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— Est-ce que tu veux un muffin ? demandé-je en salivant devant celui que j'ai posé dans mon assiette.

Pour une fois, Angel prend la peine de se tourner vers moi. Il me dévisage depuis le canapé tandis que je prends une première bouchée de mon gâteau.

Je suis vraiment une putain de cuistot !

— Ils sont empoisonnés ? s'enquiert-il.

— Je ne serais pas en train de les manger s'ils l'étaient, je roule des yeux. Et tu n'as pas empoisonné le riz au curry que tu m'as donné alors je joue franc jeu aussi, je hausse les sourcils. À moins que tu l'aies empoisonné ! Avec un virus qui prend du temps à infiltrer l'organisme, du genre le Sida ou une autre merde comme ça. Je t'avoue que je devrais en connaître pas mal avec un père médecin mais j'ai tendance à ne pas trop l'écouter quand il...

— Ok, file-moi l'un de tes muffins et boucle-la !

Je souris, victorieuse puis lui tends l'une de mes formidables pâtisseries lorsqu'il s'approche du comptoir de la cuisine. Durant un quart de seconde, je suis tentée de lui fourrer le muffin dans la gorge, histoire qu'il s'étouffe avec, toutefois, je me retiens. Ils sont trop bons pour être utilisés comme arme de meurtre. Et ça laisserait trop de traces. Le camion semble toujours une meilleure alternative, bien que je dois encore la peaufiner.

Le visage d'Angel reste impassible au moment où il mord dans mon gâteau. Je guette la moindre de ses réactions, même un léger haussement de sourcils ou un tremblement de lèvre. Rien. Ce type est aussi expressif qu'un tabouret.

— Alors ? insisté-je.

Il ne me répond pas, prenant le temps de finir l'entièreté du muffin, puis retourne s'asseoir sur le canapé. Je reste bouche bée. J'hésite franchement entre être vexée jusqu'à la fin des temps ou entre lui arracher chaque mèche de ses magnifiques cheveux qu'il a aujourd'hui laissé libres.

Il a de la chance que j'ai déjà rangé le couteau, sinon, je pense que les titres des journaux de demain auraient mentionné un meurtre sauvage dans une colocation à San Francisco.

— Je m'attendais à pire.

Sa voix me fait sursauter et un rictus vaniteux naît sur mes lèvres. Dans la bouche de cet iceberg, ça veut dire que c'était extraordinaire. Oui, oui, j'ai investi dans un traducteur de connard froid et insensible. Avec Angel, ce genre de mesure est nécessaire.

— Je t'en aurais bien proposé un autre mais je les garde pour mes amis, roucoulé-je.

J'ai des choses à me faire pardonner. Comme mon abandon lâche et toutes les méchancetés que j'ai craché à Diego. Il ne résiste jamais à mes plats.

— Tu as des amis ? m'interroge Angel sans se retourner.

— Ah ah ah, très drôle. Celle-là était trop simple pour me vexer. Tu devras faire mieux.

Le jeune homme éteint le téléviseur avant de se lever de toute sa grande taille. À nouveau, je m'attends à le voir se précipiter vers moi, pourtant, il n'en fait rien -j'ai rayé sa voiture à hauteur de deux cents dollars, je sais que sa vengeance arrivera un jour, je dois être sur mes gardes tous les jours. Même en dormant-. Il contourne simplement le canapé et se dirige vers le couloir. Une fois à l'entrée de ce dernier, il s'arrête pour me regarder par dessus son épaule.

— Je t'ai déjà dit que je ne ferai jamais aucun effort pour toi, lâche-t-il platement. Tu ne mérites pas que je réfléchisse à des piques plus élaborées.

Après quoi, il referme la porte de sa chambre, sans me laisser la possibilité de rétorquer.

Rien de spécial.

Sativa: Feel in a HeartbeatWhere stories live. Discover now