Chapitre 9 - Partie 1

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Je baillai pour la énième fois, incapable de m'en empêcher. Un coup de coude me réveilla et je terminai la tête entre mes bras, croisés sur la table. Je n'y pouvais rien si le cours était d'un ennui mortel. En plus, le prof était soporifique. Un combo qui ne me réussissait jamais.

J'enfonçai un peu plus mon visage dans mes bras quand un ultime bâillement me prit. Suffisamment bruyant pour que Rylan, pourtant loin d'être passionnée par la gestion financière, claque la langue contre son palais. Je tournai la tête, juste assez pour la voir du coin de l'œil.

— Sérieux, tu m'donnes envie de retourner me coucher.

— 'solé.

Son regard perplexe me poussa à retourner au creux de mes bras. Je n'avais pas la tête ni à débattre ni à suivre ce cours. Sans doute pas le prochain non plus.

Dix minutes plus tard, on nous libéra. Les assises de chaise claquèrent contre les dossiers en bois et un brouhaha s'éleva dans le minuscule amphithéâtre. Je me redressai, fis craquer mes épaules tout en baillant à m'en arracher la mâchoire. Rylan ne m'attendit pas. Elle jeta son sac sur son épaule et fonça vers les portes battantes. Je me dépêchai de la rejoindre, la bouche pâteuse. Mes yeux piquaient et j'avais du mal à rester concentré. Les étudiants trainant dans la salle me gênèrent. S'ils ne se pressaient pas, ce n'était pas mon cas.

Je me glissai entre les portes battantes, manquant d'en embrasser une et courus derrière Rylan. Malgré mes appels, elle ne ralentit pas. Des mèches rousses s'échappaient de sa tresse en pagaille. Ses docks frappaient lourdement le sol et les boucles pendant à sa ceinture cliquetaient entre elles.

Je dus maintenir ma prise sur son poignet pour qu'elle s'arrête. Elle se retourna violemment, le regard noir, les lèvres pincées et le ton accusateur :

— T'es vraiment qu'un con !

— Quoi ? Mais pourquoi tu dis ça ?

Elle donna un grand coup pour me faire lâcher prise. Sa main heurta mon épaule et je ne reculai que par surprise.

— T'aurais pu me le dire.

— De quoi ? Explique-moi au lieu de t'énerver comme ça.

Ses lèvres se serrèrent si fort qu'elles en devinrent blanches. Ses insultes, elle les garda pour elle. En revanche, son regard la trahissait. Elle m'en voulait pour quelque chose dont je n'avais aucune idée.

Une seconde d'inattention et elle m'échappa. Je la suivis en hélant, décidé à connaître le fin mot de cette injustice. Du bâtiment Delany où nous avions cours, nous nous retrouvâmes au théâtre Belk, juste à côté. Pour une raison que j'ignorais, Rylan s'y orienta sans difficulté.

Nous pénétrâmes dans une salle déserte et très certainement interdite aux élèves hors département d'art dramatique. Il faisait sombre. La salle circulaire possédait une scène et plusieurs rangés de sièges. Les fenêtres étaient toutes recouvertes de rideaux noirs qui ne laissaient filtrer que de fins rayons de lumière, eux-mêmes se répercutant sur le lambris et donnaient à cet endroit une atmosphère orangée. Nos pas résonnèrent, alourdissant l'ambiance déjà un peu creepy. Je me stoppai au niveau des premiers sièges, ceux juste devant la scène. Rylan non. Elle fit face à l'estrade sans pour autant monter dessus.

— T'as choisi, en fait ?

— Pardon ?

Elle se retourna, les poings sur les hanches, l'air aussi revêche qu'une chouette.

— Entre Glen et Isaac. T'as choisi celui que tu préférais, expliqua-t-elle, accusatrice.

Mon humeur tomba en flèche. Je remis correctement mon sac de cours sur mon dos, prêt à partir si j'en avais marre.

Nos Amours aux Parfums de GlaceDonde viven las historias. Descúbrelo ahora