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Lorsque je rentre à l'appartement, je suis plutôt d'humeur joyeuse. Je tire tranquillement la valise que ma mère m'a prêté à l'intérieur puis referme la porte.

En arrivant dans l'embrasure de la porte du salon, je remarque la chevelure brune de Angel qui dépasse du haut du canapé. La télévision est allumée sur une chaîne d'information.

Donc il s'intéresse à ce qui se passe dans le monde ? Je reste convaincue qu'il n'en a rien à branler des ours polaires et de la pauvreté.

Prise d'une impulsion d'enfant de quatre ans, je décide de faire une entrée digne de Mario Kart. Je m'assois à califourchon sur l'énorme valise de ma mère avant de pousser le sol du bout du pied.

Mon colocataire détourne les yeux de l'écran au moment où il me voit littéralement rouler vers lui. Je distingue une bière dans sa main et tends le bras juste à temps pour l'attraper.

La valise s'arrête finalement à quelques centimètres du mur. Un sourire ravi se peint sur mon visage tandis que j'apporte sa bière à peine entamée à mes lèvres.

Angel me regarde fixement. Si son visage était plus expressif, j'aurais pu affirmer qu'il est ahuri, toutefois, comme il s'agit d'un glaçon, je dirais plutôt qu'il est un peu déboussolé.

— Tu joues à quoi là ? demande-t-il, d'un ton vraiment neutre pour quelqu'un qui vient de se faire voler sa bière par une fille à roulettes.

— Avec l'inflation, je refuse que tu touches à mes bières ! je m'écris en buvant une autre gorgée. Tu n'as qu'à t'en acheter !

Je doute que se retrouver assise à califourchon sur une valise me rende très crédible, par ailleurs, mon colocataire se contente de froncer les sourcils.

— Tu as fini mes yaourts à la fraise, réplique froidement le jeune homme.
Je claque ma langue sur mon palais.
— C'était pour la bonne cause, assuré-je. Je crois que tu as un sérieux problème avec ce fruit. Je fais des études de psychologie, si ce fétichisme est lié à un traumatisme quelconque, tu peux m'en parler, tu sais ?

J'ignore ce qui me permet de conserver un visage neutre en énonçant toutes ces bêtises. Il sait que je me fiche de lui. À vrai dire, même moi, je ne me prends pas au sérieux. Je pousse toujours trop loin le second degré. Je dirais que je suis plus près du cinquième ou sixième degré actuellement.

— C'est clair que j'ai toujours rêvé d'avoir une psychologue immature qui s'amuse à monter sur des valises et à me voler mes bières, Angel me scrute de haut en bas.

Je chasse ses paroles d'un geste désintéressé de la main. Prise d'un nouvel élan, je pousse le sol avec mon pied. Je roule une fois de plus devant le jeune homme, profite de passer devant la table basse pour déposer la bière dessus avant de me concentrer sur mon arrivée.

Malheureusement, je n'avais pas prévu d'être déséquilibrée par le fait de m'être légèrement penchée sur le côté. La valise dévie et fonce vers l'écran du téléviseur. Alarmée de fracasser un objet d'une telle valeur, j'ai juste la vivacité nécessaire pour légèrement modifier ma trajectoire.

L'instant d'après, je me retrouve allongée sur le dos au sol, sonnée. Je réceptionne le vase juste avant qu'il ne se brise au sol, alors que la valise a terminé sa course sur le mur, à côté de la fenêtre.

Je me relève difficilement, remets le vase en place puis me tourne vers le canapé. Mes lunettes sont de travers et je vois flou.

Toutefois, je parviens à distinguer qu'Angel a pris son visage entre ses mains. Je peux désormais affirmer qu'il est affligé. Pourtant, à l'instant où je redresse ma monture sur mon nez, je hausse les sourcils.

Sativa: Feel in a HeartbeatWhere stories live. Discover now