Isaac n'était pas dans son lit lorsque je me réveillai. Je l'entendis depuis la cuisine, faire la vaisselle, peut-être même le café. Je roulai sur son côté du matelas, plongeai mon visage dans son oreiller. Il sentait bon son odeur. Celle de son shampooing, de sa peau, même si le drap était froid. L'idée de me lever ne me tentait pas. J'étais courbaturé et ce lit m'avait manqué. Je croisai les bras sous l'oreiller, ma joue contre, pour observer cette chambre familière.
Un mois.
Notre record.
Depuis tout petit, nous ne nous étions jamais ignorés aussi longtemps. Une éternité à mes yeux. Même si la blessure, invisible sur mon corps, palpitait encore. Là. Quelque part dans ma poitrine. Comme une déchirure imparfaite. Il nous faudrait sans doute quelques points de suture, un peu d'onguent pour aider à la cicatrisation. Du temps, aussi. Beaucoup de temps. L'histoire que ma tête avait décidé d'oublier, conté à mes oreilles en diverses versions, n'en restait pas moins l'origine du mal. Un mal fait qui ne pouvait être défait. Perdre confiance en quelqu'un ne pouvait être rétabli par de simples explications. Aussi valables étaient-elles.
Je trouvai finalement le courage de me lever, enfiler un caleçon et un tee-shirt – à Isaac – pour débarquer dans le salon avec autant d'épis sur la tête qu'un cactus avait d'épines. Sans surprise, je trouvai mon homme dans la cuisine, non pas en train de préparer le petit-déjeuner mais à marmonner je ne sais quelles inepties à l'une de ses plantes vertes.
— Tu es levé ? dit-il sans surprise, mes bras autour de sa taille.
— Oui.
— Tu peux encore dormir si tu veux.
— Non.
Sans le voir, je savais qu'il souriait. Juste à la décontraction de son dos. Juste au mouvement de son ventre lorsqu'il respirait. Juste parce que c'était Isaac. Et que je le connaissais. Comme il me connaissait tout aussi bien.
— Café ? proposa-t-il en s'évadant de ma prise.
J'acquiesçai et me perdis en contemplation, affalé contre le plan de travail. Hier avait été une journée de pardon, de réconciliation, un peu de dispute aussi, et d'acception. Il me manquait des éléments, des choses qu'Isaac ne souhaitait pas me dire à propos de Tim. Des mots, des sentiments, positifs comme négatifs. Même si Tim était mon frère – demi-frère – nous n'avons jamais été proches. Jamais autant qu'Isaac avait pu l'être avec nous deux, de manière très différente. Je me forçai à respecter son choix, ses silences, ses récits parfois troués, vagues, incohérents lorsqu'il parlait de Tim. Je n'avais pas le droit de l'obliger à me dire. À tout me dire. Comme je ne lui disais pas tout. Cet équilibre fragile nous convenait. Pour l'instant. Parce qu'il n'avait jamais été nécessaire, avec Isaac, de parler pour nous comprendre – sauf pour sa déclaration, fautif que j'étais. Ce qui n'était pas le cas avec Glen. Notre complicité n'avait rien à voir. Elle existait, ou avait existé, de manière diamétralement opposée. Parce que Glen restait Glen et qu'Isaac était Isaac.
— Tu vas avoir mal au dos à rester comme ça.
Je fermai les yeux, profitant de sa main dans mes cheveux. Je les rouvris quand il s'éloigna, un chiffon à la main, pour astiquer les feuilles de ses plantes. Je récupérai mon café latte et profitai de ce spectacle qui m'avait manqué. Peu habitué à ce que je ne moque pas de lui, Isaac me lança plusieurs œillades avant de ne plus tenir :
— J'ai quelque chose sur le visage ?
— Peut-être.
Ses sourcils se froncèrent par habitude. Je penchai la tête sur le côté, m'amusant de cette ride entre ses yeux.
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Nos Amours aux Parfums de Glace
Romance« 𝘌𝘵 𝘥𝘰𝘯𝘤 ? 𝘘𝘶𝘦 𝘴𝘶𝘪𝘴-𝘫𝘦 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦 𝘭𝘢 𝘷𝘢𝘯𝘪𝘭𝘭𝘦, 𝘭𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘤𝘰𝘭𝘢𝘵 𝘦𝘵 𝘭𝘢 𝘱𝘪𝘴𝘵𝘢𝘤𝘩𝘦 ? » Lee écrit, va à l'université, se moque d'Isaac qui parle à ses plantes d'intérieur, et aide Glen à laver ses cheveux tachés d...