Chapitre 11 - Partie 2

205 23 17
                                    

— Ah, t'es enfin là. S'il te plait, fait quelque chose ou Tekoa va l'étrangler dès qu'on aura le dos tourné.

Par « faire quelque chose », il entendait récupérer Glen. Glen qui était assis dans un coin, les mains en sang, à ricaner des menaces que Tekoa gueulait depuis l'autre bout de la pièce, maintenu par un type qui commençait à fatiguer.

— Putain mais lâche moi ! J'vais te péter les dents, Glen ! Te cogner si fort que plus personne pourra reconnaître sa sale gueule de connard ! T'entend ! J'vais te faire pire que ce tu m'as fait, enculé ! Regarde-moi, bordel ! Eh !

— S'il te plait dépêche-toi, sinon on va avoir encore plus de problèmes, me supplia le gars au message.

Je hochai la tête et obligeai mes muscles tétanisés à bouger. Des crampes menacèrent de m'abattre, de déchirer chaque fibre de mes muscles au moindre pas. Ça faisait mal. Je souffrais le martyr à en avoir les larmes aux yeux. Je marchai. Pour Glen, je luttai contre la terreur grouillant dans mes veines, m'intimant de me mettre en boule dans un coin, à me boucher les oreilles et attendre que ça passe. Tout mon corps hurlait d'effroi et je marchai. Jusqu'à Glen qui s'essuya le nez d'un revers de main.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

J'accusai le ton lourd de reproche. Ce n'était pas le moment de régler nos comptes. Pas alors que Tekoa était fou de rage contre lui pour... je n'en savais rien d'ailleurs. Ce n'était pas le plus important. Pas maintenant.

— Viens, on va chez moi, dis-je en posant une main les siennes.

Il se crispa à mon contact et je me figeai. Ma respiration se bloqua et je crus m'effondrer en croisant son regard si sombre. Du vacarme m'arracha à cette sensation de tomber. Tout alla vite, sans que je ne comprenne l'ordre des choses ; Glen qui se leva d'un coup, Tekoa qui cria plus fort, plus près de nous, plus enragé encore, les deux types qui le retenaient à grande peine, et la porte de la suite qui s'ouvrit sur un adulte. Les sons se mélangèrent, incompréhensibles, assourdissant. J'avais chaud, froid, tout en même temps. Peur, évidemment.

De la colère explosive de Tekoa.

Des sanctions que le surveillant faisait tomber.

De la main tachée de sang de Glen.

Je serrai mes doigts contre les siens et le suivis lorsqu'il bougea. Le surveillant nous arrêta et seul le visage de Glen me prouva qu'il éleva la voix. Je ne l'entendis pas. Je n'entendais plus rien. Comme si j'avais la tête sous l'eau et que j'observai cette scène depuis le fond d'une piscine. Eux à la surface. Et moi, je coulais. C'était calme. Presque apaisant.

Je sentis Glen me tirer le bras, incapable cependant de remonter à la surface. Il me parla. Ou peut-être qu'il cria. Son visage se déforma devant moi. Il avait pris des coups. Son nez saignait encore, les dents maculées. Il en avait donné aussi. Ses phalanges faisaient mal rien qu'à les regarder.

Le vent frais me gifla avec tant de violence qu'il m'expulsa du fond des eaux. Mes poumons relâchèrent tout l'air qu'ils contenaient et j'inspirai comme un noyer. Glen ne ralentit pas le pas. Il remonta jusqu'à l'avenue principale, sa main toujours dans la mienne. Nous nous arrêtâmes dans l'un des jardins du campus, l'espace d'une minute pour qu'il s'essuie le visage. Il n'y avait rien à faire pour ses vêtements, bons à jeter. Ses mains sous le jet de la fontaine teintèrent l'eau d'un rose qui disparut bien vite dans l'évacuation. Il les glissa dans ses poches et repartit sans m'attendre.

Le trajet dura une éternité. Le temps s'étira à l'infini, à marcher derrière lui alors que le soleil disparaissait au loin. Le ciel s'assombrissait à chaque minute, délaissant les nuances de rouge pour du violet ou du bleu proche au noir. Le calme présent contrasta avec le chaos irréel de plus tôt. Mes tympans bourdonnaient et mon sang pulsait dans mes tempes à m'en faire mal. Aucune chance pour que la migraine me loupe ni même les contractures. J'étais soudainement très fatigué.

Nos Amours aux Parfums de GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant