Chapitre 7 - Partie 1

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Je rattrapai la balle d'une main. La relançai vers le plafond puis la rattrapai encore. Cette petite balle bleue qui s'élevait vers l'infiniment blanc, devenant encore plus petit pour finalement menacer de me tomber en plein visage.

Je la rattrapai in extremis et répétai ce geste, allongé sur le sofa, un bras sous ma tête. Je la lançai plus fort, manquant de toucher le plafond. Elle m'échappa et roula sous le fauteuil d'Isaac.

Deux jours.

Ça faisait deux jours que je l'ignorais plus ou moins. J'acceptais de répondre à ses mails ou messages seulement s'il s'agissait de mon manuscrit. Pour ce qui était du côté personnel, des « j'aimerais que l'on discute », c'était une autre histoire. Rien de très différent avec Glen. Rylan n'avait pas manqué de le remarquer. Sadique et surtout têtue, elle m'avait poussé à cracher le morceau. L'information ne l'avait pas surprise. Bien sûr que non, puisque tout le monde le savait sauf moi ! Le roi des idiots, l'aveugle sentimental, pire, le romancier sans histoire d'amour.

Comment avais-je pu ne pas voir qu'Isaac et Glen m'aimaient ?

Pas juste comme un ami mais comme... je n'en savais rien, en fait. Je ne comprenais pas leurs intentions ni même ce qu'ils attendaient de moi. Depuis, Rylan me harcelait pour que je leur parle. Pour Glen, je comprenais qu'elle sache. Mais pour Isaac, je ne savais pas si je devais avoir peur de sa capacité à détecter les sentiments des autres ou au contraire, la pousser à devenir médium dans ce domaine.

Leur parler ? Pour leur dire quoi ? Je n'avais aucune fichue idée de comment quelqu'un devait réagir dans l'hypothèse que son meilleur ami lui dévoile ses sentiments amoureux. Alors deux ?! Et même si ce n'était pas mes amis proches, comment quelqu'un pouvait trancher entre Machin et Bidule ? Je trouvais déjà incroyable les sentiments d'une personne envers une autre. Deux, c'était impensable.

Pourquoi ?

Mais pourquoi alors ?!

Je ne comprenais rien. J'étais paumé.

Je me décidai à récupérer ma balle quand on sonna à ma porte. Je me cognai la tête contre le fauteuil, ravalant un juron. De nouveau, on sonna. Ma balle rebondit par terre lorsque j'ouvris la porte. Cloué sur place, les yeux écarquillés, je restai muet. Glen se baissa et me rendit ma possession.

— Salut, dit-il.

Ma gorge ne se dénoua pas.

— Je peux entrer ?

Je me décalai suffisamment pour cela. Les températures commençaient à baisser depuis la veille. Le vent frais rendait les nuits plus gérables et forçait les noctambules à enfiler un gilet. J'avais offert celui que portait Glen.

— Ça va ? Tu n'es pas malade au moins ? Tu es pâle.

— Non, ça va, me forçai-je à parler.

Il inclina la tête sur le côté, perplexe. Il eut la gentillesse de ne pas insister et se rendit dans la pièce principale.

— Je te dérange ? demanda-t-il.

Je passai derrière le comptoir pour lui proposer à boire. Je n'avais pas d'alcool, un café ferait l'affaire pour embrouiller mon cerveau bouillonnant.

— Un déca si tu as.

Je m'activai à nous servir et restai dans la cuisine, accoudé au comptoir. Glen balaya l'appartement du regard, comme s'il cherchait quelque chose. Mes cours étaient étalés sur la table basse du coin salon alors que tout ce qui touchait à mon manuscrit ensevelissait la table à manger, et même l'une des chaises. Un peu de vaisselle attendait d'être nettoyer dans l'évier. Dans l'ensemble, j'avais gardé mon appartement assez propre depuis le dernier passage d'Isaac.

Glen regarda dans sa tasse sans faire de commentaire.

— Tu es bien silencieux. Tu préfères que je repasse une autre fois ?

— C'est pas ça. Je suis juste... un peu fatigué, je crois.

J'avais la tête en bordel. Un véritable chaos que je ne parvenais pas à régler. Tout s'y mélangeait, se répétait, se distordait. Comment devais-je gérer ça ? Comment pouvais-je prétendre ne pas savoir ? Et comment Glen faisait-il pour ne rien laisser transparaître ? Ça n'avait aucun sens. J'avais surement mal compris les mots d'Isaac. Il y avait d'autres personnes que mes deux amis connaissaient. D'autres hommes. Au moins un, mais celui-ci ne me plaisait pas du tout. Je n'y croyais pas.

— Isaac t'as dit quelque chose ?

« Est-ce que Glen t'a dit quelque chose ? »

C'était définitivement une erreur. Un quiproquo. N'importe quoi d'autre mais pas... ça.

Glen contourna le comptoir sans avoir toucher à son café. Je me réfugiai derrière le mien et compris très vite pourquoi il n'avait rien bu : j'avais oublié le lait.

— Leelee.

Je reculai d'un pas, ma main entre nous deux pour l'empêcher d'approcher davantage. Mon cœur comme mon cerveau, tournèrent à plein régime.

« C'est pourtant simple : j'aime quelqu'un d'autre et elle le savait. »

« C'est une personne qu'Isaac connait. »

« Je l'ai embrassé parce que je voulais que l'amoureux d'Isaac nous voit. »

Je secouai la tête, comme si ces mots, ces souvenirs, pourraient ainsi en sortir, que j'oublierais ce qu'il m'avait dit. Tous ces indices. Toutes ces provocations. Glen l'était, dans la provocation. Surtout quand Isaac était là. Une éternelle compétition entre eux, que je n'avais jamais compris. Jusqu'à maintenant.

— Tu m'aimes ? demandai-je pour être certain.

Je ne voulais pas y croire. Je devais me tromper. Je voulais me tromper.

L'expression de Glen suffit à me répondre. Et j'eus mal. Comme si mon cœur venait d'être transpercer par une lame chauffée à blanc ; dure et incandescente. Qui cautérisait en même temps qu'elle blessait. Pour y laisser une marque. Sa marque.

— C'est ça, en fait, ris-je sans joie. Et moi j'ai rien vu.

— Leelee, ne le prend pas comme ça.

Glen voulu s'approcher. Je reculai encore, dos à mon frigo, mon bras pour seul rempart.

— Ne dit rien, s'il-te-plait. Ne dit plus rien.

La déception.

Voilà ce que je vis dans ses yeux quand il recula. Il récupéra son gilet et disparu dans l'entrée. Mon corps le suivit sans que je n'y pense, mue d'une volonté propre mais incapable de le toucher, de m'excuser ou... je ne savais pas. Je ne savais plus quoi faire. Glen se releva une fois ses chaussures mises. La main sur la poignée de la porte, il pivota suffisamment pour que nos regards se croisent.

— Tu devrais y réfléchir. Au calme. Je ne te forcerai à rien. Jamais. Mais, penses-y, d'accord ?

La porte se referma et la chaleur de la lame me quitta à me mettre à genoux.

Nos Amours aux Parfums de GlaceUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum