Chapitre 20 - Partie 2

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La sonnerie d'un téléphone m'extirpa des brumes du sommeil. J'avais chaud. Je transpirai. Un courant d'air froid s'insémina sous la couverture en même temps que la sonnerie s'arrêta. Je me retournai sur le côté, les yeux un peu collés, et observai le dos de Glen assis au bord du lit.

— Allo ? Maman ? Ça va ? Vous allez bien avec papa ?... Oui... Non, moi ça va. Et vous ?... Ah quand même... Oui, je vois... Tant que c'est matériel... Oui... Oui... Hm... Ah oui d'accord... Si ça va c'est l'essentiel... Non tu ne me déranges pas... Oui, je suis chez Leelee... D'accord... Oui... Oui, bisous maman, à plus tard.

Il raccrocha et ses épaules s'affaissèrent en même temps qu'il expira. Il resta dans cette position un moment, jusqu'à ce que mon index curieux ne parcours le bas de son dos.

— Dis donc, où est-ce que tu me touches ?

Malgré l'obscurité de la pièce, je devinai son sourire et le lui rendis. Il se pencha pour m'embrasser et je profitai de ce moment de douceur en tête à tête.

— J'aime bien. Quand tu me touches, m'avoua-t-il dans un soupir.

Je le laissai guider ma main sur sa cuisse, voguer à l'orée de son caleçon pour explorer ce qu'il y cachait. Glen gronda tout bas lorsque mes doigts frôlèrent sa trique matinale, chaude et palpitante.

— C'est d'être rassuré pour tes parents qui te fait bander à ce point ?

L'éclat de fureur qui passa dans ses iris brilla dans le noir. Un instant, je crus qu'il se mettrait en colère. À la place, il saisit mon poignet et m'intima de le prendre bien en main.

— Bien sûr que je suis rassuré. Mais tu veux vraiment avoir cette conversation maintenant ?

Il souffla par le nez, les lèvres tremblantes sous le lent va et vient que je lui offris. Ses paupières se fermèrent à mesure que le plaisir monta. Mon pouce s'attarda sur son gland, descendit, puis remonta avec une pression plus appuyée.

— Hm pas vraiment. Même si je n'ai pas l'impression que tu ramollisses en en parlant.

— Effronté ! Ah...

Un petit coup plus rapide et voilà qu'il chantait sous ma main. Je poursuivis mes caresses, tantôt lentes, tantôt plus vite. Je variai mon touché, mes gestes, m'attardai là où ça faisait du bien, puis le frustrait. Je m'amusai à ce jeu sadique jusqu'à ce qu'il quémande, qu'il devienne vulgaire, que ses hanches bougent pour baiser ma main. J'y trouvai une satisfaction et une fascination que je m'ignorais. Voir Glen au bord du précipice, à deux doigts de l'orgasme rien que par ma main, mit en ébullition mes hormones.

Je lui offris la délivrance et admirai l'érotisme qu'il dépeint devant moi ; les yeux clos, la bouche à demi ouverte, le corps tendu et son sexe trempé dans ma paume. Je le relâchai en douceur sans trop savoir où m'essuyer. Isaac trouva bon d'ouvrir la porte à ce moment précis. Il fronça les sourcils et j'aurais pu en rire : la vision d'un Glen au caleçon mouillé et moi avec du sperme sur la main ne trompait pas. Et parce qu'il n'y avait rien de mieux que la provoque pour calmer le jeu, Glen se laissa tomber en arrière, sa tête sur mes cuisses, une main déjà baladeuse sur moi.

— Fait pas cette tête. Je suis sûr que Leelee voudra bien te branler aussi si tu lui demandes.

Pour toute réponse, Isaac referma la porte d'un coup sec. Glen me vola un rapide baiser avant de se lever et s'étirer bruyamment.

— Va juste te laver les mains. Et t'en fait pas pour Isaac. Il est vieux jeu et ne sait pas combien c'est bon de se faire toucher dès le réveil.

Disait celui après lequel j'avais dû courir pour l'embarquer dans cette relation parce que monsieur n'était pas assez altruiste pour me partager avec Isaac, d'après ses propres dires.

Il changea de sous-vêtement et disparut de la chambre. Je tendis l'oreille mais ne décelai aucun cri, aucun bruit de vaisselle cassé, rien. Peut-être bien qu'ils n'allaient pas s'entretuer finalement.

Je daignai sortir du lit dans lequel nous avions dormi tous les trois. Je peinai encore à y croire. Tous les trois, dans le lit. Non pas qu'il n'y avait pas la place – il n'y avait pas la place, vraiment – mais qu'aucun de nous n'ait été isolé dans le salon me surprenait. Tout ça grâce à Isaac.

J'essuyai ma main sur les draps – bons à changer de toute façon – et m'habillai un minimum. Dans la pièce à vivre, mes deux hommes vaquaient à leurs occupations. Oui, mes deux hommes. Pas seulement Isaac. J'avais bien essayé. Une semaine. Une semaine entière à n'être le petit-ami que d'Isaac. Une semaine infernale et de pur chagrin. Sans doute pas aidé par les incidents survenus. Cependant, mon cœur n'avait pu trouver sa cadence dans l'unique étreinte de mon meilleur ami. Je l'aimais. Pour sûr, de tout mon être. Mais il me manquait quelque chose. Une touche de folie, le soleil de mes nuits, le feu ardent de mes hivers. C'était tout un équilibre. Isaac m'offrait sa pointe de sagesse, devenait la lune de mes journées, incarnait la glace de mes étés. Comme le yin et le yang, les faces d'une pièce de monnaie, ou encore l'indissociable couple d'ombre et de lumière, j'aimais Isaac et Glen ensemble. Pas l'un ou l'autre. Non. C'était à deux que je les aimais parfaitement. Aussi étrange cela puisse-t-il paraître.

— Café ? me proposa Glen depuis la cuisine.

— J'ai préparé le petit-déjeuner, l'interrompit Isaac.

La table était effectivement mise et une bonne odeur de bacon titilla mes narines. Je m'installai, l'eau à la bouche. Isaac savoura sa victoire en me servant, son journal – arrivé je ne sais comment puisque je ne prenais aucuns journaux – en équilibre sur le coin. Glen le fit tomber en passant, tira une chaise et s'y laissa tomber avec un long soupir.

— Mon journal.

— Quoi ? C'est pas de ma faute si tu ne sais pas le poser correctement.

Les pieds de sa chaise raclèrent le sol lorsqu'il l'avança. Il n'entama aucun geste pour ramasser le journal, sa tasse dans une main, l'autre occupé par son téléphone, particulièrement intéressant. Isaac secoua la tête et céda. Je mangeai en les observant et ne pus m'empêcher de sourire.

— Quoi ? s'amusa Glen en faisant mine d'être toujours occuper avec son téléphone.

— Rien. Je me disais juste que j'adorais vous voir comme ça.

— Comment ça « comme ça » ?

La ride du lion d'Isaac n'arrangea pas mon humeur. Je camouflai mon sourire derrière ma fourchette mais impossible d'y couper.

— Allez, crache le morceau. Enfin, si tu dois cracher, fais-le sur lui. Peut-être que ça la fera se lever, ricana Glen.

Je manquai de m'étouffer. Isaac aussi. Il lui demanda de s'expliquer parce qu'il n'était pas bien sûr de ce qu'il venait d'entendre. Glen se fit un plaisir de répéter mot pour mot et la conversation s'envenima. Amicalement. Même si comparer leurs érections à table avec un sérieux déconcertant pouvait s'apparenter à tout sauf une discussion de bon matin pour le petit-déjeuner.

J'embrassai cette scène du regard, la gravai dans ma mémoire et l'enfermai à double tour dans mon cœur. Elle me donnait le sentiment d'avoir parcouru les âges pour retrouver la complicité coupable qu'Isaac et Glen possédaient avant toute cette histoire. Et ça faisait du bien. De les voir se chamailler, s'envoyer des piques cordialement, sans cri, sans coup, sans moi à revendiquer. Ces deux derniers mois m'avaient semblé si longs, interminables, un chemin plongé dans le noir et l'incertitude, à tanguer sur un fil au-dessus du vide. Et ce matin, l'impression de voir le bout du ravin m'allégeait le cœur. Peut-être aurions-nous droit à notre happyend nous aussi ? Il ne semblait, finalement, pas si impossible.

Nos Amours aux Parfums de GlaceWhere stories live. Discover now