Chapitre 29 : Les rugissements d'outre-monde

22 6 0
                                    

Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 1, épisode 10, autour de 33:50 (pendant que Viktor joue, Allison, Diego et Luther entrant dans la salle, et Klaus étant "au guet"). TW : fusillade, violence physique et mutilations.

---

1er avril 2019, 21h21

Il me semble absurde qu'un lieu aussi beau que le théâtre Icarus puisse être celui qui fera monter l'apocalypse sur les planches. Les théâtres de style édouardien sont rare, à The City, mais celui-ci brille par son usage néo-classique du béton et des lumières électriques. Un bijou du début XXème destiné initialement au vaudeville, aujourd'hui niché entre des immeubles immenses. Un large auvent, une belle marquise, une petite billetterie brillant sous les dizaines d'ampoules, dans la nuit. Et ces couloirs feutrés, étouffant les sons de l'orchestre de chambre, jouant dans la grande salle à deux étages que je n'ai pas encore vue. Plus personne ne circule maintenant entre les colonnades : le concert de Viktor a déjà commencé.

Je suis restée nichée dans l'ombre pendant que les autres décidaient de quoi faire au niveau de l'escalier : Luther n'a toujours pas réellement de plan, même s'il tente d'en donner l'impression. Ben, perché sur une poubelle à côté de moi, est comme d'habitude resté silencieux. Quand Allison est partie dans l'espoir flou de raisonner Viktor en plein concert. Quand Luther a - un pour se débarrasser de lui - assigné Klaus au guet, et nous avec par voie de conséquence.

Ainsi, me voilà seule dans ce magnifique couloir aux moquettes rouges désertes, assignée à être un relai intermédiaire de quoi que ce soit qui se passerait, au devant du théâtre ou par les portes latérales. Je crains fort que Klaus ait trop la dalle pour être efficacement vigilant : j'espère juste que Ben arrivera d'une façon ou d'une autre à lui botter le cul.

Le calme ouaté qui règne sous les lanternes murales est d'une paradoxale douceur, au milieu des variations mélancoliques de la pièce qu'a entonnée l'orchestre. Je n'en perçois que les échos étouffés, mais je ne peux qu'en être émue : Viktor est un soliste incroyable, un prodige comme il n'en naît que peu. Et je sais, maintenant, que sa virtuosité fait écho à son pouvoir, les ondes sonores vibrant avec son système nerveux, et jusqu'au plus profond de son art.

"Vous ne regagnez pas votre siège ?", me demande une employée du théâtre passant avec un manteau de fourrure destiné au vestiaire. Et je secoue la tête avec un sourire navré. Elle ne peut pas comprendre. Et moi je ne peux pas lui expliquer. Je n'aime pas ça, mais je décide de lui servir un petit mensonge qui aurait fort bien pu ne pas en être un :

"J'ai eu besoin de prendre l'air, ne vous inquiétez pas, ça va passer".

Elle me regarde, de mon t-shirt Led Zeppelin à mes chaussures de bowling. Clairement, ce n'est pas le style endimanché des spectateurs qu'elle a l'habitude de côtoyer en ces murs bourgeois. Mais elle semble respecter mon 'état', et s'éloigne en m'ayant précisé de venir à l'accueil en cas de necessité.

Je reste de nouveau seule dans les arpèges assourdies, entre les colonnades et miroirs, mes yeux trainant sur l'ascenseur historique dont les parois de rouge et d'or sont probablement des trésors en soi. Sur les lustres néo-renaissance. Sur...

*SHHHHHHRRRAAAAA*

C'est une déflagration sonore qui me me traverse soudain comme une bourrasque de blizzard auditif, me déstabilisant en arrière au point que recule d'un pas. Une onde unique, violente, destinée à repousser quoi que ce soit. J'écarquille les yeux, réalisant que la partie de soliste de Viktor a un instant cessé de jouer, mais je n'ai pas le temps de me le formuler. Immédiatement, des cris s'élèvent par delà les murs. Et les multiples portes d'accès à la salle s'ouvrent bientôt - toutes à la fois - dans un grand fracas de boiseries malmenées.

Une courbure de l'espace-temps (Saison 1) - The Umbrella AcademyWhere stories live. Discover now