60. Dormeur

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Je regarde Rob et j'essaie de comprendre. Stella m'a parlé du renvoi de son frère, est-ce que c'était à cause de Rob ?

— Jay et toi, vous avez essayé de faire renvoyé ton frère de son poste de prof ?

— Il fallait que Matthias sorte de ma vie. En outre, je ne voulais pas qu'il revoir Roxanne, elle avait reconstruit sa vie. J'avais peur qu'elle ne tienne pas si elle le revoyait. Pourtant, le faire renvoyer ne serait pas suffisant. Matthias est intelligent, il aurait trouvé un autre moyen de resurgir dans ma vie, de se rapprocher de mon père, de faire à nouveau du mal à Roxanne. La seule manière de le mettre à l'écart, de le sortir de la tête de mon père qui commençait à lui pardonner, c'était de ruiner sa réputation. Il me fallait un scandale que ma famille pourrait étouffer, mais suffisamment intense pour que mon père haïsse de nouveau le fils prodigue. Pour qu'il le sorte définitivement de nos vies. Jay a eu l'idée du scandale idéal : une relation entre un professeur et un élève mineur. Nous étions dans un lycée de garçons, mais pourquoi pas ? C'est là que Camille est intervenu. Il était un des meilleurs élèves de l'établissement, bien que très solitaire. C'était un boursier dans cet établissement privé hors de prix. Je me suis dit qu'il aurait sûrement besoin d'argent.

» Voilà le marché que nous avons passé : il approcherait Matthias pour nous aider, je lui donnerais ce qu'il voudrait. Jay et moi pourrions prendre des photos. Pourquoi pas sur le toit de l'école pendant qu'ils discutaient tous les deux ? En choisissant bien l'angle de vue, nous pourrions faire croire ce que nous voulions. Et puis nous nous en servirions pour faire renvoyer mon frère. Bien sûr, personne ne saurait qu'il s'agissait de Camille. Nous portions tous le même uniforme en classe, il suffisait de ne pas prendre son visage en photo et le tour serait joué. Le plan nous semblait parfait, mais les choses ont... dérapé.

» Camille est devenu de plus en plus proche de Matthias, il l'aimait vraiment bien. En parallèle, le comportement de notre ami était vraiment bizarre. Parfois il riait aux éclats, d'autres fois, il était en colère ou complètement anéanti par ses révisions et la pression qu'il se mettait pour finir toujours premier de sa classe. Je ne sais pas s'il commençait à regretter notre plan ou s'il avait d'autres problèmes, toujours est-il que, sans le prévenir, j'ai envoyé les photos que j'avais prise de lui et mon frère sur le toit à notre principal. En moins de vingt-quatre heures, Matthias a donné sa démission, bien avant que renvoi ne soit officiellement prononcé. J'imagine que ma famille a sorti le chéquier pour étouffer l'affaire.

» Nous avions gagné, du moins c'est ce que nous pensions. Ce que... je pensais. Mais Camille, lui... n'allait pas bien du tout. Un jour, juste avant les dernières épreuves du baccalauréat, Jay m'a appelé en panique : Camille était introuvable, il avait eu des paroles incohérentes et inquiétantes et il était mort d'inquiétude. Tandis que Jay le cherchait dans tout le lycée, je me suis précipité dans les étages et enfin sur le toit. Un orage battait son plein, il y avait peu de chance qu'il y soit mais je devais m'en assurer.

» Lorsque j'ai ouvert la porte, la pluie était si forte que je ne l'ai pas tout de suite vu. Un bras au-dessus du visage pour me protéger de l'averse trop forte, je me suis avancé en criant son nom. Mon cœur battait à tout rompre d'anxiété et de ma course dans les escaliers.

Je l'ai débord entendu avant d'apercevoir sa silhouette : Camille chantonnait. Il était debout sur le bord du toit ! Une jambe dans le vide, l'autre sur laquelle il tenant en équilibre comme un funambule sur un fil. Perdu dans son monde à fixer le ciel, inconscient de la hauteur, de la pierre glissante à cause de la pluie sous ses pieds, des éclairs qui zébraient le ciel. J'ai crié son nom au même moment qu'éclatait le tonnerre. Il ne pouvait pas m'entendre alors je me suis avancé, il s'est tourné vers moi.

» Son regard triste m'a bouleversé. " Je suis désolé. Vraiment ! Je ne voulais pas tout ça. Tu sais, il avait levé les yeux vers le ciel, Duval, je t'aimais tellement."

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