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6. "C'est une idée de génie, ça"

-Mick... on n'entend plus les filles, là ?

Le pilote tend l'oreille : aucun bruit dans l'appartement. Ysalis et lui se lèvent en chœur, partant à la recherche des chiennes.

-Là, chuchote Ysalis, et Mick entre dans une pièce qui semble être sa chambre. Olive noire et Angie sont allongées dans le panier de la première, museau contre museau, endormies.

-Bah voilà, finalement, le courant est passé, sourit Ysalis, et Mick acquiesce. Ils quittent la pièce pour les laisser dans le calme, et une fois dans la cuisine, Ysalis demande : qu'est-ce que tu veux manger ? Je ne pense pas que tu ais le droit de manger tout ce que tu veux.

Mick sourit.

-On peut faire une salade composée, propose-t-elle, c'est bon pour la santé, ça ?

-C'est une question ?

Ysalis hausse les épaules.

-Oui, je ne suis pas pilote de Formule 1.

-Ça me va. Je peux t'aider à la faire.

En silence, Mick et Ysalis s'attèlent à la préparation. Il aime beaucoup parler avec elle, mais il est heureux de voir que les moments de silence entre ne sont pas gênants, mais agréables.

Une fois la salade prête, ils se mettent à table, et Ysalis brise le silence pour dire :

-Je ne sais pas comment terminer ma trilogie.

Mick est surpris par cette déclaration.

-Tu n'as aucune ou trop d'idées ?

Elle sourit.

-C'est la première fois qu'on me pose cette question. Et la réponse est bien : j'ai trop d'idées. Dès que j'en choisis une, je suis déçue parce que ça veut dire que les autres n'existeront jamais.

-Fais plusieurs fins, lance Mick sans réfléchir, avant de prendre une fourchette de salade.

Ysalis se met à regarder dans le vide, et Mick repense à ce qu'il vient de dire.

-Ouais, c'est vraiment une bonne idée ! s'exclame-t-il. Tu écris autant de fins que tu imagines. Les gens n'auront pas tous la même, ils achèteront le livre de manière aléatoire.

-Mick... c'est une idée de génie, ça.

Elle quitte soudainement la table et se dirige vers le petit bureau installé de l'autre côté de la pièce. Elle sort un carnet rose pâle qu'elle ouvre, et elle attrape le premier crayon de papier qu'elle trouve pour griffonner à l'intérieur.

Elle relève soudainement la tête.

-Tu crois qu'il faut glisser un indice ? Par exemple, la couleur du titre serait d'une couleur différente selon la fin... ou pas ?

Mick se sent privilégié d'avoir autant son mot à dire sur le projet d'Ysalis. L'écriture est à la jeune femme ce que la Formule 1 est pour lui. Ce serait comme lui demander pour quelle écurie elle voulait qu'il signe.

-Pas de signes distinctifs, déclare-t-il. Chacun se débrouille avec son exemplaire.

Ysalis hoche la tête avant d'ajouter une annotation sur son carnet.

-Je vais travailler là-dessus, déclare-t-elle en se remettant à table. J'adore écrire.

Mick sourit.

-C'est plutôt rassurant si on prend en compte le fait que c'est littéralement ton métier.

Ysalis est dans ses pensées durant le reste du dîner, et Mick remarque qu'elle a à peine touché à son assiette. Il ne fait aucune remarque et l'aide à débarrasser comme si de rien n'était.

Le bruit d'une clef dans la serrure sort Mick de son sommeil. Il cligne plusieurs fois des yeux, et quand il parvient à voir devant lui, Ysalis est en train de fermer la porte.

-Désolée, je viens de te réveiller, réalise-t-elle, et Mick hausse les épaules. Je suis allée acheter une baguette, pour ton petit-déjeuner.

-Une baguette, répète-t-il, il ne fallait pas, tu n'es pas obligé de m'acheter quoi que ce soit.

Ysalis secoue la tête, l'air de dire qu'il dit n'importe quoi.

-Ça m'a coûté quatre-vingt-dix centimes, tu sais. Je n'ai rien pour le petit-déj chez moi.

-Merci, Ysalis, déclare-t-il en s'asseyant sur le canapé sur lequel il a dormi.

-Ton train est à quatorze heures, n'est-ce pas ? On va devoir partir un peu tôt, pour être sûrs de l'avoir. Normalement, on aura un peu d'avance, tu pourras t'acheter un sandwich ou quelque chose là-bas.

-Et toi ? Je te prendrais un truc aussi, déclare-t-il, mais Ysalis ne répond rien, occupée à ranger sa cuisine. Donc, je prends un méga petit-déj pour tenir jusque là ?

Elle sourit. Mick est content d'enfin provoquer une réaction chez elle.

La matinée passe vite : après le festin de Mick, ils décident d'accorder une nouvelle balade aux chiens. Cette fois, ils ne vont pas au parc, mais Ysalis lui montre le quartier. Mick trouve ça très joli, et il note dans un coin de sa tête qu'il doit le mentionner à Esteban.

Puis c'est déjà l'heure du départ. Comme à l'aller, le trajet ne semble pas long à Mick, qui a de quoi s'occuper avec sa fenêtre et ses pensées. Une fois de retour à la Gare de Lyon, Ysalis lui montre plusieurs enseignes de nourriture.

-Toi, qu'est-ce que tu voudrais ? demande-t-il, et Ysalis hausse vaguement les épaules.

-Rien, je mangerai en rentrant.

Cette fois, Mick ne peut pas passer outre. Il repasse toutes les fois où il a vu Ysalis en présence de nourriture : le milkshake, le petit-déjeuner de l'hôtel, le dîner de la veille, maintenant symboliquement. Sans compter le dîner de l'hôtel qu'ils n'ont jamais pris ensemble. Il n'a jamais vraiment vu Ysalis manger. Le cœur de Mick se met à battre rapidement. Peut-être qu'elle n'a jamais terminé son milkshake. Il ne se souvient pas si elle a mangé son croissant en entier. Elle n'a pas fini sa salade.

-Ysalis, commence-t-il doucement, et celle-ci secoue immédiatement la tête.

-Je vais devoir y aller.

Mick secoue la tête. Il ne veut pas la faire fuir. Il veut juste être sûr.

-Non, attends.

Elle secoue la tête, fuyant son regard. Il a touché une corde sensible, il le voit.

Alors il laisse tomber.

-Tu ne m'as même pas dit au revoir, sourit-il, et un petit sourire apparaît sur le visage d'Ysalis. La prochaine fois, tu pourrais venir visiter un petit morceau de Suisse.

-Avec plaisir.

-Qu'est-ce que tu as prévu de ton week-end prochain, par exemple ?

-Venir visiter un petit morceau de Suisse, répond-elle, et Mick sourit.

-Parfait. Merci pour ce week-end. Angie est ravie d'avoir rencontré Olive noire.

Sans réfléchir, il s'approche d'elle et la serre dans ses bras. Ysalis lui rend son étreinte.

-À la semaine prochaine.