6/

26 4 3
                                    




Voilà une semaine et demie que mon père a accepté cette colocation. Depuis lors, il a signé les papiers avec le propriétaire. Ce dernier l'a reconnu, lui assurant qu'il fut le médecin de sa mère. Je ne sais pas si c'est une bonne chose mais en tout cas, je suis en train de finaliser ma valise.

Diego m'attend en bas, discutant probablement avec ma mère à propos d'un truc débile que je refuse d'aimer mais que Monsieur-Le-Gendre-Idéal adore. S'il rate sa vocation d'ingénieur, il pourra toujours se reconvertir en acteur et monter un film avec Madame Collins et son chien.

Je lui ai demandé de m'accompagner. J'ai prétexté que c'était pour m'aider à porter mes bagages -ce qui est vrai- mais c'est surtout parce que j'ai peur de me retrouver seule, nez-à-nez avec cet Angel De Los Santos.

Je vérifie une dernière fois ma penderie. Bien sûr, il y a certaines affaires que je viendrai prendre plus tard, toutefois, je dois m'assurer d'avoir le minimum syndical. Même si le "minimum syndical" a cramé avec mon ancien appartement.

Je demanderai un peu d'argent à mes parents plus tard, histoire de m'acheter quelques nouveaux vêtements. Pour l'instant, je ne peux pas me le permettre. Ils risqueraient de l'utiliser contre moi et de me forcer à rester ici.

Je glisse mon bonnet en satin dans mon sac à main, me tape les joues puis descends l'escalier. Autant dire qu'avec une valise, ce n'est pas chose simple.

Je crois que j'ai raté une marche.

Enfin, je le suppose au moment où je sens mon corps basculer vers l'avant. Le poids de mon bagage m'entraîne encore plus vers la mort et quand je crois que tout est fini pour moi, les mains de Diego se posent sur mes épaules, me réceptionnant au dernier instant.

D'un geste rapide, qui me surprend moi-même -je dois être Spider-Girl ou un truc du genre-, j'empoigne la poignée de ma valise et l'évite de dévaler l'escalier dans une cacophonie infernale.

— Putain, soufflé-je, encore sous le choc.

— Je sais que ma beauté est renversante, par ailleurs, je crois que tu as un peu trop pris l'expression au pied de la lettre, se marre mon meilleur ami.

Je secoue la tête, le remercie de son intervention puis termine ma descente risquée des marches. Une fois en bas, saine et sauve, je me tourne vers mes parents. Comme d'habitude, mon père tient une cigarette à la main tandis que ma mère me dévisage de façon désespérée. Je pourrais presque croire que je m'en vais à la guerre.

— Bon.., commencé-je, je vous remercie pour tout. À nouveau. Je vous enverrai un message quand je serai installée et...

Ma mère me coupe dans ma phrase en se jetant à mon cou. Je prends un court moment avant de répondre à son étreinte, troublée par son caractère mélodramatique. Ça fait une nouvelle personne à ajouter au film de Diego et de Madame Collins.

Je la connais par cœur, elle essaie de me dissuader avec son cinéma. Malheureusement, ma décision est prise.

Diego a raison. Je dois oser le changement. Solveig aussi a raison.

Tous les gagnants ont tenté leur chance.


Nous roulons dans le silence depuis bientôt dix minutes. Mon père n'a fait que grogner des au revoir. J'aurais parié qu'il serait en train de sauter de joie, enfin libéré du fardeau qui lui sert de fille.

— J'ai rempli la bouteille depuis la dernière fois, la voix du jeune homme retentit finalement dans l'habitacle.

Je ne peux m'empêcher de grimacer.

— J'ai abandonné l'alcool, assuré-je.

Diego détache les yeux de la route quelques secondes, histoire de me gratifier de son fameux sourire moqueur.

Sativa: Feel in a HeartbeatWhere stories live. Discover now