Ni cœur, ni âme (2)

Chapitre 1 - Kane, le prof

Ceci n'est pas une histoire qui commence bien mais qui sait, elle finira peut être bien mais ça ce n'est pas à moi d'en décider.
Assis sur un banc dans une cellule de prison qui pue la pisse, je suis écrasé entre un homme vêtue comme une femme et un homme qui se sert de sa barbe comme d'une couverture puisqu'il ne porte pas de t-shirt. Tout a dégénéré si vite.
Il y a encore trois semaines j'étais dans un AirBNB avec Calliopé, on vivait une vie de jeunes mariés ordinaires, j'avais le droit à une fellation au matin, jeux vidéos et sexe jusqu'à treize heures puis on mangeait au restaurant avant d'aller à la fête foraine ou au carnaval ou au musée. Bon, il faut dire qu'on s'ennuyait à mourir au musée mais on y est quand même allé.
Maintenant, je suis derrière les barreaux couvert de sang et de sueur et il y a des lutins qui bondissent dans ma tête parce que pour me calmer j'ai consommé un tout petit peu de drogue. C'était récréatif, ça m'a remis les idées en place pendant une heure mais ça commence à redevenir le bazar dans ma tête.
Le ou la policière qui m'a arrêté m'a laissé passer un appel ou pas. ? Je ne suis pas sûr, j'espère que non puisque quand la àsectv atteint mon cerveau j'ai l'habitude de contacter une personne et je n'ai pas envie de la déranger à treize heures du soir. Les aiguilles de l'horloge son bizarre, pourquoi ai-je l'impression qu'on est tard et tôt en même temps ? Depuis quand suis-je derrière ses barreaux ?
Je bascule ma tête sur le mur derrière moi et grogne de douleur, je tapote sur mon crâne et découvre que je saigne. Comment ai-je pu me blesser au crâne et ne pas m'en souvenir après ? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé après l'accident ? Je plisse les yeux et lis le nom du policier sur la plaque devant son bureau. Weil ? Comme Yassim Weil, l'ex-petit-ami de Vale? Merci mon dieu, je suis sauvé.
Je me lève et secoue les barreaux, espérant attirer l'attention d'un flic pour demander mon appel ou un verre d'eau. J'ai la bouche pâteuse, c'est horrible. La drogue, ce n'est pas pour moi, ni pour personne d'ailleurs.
Enfin quelqu'un s'intéresse à moi, je fronce les sourcils, il ressemble à Yassim mais ce n'est pas Yassim. Mon esprit me joue des tours ? Même forme de visage mais il a de la barbe, un horrible grain de beauté sous l'œil et ses oreilles percées.
— Toi, t'es pas l'ex de Vale.
— Non, je suis Bilal et pour la quatrième fois, tu n'auras pas d'eau et tu as déjà téléphoné. Quelqu'un va venir te chercher mais tu dois attendre, je te rappelle qu'on t'a retrouvé sur une scène de crime.
Une scène de crime, c'était un accident, ce n'est pas de ma faute, j'ai tout fait pour qu'il ne se passe rien de grave. Comment ai-je pu oublier plusieurs heures ? Ce n'est pas la première fois que je prends de la cocaïne mais c'est la première fois que je perds la mémoire. Je devais être dans un état second pour tout effacer. Mon visage est tendu, ai-je pleuré ? Pourquoi aurais-je pleuré ? J'ai juste envoyé ma main dans la mâchoire d'un type mais je n'ai tué personne et je ne suis pas du genre à pleurer.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Tu as déjà oublié ? On t' a retrouvé dans une boîte de nuit au milieu de trois cadavres il y trois heures, tu es le seul conscient. Si l'un de tes amis n'aurait pas téléphoné au procureur, tu serais déjà dans un bus en direction de la prison pour triple homicides. Tu seras convoqué dans trois jours pour faire ta déposition, tu recevras un papier mais en attendant repose toi.
— Monsieur Muscle a fini de parler, j'aimerai écouter les informations. Bafouille une prostituée avec des boutons d'herpès au coin de la lèvre. Tu pleureras sur ton sort plus tard, fillette !
Je me décale et fixe la télévision, le policier monte le son de la télévision alors que le reporter déclare :
Ici, Michael MacMichael, en direct depuis le château blanc, d'ici quelques heures le roi et la reine vont se présenter à nous pour une annonce de la plus grande importance. D'après certaines sources, la déclaration portera sur la princesse April, un mariage peut-être fera le bonheur du palais qui en vue du comportement de celle-ci désespérée à l'idée de la voir un jour s'engager. Nous verrons ça demain à huit heures et demie.
Ça m'étonnerait qu'April épouse qui que ce soit, la famille royale va sûrement avouer qu'elle a disparu depuis le bal pour son vingt-et-unième anniversaire et que personne ne l'a vu depuis. J'ai fuis ma propre maison pour la fuir donc je doute qu'elle ait quitté ma maison pour ce palais qu'elle déteste tant.
— C'est une pute cette princesse, comment une femme comme elle pourrait diriger notre royaume ? Elle dépenserait tout notre argent en jouets sexuels et en huîtres.
— Elle serait une bien meilleure reine que ses deux parents réunis, elle ne se laisse pas déborder par ses émotions et elle sait manipuler les hommes les plus forts pour leur faire faire ce qu'elle désire.
— Voilà encore un des admirateurs de la princesse, tu l'as baisé dans une orgie et tu crois la connaître ?
Il m'a suffit de la regarder pour savoir qui elle était, il m'a fallu une semaine pour commencer à voir des sentiments pour elle et deux pour la baiser. Je la connais mieux que ses propres parents mais ce n'est pas compliqué. La seule chose qu'il ait fait c'est négliger leur première fille parce que la deuxième était malade.
— Va te faire foutre, sale pute.
— Surveillez votre langage sinon c'est en cellule de dégrisement tous les deux.
— Alors qu'elle ne parle pas de la princesse sinon je lui fracasse le crâne sur ce maudit mur. Je menace et barre la lumière des lampes à incandescence au plafond avec ma main.Tu as une voix qui me ramollit mon cerveau.
— Et toi tu as une voix aussi grave que mon chien mais je ne te fais pas de commentaire parce que tu es visiblement drogué et dangereux donc je ne me frotte pas à toi.
— Vous savez quoi ? Fermez-là tous les deux.
Le gentil homme en uniforme éteint la télévision et donne un coup de matraque sur la porte pour nous convaincre d'arrêter mais il s'avère difficile d'être enfermé dans trois mètres carré avec une pute qui dit de la merde sur une personne que j'aime.
Je me remets entre Barbe T-Shirt et Madame Monsieur pour chantonner une chanson qui hante mes pensées depuis que j'ai repris mes esprits. Je tape le rythme sur ma jambe et remarque qu'ils n'ont pas complètement vidé mes poches. Je sors une facture pour des cigarettes, de l'essence et une coloration noir mais aussi une carte de visite avec un numéro écrit dessus et une jolie trace de rouge à lèvres au milieu.
Le bout de mes doigts noirs me fait dire que mes cheveux ont plus ou moins repris leurs noirs d'origine et l'odeur de mon jean me fait dire que quelque chose a brûlé près de moi donc j'ai probablement fumé aussi. Je ne suis sûr de rien.
J'ouvre la poche un peu plus basse et trouve deux préservatifs, il semblerait que même à moitié conscient, j'ai pensé à sortir couvert. À moins que ce soit Calliopé qui les ai mis dans mes poches, ce qui n'est pas impossible puisqu'on a baisé dans la moitié des clubs du royaume. Je range tout ça dans une même poche et ne découvre rien d'autre de pertinent sauf si ces mégots de cigarettes peuvent être qualifiés de captivant ce dont je doute fortement.
J'ai l'impression de vivre dans le film Very Bad Trip sauf que j'ai une petite idée de ce qui m'a mis dans cet état et je déteste ça autant que la Thaïlande. Penser me donne mal au crâne, une migraine insupportable vient compresser mon cerveau. Une plaque métallique se cloue sur mon front, ça me fait mal.
— Shérif, y'a le drogué qui saigne du nez. Informe la prostituée en tirant sur l'écharpe qu'elle utilise en tant que jupe. Et je dois faire pipi.
— Y'a des toilettes dans la cellule. Monsieur Madame, montre à Gina où sont les WC.
L'homme à ma droite bascule vers moi, il était adossé sur les toilettes, si on peut appeler ça des toilettes, on dirait plus un broyeur ou un trône métallique. Oh, je comprends mieux maintenant.
Gina va aux toilettes, soulève sa jupe et me fusille du regard, elle s'apprête à dire quelque chose quand le policier la coupe. J'essuie mon nez avec mon poignet lorsqu'il dit :
— Tu devrais te lever, il y a quelqu'un pour toi.
Quelqu'un pour moi, qui viendrait me chercher à une heure aussi tardive? Je me mets debout, Bilal me fait sortir de la cellule, je signe des papiers et déambule dans un couloir sombre. Un homme pousse la porte pare-feu, il saisit mon bras pour me conduire à l'accueil où Vale signe lui aussi des papiers. J'ai appelé Vale, de tous les Sept j'ai téléphoné à celui dont je suis le moins proche ? Il me serre dans ses bras alors que l'on me restitue mes affaires, ma ceinture et mes chaussures. Je n'ai jamais autant aimé porter mes baskets.
On quitte le commissariat, il prend une Porsche, je me demande depuis quand il a une voiture de sport? Il ouvre les portes, on grimpe à l'intérieur. Des LEDs rouge enveloppent l'intérieur, ma tête touche le plafond, il baisse le son de la musique puis fait vrombir son moteur. Il démarre sur la route, on atteint rapidement les cent-vingt kilomètres heures, il conduit comme si la vie n'avait pas de prix.
— Comment as-tu pu te payer une voiture pareille ?
— Black, il a offert un million à chacun de nous il y a deux semaines .
— Il a déjà récupéré April ?
— Nate a tué April, il a récupéré le cadavre il y a deux semaines.
April est morte? J'ai loupé la mort d'April, je me faisais une joie de la retrouver mais c'est fini, je ne la reverrai plus jamais. J'ai brisé le cœur d'une princesse qui a été assassinée par mon frère. Mon cœur loupe un battement, ma salive se bloque dans ma gorge, mes yeux brûlent, cette annonce me fait l'effet de millier d'aiguilles qui pénètrent mes poumons pour m'empêcher de respirer.
J'ai besoin d'un verre de whisky, un liquide de la couleur de ses yeux avec de l'alcool pour me faire oublier à quel point elle était belle. J'ai fuis la maison parce que je l'aimais et j'y retourne en sachant qu'elle ne pourra jamais m'aimer-comme je l'ai fait.
— Tu aurais pu mentir ou nuancer, putain, tu es une brute.
— Chacun son moyen de faire le deuil, j'étais en plein milieu d'un rendez-vous client quand Nate m'a appelé suite à l'appel que tu as passé à Elle. Tu as réveillé une mère de famille à une heure du matin alors qu'elle a un bébé.
J'ai choisi de téléphoner à Elle, pourquoi? Je ne l'appelle jamais, on s'envoie une carte de Noël avec des nouvelles et je lui verse une pension mensuelle pour les enfants.
Elle a transmis à Nate, je suis heureux qu'il ne soit pas venu me chercher, je ne veux pas lui parler. April a fait bâtir des barrières entre mon ainé et moi.
— Qu'ai-je fait pour avoir été arrêté ?
— On t'a retrouvé entre trois cadavres dont celui de Calli et un serveur de la Falaise.
Calliopé est morte? Non, elle allait bien, elle avait arrêté la drogue et elle dansait dans mon dernier souvenir. Mais que sait-il passé ?
— Pourquoi as-tu une alliance ?
Parce que je voulais avoir une nouvelle vie et je me suis marié. Beaucoup de gens se marient dans le monde, je l'ai juste fait avec une autre personne que la femme que j'aime.
— Avec qui ? Marmonne-t-il en ouvrant le carreau à côté de moi. Oh mon dieu, tu as épousé Calliopé ! Elle a dix-huit ans et c'est la petite sœur de Tate, tu veux te faire tuer ?
— Dixit l'homme qui couchait avec des femmes qui avait deux fois son âge.
— Elle était plus vieille, pas plus jeune. Elle a presque dix ans de moins que toi.
— Huit ans et ma nuit de noce a été si ...
— On a fait un plan à quatre avec April avant sa mort, rien ne dépassera ça même pas une nuit avec une étudiante.
Ils ont fait quoi ? Mes yeux s'écarquillent, je le dévisage alors qu'il se gare devant la maison. Je reste dans la voiture même s'il coupe le moteur.
— Tu... je veux tout savoir. C'était quand ? Comment ? Avec qui ?
— Le soir de sa mort, Dave, Pade et moi, elle a passé un long moment avec un ruban autour des poignets ou plié en deux entre nous. Mais c'est de l'histoire ancienne, elle est morte, je ne baise plus que mon mec et des clients. Cette femme avait la chatte la plus ... délicieuse du royaume. Pour elle, j'aurais pu arrêter mon boulot et larguer Lane.
— Pour elle, j'ai quitté cette maison. Donne-moi des nouvelles de tout le monde, que je ne sois pas à la ramasse.
— Tate s'est inscrit à l'université pour faire du droit pénal et droit des enfants à partir de août. Lane révise pour son examen d'ambulancier. Pade dort de plus en plus, il ne sort pas de sa chambre. Dave a une infirmière qui vient s'occuper de lui, il fait de la boxe à la salle de sport avec Nate deux fois par semaine.
Leurs vies se déroulent bien, ils n'ont pas besoin de moi pour avancer, j'avais une bonne relation avec chacun d'eux mais je n'ai pas eu l'air de leur manquer. J'ai entamé un nouveau chapitre de ma vie avec Calliopé alors qu'ils ont continué de vivre comme si on n'avait pas hébergé une princesse qui est décédée chez nous.
— Et Nate ?
— Boxe, moto, musculation, scotch et il bosse pour Black une à deux fois par semaine. Il ne baise plus et il n'est pas revenu au premier, il reste en bas et il a enterré Soléne.
Beaucoup trop de morts en une heure, oú a-t-il pu enterrer le corps de notre ex ?
— De quelle manière a-t-il tué April ?
Pourquoi je demande ? Je n'ai absolument pas envie de savoir, j'aimais April. N'importe quelle réponse me donnera la nausée.
— Il lui a tranché la gorge, d'après Lane, il est encore en état de choc et essaie d'oublier en accumulant les activités. Je pense qu'il s'en veut mais je vais te laisser te faire ton avis sur le sujet. Allez sors, j'ai encore des clients donc je retourne au club.
Il me jette hors de la voiture et démarre sa voiture, il fait un demi-tour et roule sur les routes sinueuses alors que je stagne devant la maison pendant un long moment. Je n'ai pas envie de monter tout de suite, j'ai besoin d'un temps d'acclimatation donc je vais m'installer au bord de l'eau. Je m'allonge sur la terre sèche, enlève mes chaussures et trempe mes pieds dans le liquide translucide.
La lune est haute dans le ciel, elle éclaire et se reflète sur les petites vagues, la chute d'eau brille. Je ne sais pas si c'est la drogue mais c'est un magnifique spectacle de la nature qu'on nous offre. Les nuages couvrent les étoiles, il fait chaud malgré le petite brise du bord de l'eau.
Je devrais peut-être envoyer un message à ma mère, elle adorerait ce paysage. Elle m'a abandonné à la naissance quand elle a découvert pour son cancer du sein et que mon père a demandé le divorce. Elle reçoit une lettre tous les deux ans environ, elle a répondu plusieurs fois mais je ne sais pas vraiment à qui parler en ce moment.
Soléne est morte.
Calliopé est morte.
Et April est morte.
Je compose son numéro de téléphone qui sonne mais c'est un homme qui décroche.
— Qui que ce soit, il est quatre heures du matin et ma mère dort donc rappelez-la plus tard.
— Pardon mais qui êtes vous ?
— Casey, son fils.
— Ça, c'est important. Je suis son fils et je n'ai pas de frère.
J'étais encore minuscule quand elle m'a abandonné mais elle m'a contacté avant même que je commence des recherches à propos d'elle. J'avais quinze ans quand elle est venue à l'orphelinat pour me parler, on a pris quelques heures à discuter et il y a les lettres mais elle n'a jamais mentionné un quelconque frère.
— Écoutez, ça fait vingt-deux ans que je suis son fils et je n'ai pas de frère donc qui que ce soit, il est trop tard pour faire ce genre de blague.
— Kane, dis-lui que Kane a appelé.
J'ai un petit frère qui me raccroche au nez, je claque mon mobile sur le sol et ferme les yeux. Dormir ici sera plus confortable que de dormir dans une cellule même si je dois avouer que mon lit me manque.
— Veux-tu une clope ? Propose Pade en s'asseyant à côté de moi. Tu reviens officiellement ?
Je pince une cigarette entre mes lèvres et fume toujours aplati sur le sol. Mon frère doit dormir à cette heure-ci mais il traîne dehors comme un sans-abri.
— On m'a arrêté et j'ai épousé Calliopé, pourquoi suis-je de retour ici ?
— Parce que cette maison est un lieu de vie et de mort. L'ancien toi est mort ici, un nouveau toi va naître ici. Qui as-tu appelé ?
— Ma mère, j'ai un petit frère qui s'appelle Casey. Donc cette journée est un lieu de disparition et de découverte. Comment vas-tu ?
— J'ai une vilaine cicatrice qui ne disparaît pas à cause d'April mais sinon ça va, tout va bien. Ment-il en expirant la fumée de ses poumons. Tu crois que ça partira un jour ?
Il me montre son avant-bras avec une jolie cicatrice en forme de fleur, je détaille sa blessure, frotte son bras en essayant de voir si elle lui a véritablement fait ce que je pense ou non. Je renifle son bras, une odeur d'hibiscus remplit ses veines.
— Est-ce qu'elle a bu ton sang avant de mourir ?
— Un peu sous la douche, pourquoi ?
— Je crois qu'elle est en vie.
April n'est pas morte !
Oui, putain de bordel de merde, elle est vivante.
Ils ne sont pas tous morts finalement, April est vivante mais chez Black.