Chapitre 25 : Une folie manoeuvrable

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Repères chronologiques : cette scène s'insère comme une scène coupée de The Umbrella Academy, saison 1, épisode 9, autour de 18:00 (juste après que Klaus ait dit à Cinq qu'il était addict à l'apocalypse, et juste avant qu'il descende des margarita avec Dolores).

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1er avril 2019, 11:21

On dirait que finalement, un brin de soleil semble émerger de la pluie. Klaus est reparti de chez Granny en embaumant le benjoin, et moi je suis restée plus longtemps dans ses canapés. Pour parler encore un peu, pour la questionner sur sa vie. Elle n'a pas compris pourquoi je l'ai embrassée en repartant enfin de chez elle. Mais moi, ça m'a fait énormément de bien de l'avoir fait.

Je n'ai trouvé personne à Hargreeves Mansion en repassant prendre des affaires, à l'exception de Luther, toujours au chevet d'Allison. Klaus, Cinq et Diego sont sortis. Et maintenant que je regarde le café couler, je me demande quoi faire de mes heures, moi aussi. Aujourd'hui est le jour de la fin du monde, et je suis supposée travailler, cet après midi. Klaus a le numéro de téléphone de la boutique : un appel, et l'espace-temps ne comprendra même pas comment je l'ai traversé. Je n'ai plus peur, depuis ce matin. Plus du tout. Et à partir du noir nectar, je me remplit un mug tout entier.

*Crac !*
Cette fois, ce n'est pas mon propre déplacement qu'accompagne le déchirement de l'air de la salle à manger. Je me retourne, tout en sachant très bien qui vient d'arriver à la longue tablée. Cinq semble de retour, et il a un air étrange : vraiment, je ne sais pas le déchiffrer. Il a le dos courbé, la mine à la fois satisfaite et fermée, le mouvement agité. Et je le regarde simplement installer sur une chaise le demi-mannequin chauve qu'il trimballe partout, vêtu d'un chemisier à pois.

*Crac !*
Il se téléporte à la machine à café et prend deux tasses qu'il remplit sans plus de formalités.
*Crack!*
Sa main saisit le sucrier sur l'étagère du milieu.
*Crack!*
Il revient à son mannequin, qu'il sert avec une forme de délicate attention. Il sucre son café à elle, mais pas le sien. Puis il s'assoit, et daigne enfin me regarder.

"Jenkins est mort", me dit-il brusquement, beaucoup trop pour que je ne manque pas d'en verser mon café.

J'écarquille les yeux, plantée sur mes pieds. Quoi ? Est-ce que je viens bien d'entendre ce qu'il a prononcé ?

"Le moucheron ? Vraiment ? C'est toi qui l'a tué ?"
"Non", souffle-t-il, "justement. C'est bien ça qui m'inquiète. Et alors-même que la Commission essayait de le protéger".

Bon sang, c'est une conversation abrupte, pour une fin de matinée, mais j'essaye de rassembler dans ma tête les morceaux de mes pensées. Je m'approche de la table, et j'appuie ma tasse sur le dossier de la chaise la plus proche, comme pour la stabiliser au cas où une autre surprise viendrait me faire flancher.

"Tu sais ce que je pense des mesures radicales, mais de ton point de vue... ça devrait être une bonne nouvelle, ce n'est pas ce que tu voulais ?"

Cinq se dandine sur sa chaise, ses doigts jouant sur la anse de son mug.

"Il n'était pas prévu que quelqu'un d'autre que moi veuille le tuer".

Ah. J'avoue que je me sens un peu mal à l'aise autour de ces considérations assassines, mais je vois chez Cinq une forme de désir du travail bien fait, prouvant aussi qu'il abhorre l'idée de déléguer quoi que ce soit. Mais au final, cette fois, le résultat est bel et bien celui qu'il espérait.

"Peut-être que qu'il a été tué par quelqu'un qui voulait aussi empêcher l'apocalypse".

En prononçant ces mots, j'en réalise la portée, et c'est un trait d'euphorie pur et simple qui remonte à travers moi. Est-ce que l'apocalypse est vraiment enrayée ? La machine à café crache un trait de vapeur, l'ampoule de la lampe vibre, et le grille pain fait sauter dans le vide des toasts qui n'existent pas.

Une courbure de l'espace-temps (Saison 1) - The Umbrella AcademyDonde viven las historias. Descúbrelo ahora