JESSICA

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Le départ a été rapide. J'ai vu le mail de Lou tard dans la matinée hier car je voulais me reposer un peu en cette dernière journée. Je n'ai pas vraiment eu le temps de ressortir... Je suis un petit peu déçue mais je repars avec de merveilleux souvenirs pleins la tête.

Il est arrivé tellement de choses étranges avant mon départ ce matin pour l'aéroport... D'abord Lou qui me parle du café comme si elle avait l'ultime conviction d'avoir trouvé une solution. Enola et Mike qui ne me répondent pas. Je ne comprend pas. Ce n'est pas normal. Je suis vraiment inquiète mais je n'ai pas envie de passer pour la lourde de service à envoyer pleins de messages parce que je suis inquiète. Ils sont peut-être juste occupés et et ne peuvent pas me répondre. Ils ont une vie dont je ne fais presque pas partie...

Je suis donc partie tôt ce matin pour aller à l'aéroport. Lou avait réservé un taxi, je n'ai pas eu besoin de m'en occuper.

Je pensais le vol plus long mais finalement ce n'est que 2h30 à peu près.

Tout s'est plutôt bien passé mais mon esprit n'était pas avec moi. Il est resté en partie à Helsinki. J'ai vécu des choses inoubliables sur ces trois jours. Je ne pensais pas qu'il était possible de ressenti autant de choses en si peu de temps. J'étais tellement heureuse que j'en suis venue à envoyer un SMS à maman comme avant... Elle qui tente toujours de m'appeler ces derniers temps ne m'a d'ailleurs pas non plus répondu. Ce n'est pas très grave parce que je n'ai pas envie d'entrer dans une nouvelle bataille ni de l'entendre pleurer sur le sort d'Anthony. Ça me fait penser que je dois en parler à Lou...

Je me munie alors d'une feuille et d'un stylo et je commence à lui écrire une lettre que je lui posterais à Vienne. Enfin, je l'espère.

Ma Lou,

Pour une fois c'est moi qui t'écris. Non, je ne veux toujours pas rentrer à Paris. En fait la raison de cette lettre n'a rien à voir avec ces voyages que je suis en train de faire.

Tu m'as confié le fait que tu as vu que je n'allais pas vraiment bien, que j'étais toujours ailleurs. Je te disais de ne pas t'inquiéter et malgré le fait que je tentais de te rassurer je voyais bien que ça ne fonctionnait pas. Je n'évitais pas les appels de maman juste parce que je n'avais pas envie d'entendre ses serments sur mes choix de vie.

En vérité, la pire étape de ma vie n'a pas été le jour où mes parents m'ont laissé tomber quand je leur ai dit que je ne voulais pas devenir diplomate, ni même la fermeture du café... La pire tragédie de ma vie est arrivée il y a maintenant 22 ans. Papa n'était pas là, maman ne venait pas nous chercher à l'école. J'avais 14 ans... Tu viens peut-être de le remarquer mais j'ai écris « nous ».

Voilà l'histoire...

J'avais un frère autre fois. Un grand frère. Il n'était pas beaucoup plus âgé. Il s'appelait Anthony. Nous nous entendions à merveille. Nous faisions les quatre-cents coups ensemble. Nous arrivions à faire rire maman parfois et nous nous soutenions face à l'absence de papa. Il était en plus d'être mon frère mon meilleur ami. Je te parle de lui au passé parce que nous ne savons pas ce qu'il est devenu. La police a classé l'affaire sans suite. Maman n'a jamais vraiment voulu arrêter ses recherches mais je sais qu'elles ne mènent nul part. Papa ne s'est jamais prononcé sur le sujet... Et moi... j'ai toujours rêvé secrètement qu'il revienne même si au fond je sais que ça n'arrivera pas. Nous ne savons pas vraiment ce qu'il s'est passé... pourquoi il a disparu. Nous rentrions ensemble après les cours. Il avait pour habitude de sortir avant moi et de m'attendre mais ce jour là ou je suis sortie un tout petit peu plus tard il n'était pas là. Je l'ai attendu pendant longtemps et il n'est jamais venu. J'ai couru jusqu'à la maison en espérant l'y trouver mais il n'y était pas. Je ne sais pas si je suis arrivée trop tôt ou trop tard. Je ne sais pas s'il est parti ou s'il s'est fait enlever. Je ne sais pas s'il est encore en vie. J'ose espérer que oui même après toutes ces années.

Je te parle de tout ça parce que l'anniversaire de sa disparition vient de passer et que je pensais que ce serait un jour ou je pleurerais toute la journée et finalement non, je n'y ai pas pensé. Je culpabilise un peu pour te dire la vérité. Mais il s'est passé quelque chose il y a une dizaine de jours. A Toronto. Il y avait ce garçon, un ami d'Enola et Mike. Il s'appelle Sam. Il m'a fait penser à mon frère. Le même sourire et un comportement étrange vis-à-vis de moi. Entre très attentif et extrêmement distant. Plus j'y pense plus je me dis que j'ai eu l'impression de le connaître et une petite voix me dit que j'ai peut-être retrouvé mon frère.

Je conçois que ça fasse beaucoup d'informations d'un coup... je vais donc arrêter mon récit ici. Nous en reparlerons si tu le souhaites mais tu remarqueras donc que c'est un sujet dont je ne parle pas.

Je suis désolée de t'avoir caché toute cette histoire. Ne m'en veux pas s'il te plaît. Maman me rabâche tout le temps de c'est de ma faute alors que tout le monde sait que ça ne l'est pas. Je n'ai juste pas été là au bon moment... C'est donc aussi pour ça que j'ai refusé de lui répondre la semaine dernière. Mais tu seras heureuse que je lui ai envoyé un message avant mon départ. 

J'arrive à Vienne. Je vais vraiment devoir arrêter cette lettre...

Je t'aime très fort ma petite Lou. 

Jessica

A Nos BonheursWhere stories live. Discover now