Trente-deux

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J'ai peur.

Comme Timothée, je recule lentement. Je sens les regards de mes compagnons peser sur moi comme une chape de plomb. La tension entre nous tous est palpable.
Mon cœur bat à 100 à l'heure. Si ça continue, je risque de disparaître. A cette pensée, je frissonne et sens un filet de sueur froide dégouliner entre mes omoplates. Je déglutis péniblement et m'arrête au bord du toit. Je m'agrippe aux sangles de mon sac à dos.

Allez!

Mais la peur paralyse le moindre de mes mouvements. J'arrive à peine à respirer.
Puis, je me rappelle qu'on cherche à me tuer, que je suis en danger de mort, et que si je ne bouge pas immédiatement, tous mes amis vont mourir aussi.
Je sens alors l'adrénaline se propager dans mes veines et me mets à courir. Je franchis rapidement les quelques mètres qui me séparent du vide. D'un coup de pied, je me propulse dans les airs.

J'ai l'impression de voler. Le vent glacé s'infiltre sous mes vêtements, partout, et me revigore. Mon cœur cogne plus fort que jamais. L'instant dure des années.

Et je tombe. Je tombe, je sombre, happée par la nuit, de plus en plus vite, et bientôt je vois avec vitesse le sol se rapprocher de moi.
Je hurle de terreur. Je vais mourir!
La chute est infinie. Je ferme les yeux.

Bam!

Je m'écrase contre le sol. Tout est noir autour de moi. J'ai mal. Très mal. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais je ne vois que du noir. Mes oreilles sifflent, ma tête me lance. Je passe ma main sur mon visage et je sens un liquide gluant filer entre mes doigts.
Du sang?
Je me frotte vainement les yeux. Pourquoi est-ce que je ne vois rien?
Je me souviens alors avoir lu quelque part que lorsque l'arrière du crâne subissait un choc important, la vue pouvait être brièvement altérée.
Soulagée de voir que mon cerveau fonctionne toujours, j'attends quelques instants de retrouver la vue. Après 3 battements effrénés de mon cœur, je finis par percevoir ce qui m'entoure, bien que cela soit très flou. Je soupire et me lève, tremblante.
J'ai mal partout et c'est un miracle que je sois encore entière.
Je titube lentement, cherchant à avancer vers ce qui me semble être une sorte de forêt. Je me cogne à un arbre, m'y appuie et rends tout mon dîner, pliée en deux. Je tousse, et lâche quelques sanglots pitoyables.
Puis, je me redresse, vérifie que mon sac et toujours accroché à mes deux épaules et continue d'avancer, en zigzaguant, complètement sonnée par le choc.

- Anna!

Je tourne la tête et découvre Timothée. Il court vers moi et me serre dans ses bras. Je me blottis contre lui et respire de toutes mes forces son odeur rassurante.
Il jure et me serre plus fort.

- J'ai cru que... Oh, mais tu saignes! Attends, je préviens les autres, souffle-t-il dans mon oreille.

Il siffle très fort, les deux doigts dans la bouche. Ce son suraigu me vrille les oreilles. Puis, il se tourne vers moi et sort un T-Shirt de son sac avec lequel il s'empresse d'éponger le sang qui coule entre mes yeux. Je veux protester, dire que je peux me débrouiller, mais j'en suis incapable, c'est tout juste si j'arrive à tenir debout.

- Tim... J'ai mal partout.

- C'est normal, Anna. J'ai eu tellement peur quand je ne te voyais pas arriver... Je tiens tellement à toi, tu sais.

Je distingue vaguement son visage se rapprocher du mien. Mon cœur manque un battement quand je sens son souffle chaud tout près de ma bouche. Son doux parfum me fait tourner la tête et un long frisson me parcourt. Soudain, j'entends un bruit sourd à quelques mètres. Timothée sursaute et recule. Il saisit ma main et m'entraîne entre les arbres.

- Andrea!

Je soupire, déçue. Elle se redresse en gémissant et se jette dans les bras de Timothée, qui est obligé de me lâcher la main. Je m'écarte d'un pas, me sentant de trop.

- Steuplaît Andrea, c'est pas le moment de se faire des câlins...

Je repense à sa bouche si près de la mienne... Andrea recule en levant les yeux au ciel.

- Bon, très bien.

Elle me jette un regard supérieur.

- Allez, on va attendre les autres, lâche-t-elle.

Elle attrape la main de Timothée et s'éloigne. Le cœur serré, je les rejoins.

Peu après, nous sommes rejoints par Allie, Violette et Baltazar. Allie s'est apparemment brisé le poignet, et je ne suis pas en meilleure forme que tout à l'heure. Les autres n'ont pas l'air très en point. Comment avons-nous réussi à survivre à cette chute?

- Harry arrive, annonce Violette en scrutant le ciel.

Sa chute me paraît interminable.

Et il s'écrase contre le sol.

Je me mets à courir pour le rejoindre, m'assurer que tout va bien. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai peur.

Je bondis par dessus les buissons, je me faufile entre les arbres, je trébuche sur des racines.

Je cours de plus en plus vite.

Et je le vois.

Inerte, entre les feuilles mortes, au centre d'une clairière.

Ses cheveux blonds forment un halo de lumière autour de son visage pâle. On dirait un ange.

- Harry! Ça va?

Je me rue près de lui, secoue son bras de toutes mes forces. Une tache rouge s'élargit sur son torse. La panique s'empare de moi, pourquoi ne répond-t-il pas?

Je ne prête pas attention aux larmes qui montent à mes yeux, qui me brouillent la vue. Je serre les doigts frêles d'Harry de toutes mes forces.

- Allez, s'il-te-plaît, réveille toi, j't'en supplie!

Ses grands yeux bleus sont vides, mais ses lèvres fines forment un petit sourire heureux. J'essaie de prendre son pouls, mais je ne sens rien sous mon pouce. Je colle mon oreille à sa poitrine. Pourquoi je n'entends pas sa respiration? Les larmes dégoulinent sur mes joues, sans s'arrêter. Pourquoi lui? Pourquoi lui et pas moi? Non, tout cela n'est pas réel, ce n'est qu'un vilain cauchemar, je vais bientôt me réveiller.

- Anna!

Je reconnais la voix de Timothée.

- Harry!, s'exclame-t-il.

Il se précipite à mes côtés et me serre dans ses bras. Je pleure de toutes mes forces, comme je n'ai jamais pleuré.

- Faut y aller maintenant, chuchote Timothée.

- Non! Je reste ici, il va bientôt se réveiller, dis-je entre deux sanglots.

- Anna...

Il se lève et me prend la main.

- On doit partir.

Je me cramponne à la main d'Harry, je ne veux pas la lâcher, je veux rester auprès de lui, être là quand il se réveillera...

- Anna, souffle Timothée, il est mieux là où il est maintenant, crois moi.

- Non!

Il me prend doucement dans ses bras et me détache délicatement d'Harry. Je n'essaye même pas de me débattre, je suis vidée de toutes mes forces. Je renifle, m'essuie les joues avec le revers de la manche et me laisse entraîner entre les arbres.

Je me retourne une dernière fois.

- Il ne se réveillera pas, Anna.

Le cœur déchiré et noyé par les larmes, je m'élance derrière lui.

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Salut! Alors comme tu as pu le voir, j'ai changé le titre de l'histoire.

En fait l'ancien ne me plaisait plus, je l'avais choisi sans vraiment réfléchir et je trouve qu'il ne collait pas très bien avec la suite de l'histoire. En plus, je pense que ce titre ne m'aurait pas donné envie de lire le livre si je l'avais vu dans les propositions de lecture.

Ça faisait donc plusieurs semaines que l'idée me trottait en tête.

Si jamais ce nouveau titre ne vous plaît pas, n'hésitez pas à en proposer d'autres dans les commentaires.

Bisous ♡
Chocolatcho.



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