15. "Il faudrait juste regarder la surface des personnes ?"

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Le lendemain matin, Mick se dirige immédiatement vers la chambre d'Ysalis pour voir si la porte est ouverte, afin de lui dire bonjour. C'est bien le cas, mais en restant quelques secondes à l'observer, il n'arrive pas à savoir si elle est en train d'écrire ou

non. Elle est avachie à son bureau, encore en train de griffonner sur son sous-main. Elle tient sa tête dans une main, et Mick ne peut pas voir son visage, mais elle semble las. Comme pour confirmer ses soupçons à Mick, elle soupire longuement.

-Bonjour ! s'exclame-t-il sans réfléchir, parce que rester caché ne fait que lui permettre d'inventer mille et une histoires dans sa tête.

Ysalis sursaute et sourit en le voyant. Elle se lève immédiatement et s'approche du seuil de la porte pour se glisser dans les bras de Mick. Celui-ci referme immédiatement ses bras sur elle et met son nez dans ses cheveux.

-Tu as bien dormi ? demande-t-il.

-Mmh mmh.

-Tu veux que je te laisse écrire ? On peut faire un truc ensemble plus tard.

-D'accord, dit-elle sans émotion, et elle se dégage de l'étreinte pour se remettre à son bureau, l'air peu enthousiaste. Mick essaie de ne pas trop analyser la situation et va dans la cuisine pour se préparer du pain grillé, accompagné d'Olive noire.

Vingt minutes plus tard, sans trop savoir pourquoi, au lieu d'aller directement prendre sa douche comme il l'avait initialement prévu, il décide de passer discrètement devant la chambre d'Ysalis... qui cette fois-ci, n'est pas du tout en train d'écrire, mais plutôt de scroller un réseau social sur son téléphone, avachie sur sa chaise.

-Ysalis ?

Elle sursaute et le regarde comme si elle avait fait une bêtise.

-Quoi ? Je prends une petite pause.

Mick hausse les sourcils. Il n'en croit pas un mot.

-Ysalis...

-Arrête de m'observer, Mick ! Arrête de m'analyser, je ne suis pas une monoplace dont il faut observer tous les détails, je suis juste une personne !

-Alors quoi ? Il faudrait juste regarder la surface des personnes ?

Ysalis secoue la tête. Il voit qu'elle est en colère, mais pas forcément contre lui. Peut-être contre elle-même. Mais sur qui d'autre que lui pouvait-elle reporter cette colère ?

-Pourquoi tu ne me dis pas simplement que tu n'arrives pas à écrire ? C'est pas honteux, Ysalis. Tu me l'as déjà dit dans le passé. Je pourrais peut-être t'aider, te...

-C'est pas ce qui se passe ! s'exclame-t-elle, et sans que Mick ne s'y attende, elle éclate en sanglots. J'ai toutes les idées, tout est là. Mais moi, je ne veux pas les écrire, ces mots. Je ne veux pas que l'écriture de ce roman prenne fin, je ne veux pas que l'écriture de cette trilogie prenne fin !

Mick secoue la tête, perdu. Ça, il ne l'avait pas vu venir.

-Mais... pourquoi ?

-Qu'est-ce que je vais écrire, après ? J'en sais rien, Mick, et ça me fait flipper. J'ai pas d'idées pour écrire autre chose. Mon père, des idées, il en a toujours plein la tête. Il a même un carnet rouge, un tout petit truc, qu'il se trimballe toujours dans sa poche pour y noter ses idées quand elles lui viennent. Quand j'étais enfant, je me souviens qu'on fêtait toujours la fin du premier jet. On faisait un grand apéro, avec des bâtonnets de carottes que je mangeais en quantité. Il ne nous parlait jamais de la période de relecture, de correction, des échanges avec les maisons d'édition. Il fêtait le premier jet et aussitôt, il parlait du livre suivant. Il nous donnait toujours quelques informations sur ce qu'il allait écrire ensuite, et on retrouve ces mêmes éléments dans les livres. Sa création ne s'est jamais arrêtée. Et moi, je me retrouve comme une idiote, après une trilogie, à ne pas savoir où aller.

Mick ne sait pas comment réagir à cette révélation. Il ne sait pas s'il doit entrer dans la pièce et prendre Ysalis dans ses bras, ou lui laisser le plus d'espace possible.

-Et en quoi est-ce que c'est grave de ne pas avoir d'idée pour un prochain livre ? demande-t-il. C'est une vraie question, je m'y connais pas.

Elle hausse les épaules.

-J'ai l'impression qu'un écrivain ne doit jamais être à court d'idées. Que si ça s'arrête, alors le cerveau s'habitue et n'invente plus rien.

-Tu as l'impression, répète Mick. C'est ce que tu as dit. Ysalis, c'est pas parce que ton père a toujours des idées en stock que ça doit aussi être ton cas. T'as le droit de passer une période sans savoir où tu vas aller ensuite. Et les idées vont venir, t'es toujours en train de réfléchir, de toute façon ! Je sais que tu ne le laisseras pas faire. Je sais que tu es pas juste l'autrice de cette trilogie, que tu écriras d'autres romans après, d'autres bons romans qui auront encore plus de succès. Mais il faut que tu te donnes du temps. Peut-être bien que ton cerveau se bloque aux nouvelles idées parce qu'il veut d'abord se concentrer sur celles du roman que tu écris actuellement. Et dès que tu auras mis le point final, il s'autorisera à inventer de nouveaux personnages qui vivront de nouvelles aventures.

Elle hausse les épaules, et Mick l'imite.

-Si t'y crois pas, j'y crois pour deux. Je ne suis pas un pilote raté, c'est toi qui l'as dit, et tu n'es pas une écrivaine ratée. Maintenant, on va sortir d'ici et aller faire un truc cool.

Ysalis fronce les sourcils.

-Quoi, comme truc cool ?

Mick n'en a aucune idée, alors il dit la première chose qui lui passe par la tête.

-Aller dans un planétarium.

Le visage d'Ysalis se détend.

-C'est vrai ?! À la Cité des Sciences ?

-Oui, répond Mick. Tu vas prendre une douche et tout ça, et moi j'organise.

Ysalis sourit.

-T'as raison, c'est un vrai truc trop cool, ça.

Mick se retrouve donc sur son téléphone, à faire des recherches sur la fameuse Cité des Sciences et son planétarium. Il réussit à réserver des places sans difficulté, et se félicite d'avoir fini avant le retour d'Ysalis. Celle-ci apparaît quelques minutes plus tard, et Mick trouve immédiatement qu'elle a meilleure mine. Elle porte un chemisier vert, et elle fronce les sourcils en voyant que le pilote l'observe.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Il hausse les épaules.

-Tu es jolie.

Son visage s'illumine d'un sourire et ses yeux se plissent.

-Merci, Mick.

Elle glisse sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts.

nom de famille » MICK SCHUMACHER ✓Where stories live. Discover now