Quatre

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La porte des toilettes s'ouvre et un flot de conversations, de bruit et de rires jaillit du couloir. Quelques filles entrent en jacassant. Je me retourne et reconnais Ellie et Victoria qui bavardent de garçons.
Hé! Les filles!, ai-je envie de lancer.
Mais aucun son ne sort de ma gorge. J'agite ma main devant les yeux de Victoria. Mais celle-ci se penche en avant par dessus le lavabo, afin d'être plus proche du miroir pour se remaquiller. D'habitude, elle se serait écriée, agacée: "Non mais qu'est-ce que tu fabriques là?!"
La panique me gagne.
Inspire. Expire.
J'obeis à la petite voix dans ma tête.
Bien. Maintenant recommence.
Je réitère l'opération. Rien. Victoria continue à se remettre du gloss, tandis que Ellie raconte une anecdote apparemment drôle à propos de la CPE. Je me retourne vers le miroir, pleine d'espoir. Mais mon image n'y est toujours pas.
- Tiens, à qui est ce sac?, demande soudain une fille de 4ème.
Elle soulève un sac, mon sac. Mon cœur s'arrête de battre dans ma poitrine. Je me tourne avec espoir vers Ellie et Victoria. Elles le reconnaîtront, j'en suis sûre!
- J'en sais rien, répond une autre fille qui se lave les mains. Il était là quand on est arrivées.
La 4ème repose le sac à côté du lavabo.
- En tout cas, qu'est-ce qu'il est moche!, s'exclame Victoria.
Mon cœur s'arrête de battre dans ma poitrine: elle m'avait dit qu'elle le trouvait joli!
- C'est même pas un vrai Eastpack, renchérit Ellie.
- Il me fait beaucoup penser à celui d'Anna, tu trouves pas?
- Ah oui! Il est immonde son sac à dos! Pire qu'un sac poubelle!
Les autres filles se mettent à rire. C'en est trop pour moi.
Je sors des toilettes en courant, les larmes aux yeux. Je dévale les escaliers. C'est vraiment étrange: je ne peux pas toucher ou attraper, mais je peux quand même marcher à même le sol. Devant la porte du lycée, les élèves patientent. Mes mains se mettent à trembler. Et si le surveillant s'aperçoit que je n'ai pas le droit de sortir? Qu'il me reste encore trois heures de cours?
Idiote! Il ne peut pas te voir!
Je ris intérieurement, mais ma nervosité ne m'a pas quittée. Il y a trop de monde, je ne sortirai jamais! Une idée saugrenue me vient à l'esprit. Si ma main a pu traverser le tissu de mon sac à dos, je peux peut-être essayer... J'inspire et avance droit devant moi. A travers les corps. Un garçon fait volte-face au moment où je le traverse:
- Nan mais c'est quoi ça?!
- On dirait un courant d'air mais...
Je me fige.
Allez! Tu y es presque!
Je franchis les cinq derniers mètres et me retrouve enfin dans la rue. Je tâche de me calmer, de recouvrer un rythme cardiaque normal en respirant lentement. Je ferme les yeux...
Soudain, je me sens bousculée.
- Fais attention!, hurle un garçon qui porte un énorme cartable.
Il me faut un temps pour réaliser que enfin, je ne suis plus invisible. L'euphorie me gagne et j'éclate de rire.
Mais une voix brise ma joie:
- Anna? Tu n'es pas sensée être en cours?
Ma mère.

Les SurnaturelsWhere stories live. Discover now