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Je n'arrive pas à croire que nous ayons encore suivi cette femme dans ses histoires ridicules. Je n'ai même pas d'argent à claquer dans un putain de costume. Et quel genre d'hôtel organise des soirées déguisées ?

Madame Herrero connaît le propriétaire, je suis sûre qu'elle lui a soufflé l'idée d'une manière ou d'une autre. Actuellement, elle arpente les rayons avec un sourire jusqu'aux oreilles et en dépit de mon avis défavorable à tout cela, son attitude me fait rire. Du haut de ses soixante années, elle dégage quelque chose d'enfantin. Son mari la contemple avec une tendresse infinie, portant à bout de bras les innombrables vêtements qu'elle a sélectionnés.

Ils sont si mignons.

J'ai été surprise de la facilité avec laquelle nous avons trouvé un magasin de déguisements. On dirait que la ville entière est du côté de ma voisine et de ses idées farfelues.

Angel s'est appuyé au mur près des cabines d'essayage et n'a pas bougé depuis. Il pourrait au moins faire semblant, lui qui d'habitude essaie de masquer son horrible tempérament aux Herrero. De mon côté, je marche dans les rayons sans but, feignant de m'émerveiller devant un vêtement lorsque le regard de Rosalía croise le mien.

Hors de question d'acheter un truc que je ne remettrai jamais. Je garde le peu d'argent que j'ai pour l'alcool, les fêtes et les concerts de "The Holyday" -ainsi que pour toutes les choses utiles et responsables de la vie d'adulte, bien entendu-.

Je suis encore perdue dans mes pensées lorsque Madame Herrero fonce dans ma direction. J'ai à peine le temps de comprendre ce qu'elle souhaite faire qu'elle m'attire vers l'une des cabines d'essayage. Angel a déserté, et pour cause, Ernesto l'a tiré de l'autre côté du magasin.

— Euh, qu'est-ce qui se passe ? je demande, en attrapant comme je peux la tonne de vêtements qu'elle fourre dans mes mains.

No te preocupes ! roucoule ma voisine pour toute réponse. Mon mari s'occupe d'Angel et moi, je m'occupe de toi. Vous pensez que je ne remarque pas à quel point vous faites semblant de vous intéresser à ce que je dis ?

La culpabilité de m'être fait prendre en flagrant délit de sabotage me fait improviser une réponse un peu minable.

— Angel ne prend même pas la peine de faire semblant ! je finis par réussir à articuler cette phrase après une série de bafouillages.

Enfoncer mon colocataire pour me sauver la mise ? Tous les jours, si besoin.

Madame Herrero sourit malicieusement puis me pousse dans la cabine.

— Raison de plus pour que nous prenions les choses en main ! assure-t-elle avant de tirer le rideau.

Je me retrouve face à moi-même, un peu déboussolée, dans cet espace exiguë à la luminosité douteuse. Pourtant, à ma grande surprise, je remarque que mon reflet sourit.

Cette situation est bien trop pittoresque pour que je reste de marbre. C'est pourquoi, je me résigne à enfiler la première tenue en rigolant. Qu'est-ce que je ne ferai pas pour cette petite vieille, dites-moi ?

Il s'agit d'un bustier rouge absolument magnifique accompagné d'un pantalon noir, ajusté comme il le faut. Je crois deviner où elle veut en venir.

— Vous voulez me déguiser en Mictecacíhuatl ? demandé-je en sortant de la cabine. Avec un maquillage calavera et tout ?

Ses yeux s'illuminent, tant à cause de ma question qu'à cause de ma tenue.

— Exactement ! s'écrit Rosalía. Je suis ravie que tu saches tout cela.
— Mon meilleur ami est mexicain, je ris puis baisse les yeux vers mon corps. La tenue est vraiment belle mais je n'aime pas comment elle m'habille.

Sativa: Feel in a HeartbeatKde žijí příběhy. Začni objevovat