8. La chaumière

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Le réveil est difficile. Hier je dansais et... trou noir...

Ça cogne dans ma tête et ça grogne dans mon oreille droite. J'ai envie de vomir et le sommet de mon crâne est douloureux. Je crois que c'est une gueule de bois : la première de toute ma vie. La sensation est atroce. Le grognement se trouve être un ronflement. C'est une des filles de la veille qui dort profondément à côté de moi, son manteau encore sur les épaules.

Où sommes-nous ? C'est quoi ce tissu noir sous mes mains ? Du satin ? De la soie ? Le drap d'un lit gigantesque où se sont écroulées les autres filles. Leur maquillage a coulé, mais elles sont encore trop belles pour être réelles. C'est une chambre ou une sorte de dortoir ultra luxueux, avec moulure au plafond, d'épais rideaux en brocard encadrent de grandes fenêtres et je crois qu'il y a œuvre d'art sur les murs, mais dans l'obscurité je ne vois pas ce qu'elles représentent.

Je m'extirpe doucement du lit en me dégageant des jambes et des bras entremêlés. Il me faut un verre d'eau. Dans ma quête, je retrouve mes ballerines, l'une près d'une commode napoléon III et l'autre sous le lit. Je n'ai aucun souvenir d'être venue ici. Je sors de la chambre en m'appuyant contre les murs au papier peint gris perle. Quel est cet endroit ? Un château ?

Le couloir n'en finit pas. Un bruit de percolateur provient de ce que je devine être une cuisine. Je passe la tête par la porte et vois Rob se servir du café dans un thermos argenté.

Il m'aperçoit et me sourit. Une fossette apparaît près de ses lèvres. Il est... tellement canon.

NON ! Mais qu'est-ce que je raconte !

Sans un mot, il se dirige vers le frigo américain dernier cri de cette immense cuisine laquée de noir.

- Bien dormi ? La chaumière des nains est-elle à ton goût, jolie Blanche-Neige ? Il y a du café et Jay doit revenir avec des croissants d'ici deux minutes, il y a aussi des fruits si tu ne manges pas de gluten.

- Je mange de tout, surtout le gluten ! je m'entends articuler.

Je prends la tasse qu'il m'offre. Ses yeux bleus sur moi comme de légers papillons sur une fleur.

- C'était marrant hier soir, je t'enverrai notre plan pour la prochaine soirée via ton profil sur Pomme-d'amour, si ça te dit. Tu m'excuseras, mais je dois y aller, j'ai une réunion !

Il ajuste sa cravate. Je me rends compte qu'il porte un costume gris ajusté, sur une chemise qui doit coûter un bras. Il fait très pro, il travaille où ? Pourquoi n'a-t-il pas l'air défoncé lui aussi ? Il a pourtant bu autant que moi hier soir.

- Attends ! dis-je quand il passe à côté de moi, son thermos à la main.

- Ça ne va pas, princesse ? demande-t-il alors que je fronce les sourcils. Je vais te manquer, c'est ça ?

Son sourire est malicieux et, si je n'avais pas si mal au crâne, ça me ferait (un peu ?) craquer.

- Comment suis-je arrivée ici ? Je ne me souviens que de la boîte de nuit, du pont et puis... plus rien.

- Quoi ? s'étonne-t-il. De rien du tout ?

Il me fixe, interdit. Mon manque de souvenirs a l'air de l'attrister.

- Vraiment de rien ? Oh ! Je vois... trop bu, marmonne- t-il.

Son air abattu me surprend.

- Je pensais.... Non, rien, se reprend-il. Tu n'étais peut- être pas la bonne personne...

Dans ses yeux passe comme un voile.

- Ici, on est où ?

Je me dépêche de changer de sujet pour me débarrasser de cet étrange sentiment de culpabilité sur mon manque de mémoire.

Blanche-Neige OnlineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant