Chapitre 3 : Une mélodie dans le noir

102 11 3
                                    

Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 1, épisode 1, autour de 10:00, à la suite de la scène du chapitre 2. TW : drogue, addiction, pensées intrusives, hallucinations, TSPT/PTSD.

---

23 mars 2019, 23:45

Dans la chambre 33, j'essaye de dormir. La chambre de Diego n'est pas très grande, mais au moins elle est moins crade que celle de Klaus. Il y a plusieurs jeux de fléchettes, des piles de bouquins et des magazines de lucha libre. Je ne touche pas trop à la table de nuit : il y des objets tranchants dessus. Pour le moment, mes tentative de trouver le sommeil restent vaines. Dans la chambre d'à côté, je peux entendre Klaus lutter contre les fantômes de ses visions.

Je me souviens clairement du moment où j'ai compris qu'il les voyait vraiment, une dizaine d'années en arrière. Quand j'ai réalisé que ce n'étaient pas des hallucinations dues à ses délires de junkies, parce qu'en réalité il en a plein aussi. Je savais qui il était ; je n'étais simplement pas certaine de ce qu'il 'pouvait faire'.
Tout est tellement inextricable, avec lui. Il y a ce qu'il voit, et aussi ce dont il se rappelle, les deux se faisant écho en spirale, vers le fond. Plus il est sobre, pire c'est, et ce soir, sa promesse à Allison sonne comme une malédiction. Je ne sais pas ce qu'il est en train de faire: s'il est en train de taper contre le mur ou un meuble, mais je l'entends parfois jurer, souffler et pester. Je tourne et je retourne dans ce lit qui a été refait pour moi. Et puis finalement...

"Fait chier".
Je me lève, et je traverse les quelques mèrtres du couloir obscur qui sépare les chambres 33 et 34.

Il se tient debout, en face de son armoire, les bras croisés et les yeux serrés. Ses cernes semblent s'étendre sans fin en dessous, sans comparaison aucune avec sa fatigue relative du dîner. Je devine les agressions qu'il cherche à repousser, tant extérieures qu'intérieures, et ses tentatives pour garder ses émotions et son pouvoir sous contrôle. Malgré tout, il a senti ma présence à la porte. Et en se forçant à avoir l'air de rien, les dents serrées, il regarde par dessus son épaule et me dit :

"Eh. Ça va pour toi ?"

Je secoue la tête, et je regarde partout, dans la chambre seulement éclairée par sa petite guirlande de lampions sphériques. Mais je ne vois rien. Bien sûr, que je ne vois rien.

"Pour toi. Comment ça va pour toi ?".
"C'est merdique".

Sa réponse est brutalement honnête, et elle fait une économie de mots qui n'est que le reflet de son épuisement. Il se tourne de nouveau vers son armoire, son expression se faisant incompréhensible pour moi. Un mélange de peine, de colère, de peur et de culpabilité. Je sais qu'il a dit 'ne pas vouloir me faire chier avec ça', mais on n'a pas toujours ce qu'on veut.

"C'est vraiment merdique", répète-t-il, et oui, je vois que ça l'est, à la façon dont il lutte pour ne pas trembler.
"Tu veux que je rentre, ou tu préfères rester seul ?"
Je ne le forcerai pas, je ne le fais jamais. Il secoue la tête comme s'il allait dire non, mais il répond avec une résignation un peu lasse :
"Tu peux rentrer".

C'est alors ce que je fais. En navigant à travers le bazar au sol, je m'en vais m'asseoir au bout du lit en silence, appuyant mon dos contre le mur. Il est de nouveau silencieux, et je n'attends de toute façon aucune parole de lui. Je reste juste assise, là, si ça lui fait du bien de voir derrière lui dans le miroir autre chose que des esprits vociférants. Il est clair que mon pyjama violet vient de ce monde, et pas de l'au-delà. Pendant un long moment, rien ne se passe, jusqu'à ce que le sommeil commence à me gagner. Et finalement, dans la torpeur qui m'emporte, c'est le changement dans la respiration de Klaus qui me ramène à moi.

Une courbure de l'espace-temps (Saison 1) - The Umbrella Academyحيث تعيش القصص. اكتشف الآن