Vingt et un

1.8K 140 2
                                    

La super activité qu'Allie avait prévu est de me teindre les cheveux. Bizarrement, je ne suis pas contre. Je n'aime pas ma couleur de cheveux, et je suis plutôt pour me démarquer et me faire remarquer. Des cheveux bruns banals pour une fille banale et transparente.
L'idée d'Allie me réjouit donc beaucoup.
Je lui demande quelle couleur elle a choisi.
Ses yeux s'allument comme deux petites ampoules:
- Bleu!
Stupéfaite, je m'étrangle:
- Vraiment? Mais... Je pensais plutôt à du blond ou...
Elle agite un petit tube de coloration devant mes yeux et me coupe la parole.
- Ça t'ira parfaitement.
Nous commençons donc par laver mes cheveux. Allie utilise au moins cinq ou six produits pour les rendre "soyeux et brillants comme ceux d'Acacia Louis". Ensuite, elle applique le liquide sur mes toutes les mèches de ma chevelure. Enfin, elle rince.
Au bout d'une heure ou deux, elle lance joyeusement:
- Tu peux regarder!
Je relève la tête et croise le regard d'une fille que je n'arrive pas à reconnaître dans le miroir.
Mes cheveux sont bel et bien bleus. Mais pas bleu vif, non, un bleu turquoise mêlé à du vert et du bleu marine. Aucune mèche n'est exactement du même bleu et pourtant, l'ensemble est réussi.
- Whaou, c'est...
- Génialissime?
Allie éclate de rire.
- Tu es superbe, Anna. Ça te va vraiment à ravir.
Je passe la main dans mes cheveux sans trop oser y croire.
- Tu vas faire des ravages!
Je ris à mon tour.
Mon amie reprend les yeux pétillants de malice:
- C'est un tout nouveau toi, hein? La nouvelle Anna, qui a des superpouvoirs et qui peut disparaître!
J'enchaîne:
- Et sa super copine Allie, qui peut faire des bouger des objets rien que par la pensée!
Je vois alors le tube de dentifrice se soulever dans les airs.
- C'est toi qui fais ça?
Mon amie hoche la tête avec fierté.
Soudain la porte de la chambre s'ouvre à la volée. Allie passe la tête par la porte de la salle de bain et lance un "Ouiii?" qui résonne dans toute la pièce.
Andrea apparaît:
- Allie, qu'est-ce que tu fabriques? On doit partir!
- Ah oui!
Mon amie me tire hors de la salle de bain.
- Hé Andrea, regarde les cheveux d'Anna!
Je me sens rougir sous le regard de la jeune fille.
- Mouais, lâche-t-elle d'un ton sec. Dépêche Allie, on a pas de temps à perdre.
Cette dernière se tourne vers moi avec un clin d'œil.
- T'inquiète, elle est juste de mauvaise humeur. Bon je dois vraiment y aller par contre!
- Aller où?
- En mission, désolée, je ne peux pas t'en dire plus.
Elle saisit un pull et enfile des tennis.
- Bon, bah à plus!
Et les deux filles sortent en claquant la porte.
Je décide de sortir prendre l'air. Je n'ai encore jamais vu le parc, et étant donné que j'ai encore du temps à tuer avant le dîner, c'est l'occasion idéale pour y faire un tour.
Le jardin est plutôt grand et verdoyant. Des fleurs de toutes les couleurs y poussent, ce qui m'étonne, vu le mauvais temps; des arbres aux feuillages majestueux cachent de jolies tonnelles ou balançoires, agrémentées de fleurs blanches et rose. Cet endroit est assez surprenant. Il contraste beaucoup avec le reste des bâtiments. D'ailleurs, il est complètement vide, comme si personne n'osait perturber la quiétude du lieu, ou comme si il n'inspirait pas confiance.
Après tout, des roses en mars, ce n'est pas un brin étrange?
Je traverse les allées, évitant les pelouses gorgées de l'eau de la précédente averse pour ne pas tremper mes chaussures. Je m'aventure un peu plus loin entre les arbres, respirant l'air frais et la bonne odeur de terre mouillée.
- Hé, jolie ta couleur!
Je fais volte-face et me retrouve nez à nez avec Timothée. Je passe machinalement la main dans mes cheveux.
- C'était une idée d'Allie...
- Ça te va très bien.
- Merci.
La conversation s'arrête. Je me tiens à bonne distance du garçon, je ne tiens pas à me faire secouer comme un prunier une nouvelle fois.
- Tu sais, je suis vraiment désolée pour ce qui s'est passé l'autre jour. Tu sais, tes Nike...
- C'est pas très grave, sourit Timothée, ma mère m'en a envoyé d'autres.
Je jette un coup d'œil à ses chaussures flambant neuves.
- Elle m'a acheté des Adidas, ajoute-t-il.
Son ton morose me surprend.
- Elles ne te plaisent pas?
Il hausse les épaules.
- Ma mère a beaucoup d'argent. Comme elle ne sait pas quoi en faire, elle m'achète tout ce que je veux. A Noël et à mes anniversaires, elle essaye toujours de me trouver les trucs les plus chers...
- Elle essaye de te faire plaisir, dis-je en me rapprochant de lui.
Le garçon secoue la tête.
- Non, je pense qu'elle essaye surtout de se faire pardonner d'avoir divorcé avec mon père et de m'avoir envoyé ici. Il est encore plus riche, il habite à Los Angeles dans une immense maison avec une piscine. Il s'est trouvé une petite jeunette de trente ans et lui offre tout ce qu'elle veut. Et puis, il roule en Porsche et en Ferrari.
- En Ferrari?!
Il ne répond pas, sûrement perdu dans ses pensées.
Je ne sais pas quoi dire. J'essaye de détendre l'atmosphère:
- Au moins, tu peux toujours faire un petit tour à Hollywood pendant les vacances!
Timothée sourit à ma mauvaise blague et dit:
- Ça te dirait de t'assoir? Les bancs sont un peu mouillés, mais on peut s'assoir sur mon K-Way. C'est ce que je fais toujours.
Je hoche la tête, et nous prenons place sur un petit banc de pierre sous un chêne.
- Et toi, tes parents?
- Euh...
Je réalise que cela fait longtemps que je n'ai pas pensé à ma famille.
- Et bien, ma mère n'est pas vraiment affective... C'est elle qui m'a envoyée ici, en me traitant de folle à enfermer.
Timothée me dévisage, surpris.
- Je suis vraiment désolé. Ça devait être suffisamment dur pour toi, et moi, j'ai mis des cafards dans ton casier... Je suis vraiment débile.
Je glousse.
- C'est rien.
- Et ton père?
- Il... Je ne l'ai jamais connu.
La conversation retombe. Timothée ne dit rien et je joue distraitement avec un fil qui dépasse de mon pull.
J'ai du mal à réaliser que je deviens amie avec le garçon que je détestais la veille, et surtout que nous en sommes aux confidences.
- Et sinon, tu te plais ici?, me demande-t-il soudain. J'imagine que c'est quand même mieux que quand tu dormais avec ton ancienne colocataire. Comment elle s'appelle déjà?
- Marie-Lou.
- Et bien, je t'assure qu'avec Allie, tu vas t'éclater. Tout le monde l'adore.
- Même Andrea? Je n'ai pas l'impression qu'elle l'apprécie vraiment. En fait, j'ai surtout l'impression qu'elle n'apprécie personne.
Je regrette ces mots avant même d'avoir fini de les prononcer. Je parle à son petit ami !
Idiote!
Pour une fois, je suis plutôt d'accord avec ma voix. J'aimerais m'enfoncer sous la terre ou même, mieux, disparaître. Pourquoi mon pouvoir ne se déclenche-t-il pas quand j'en ai le plus besoin?
Mais bizarrement, Timothée semble d'accord:
- C'est vrai qu'elle n'est pas très avenante... Elle est un peu possessive aussi. Mais bon, elle est super. Sinon je ne sortirais pas avec elle.
On dirait qu'il cherche à nous convaincre tous les deux de ses propos. Comme s'il n'en était pas sûr lui même.
- Bien sûr, dis-je en lui touchant le bras.
A ce moment-là, un bruit de pas se fait entendre.
Je sursaute et retire ma main de son avant bras.
- Tu es nerveuse?, me demande doucement Timothée.
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sa main frôle la mienne. Ses yeux vert brillent au milieu de son visage bronzé. J'aimerais me décaler sur le côté, mais j'ai l'impression d'être paralysée.
Il me sourit. Je sens son souffle chaud dans mon cou. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Que m'arrive-t-il?
- Timothée!
Andrea.

Les SurnaturelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant