pour toute la vie, affirma-t-il.

— Même après qu'on soit devenu des grands ?

Kaito agrippa l'auriculaire de Takeshi en guise de serment. Les yeux dans les yeux, il articula avec une détermination sans faille :

— Toute la vie.

Les souvenirs des deux familles réunies affluèrent dans un océan de sensations et d'images égarées ; paroles colorées et chaudes étreintes, réminiscences d'un bonheur oublié. Un seul et unique grand foyer où joie et paix n'étaient qu'une normalité, sans haine ni mensonges. Mais par-dessus tout, il se souvenait de ce petit garçon auquel il était lié, depuis sa naissance. Cette douleur-là le marqua au fer rouge. « Mon fils, fais-en sorte de traiter ton invité comme ton égal, d'où qu'il vienne. Tout comme moi. »

Les larmes ruisselèrent sur son visage. Tout n'était plus qu'une suite logique. Les réactions de sa mère, la démonstration de ses pouvoirs obscurs et son attitude surprotectrice envers Takeshi...