Vingt-sept

1.5K 140 22
                                    

La silhouette s'approche à pas lents. Le cœur battant, je l'observe se rapprocher jusqu'à ce qu'elle soit dans la tache de lumière projetée sur le sol.
Baltazar me fixe, à travers le rideau de cheveux sombres qui tombe sur son front. Il ne se tient pas droit, les épaules voûtées, porte un vieux sweat et un jean sale.
Je pense à ma propre apparence. De quoi dois-je avoir l'air?
Mes cheveux bleus ne sont même pas coiffés, j'ai les yeux rouges et gonflés et j'ai enfilé un affreux T-Shirt jaune tâché qui traînait par terre.
Je pense qu'à nous deux, on pourrait fonder le club des dépressifs.
- Hum...
Je ne sais pas quoi dire.
- Tu me cherchais?
Soulagée qu'il prenne les choses en main, je lâche :
- Oui.
Il ne prend pas la peine de me répondre et s'assoit, dos au mur.
Je fais de même.
- Tu es sûr que les professeurs ne peuvent pas nous entendre, ici?
Il tourne lentement la tête vers moi et j'aperçois enfin ses yeux.
- Non.
- D'accord.
La conversation retombe. Je passe ma main dans mes boucles désordonnées et entreprends distraitement de démêler mes cheveux.
- Alors comme ça, toi aussi tes pouvoirs sont surdéveloppés?
Je sursaute et reviens brutalement à la réalité.
- Surdéveloppés? Je ne dirais pas ça...
- Si. C'est comme ça qu'on appelle les gens comme nous.
Il s'exprime d'un ton neutre et froid, sans expression apparente. Quant à moi, mon cœur bat à tout rompre et mes mains tremblent de nervosité.
- Comme nous?
Il doit se dire que je suis vraiment idiote à répéter tout ce qu'il dit.
- Oui, comme nous.
- C'est à dire?
- À toi de te renseigner.
Je soupire, assez fort pour qu'il l'entende. - Et où suis-je sensée allée pour me renseigner?, dis-je, agacée. - A la bibliothèque.

Constatant son désir de ne pas me parler, je me lève et lâche un "Salut!" assez niais auquel il ne prend même pas la peine de répondre. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel, quitte le couloir et me dirige vers la bibliothèque. A cette heure-ci, elle est complètement déserte. Le bruit de mes pas sur le parquet résonne et une odeur de vieux livres flotte dans l'air. Ce lieu me rassure aussitôt, et je sens que je vais m'y plaire.
Mais où se trouve le livre que je cherche?
Il y en a tellement...
Je m'approche du bibliothécaire, un petit homme au nez crochu, ratatiné sur lui même et tout habillé de noir.
- Excusez-moi, dis-je d'une voix volontairement mal assurée.
- Oui?, me répond-t-il d'une voix pincée.
- Ma psy m'a dit que je devais contrôler ma schizophrénie en écrivant des histoires, comme par exemple, du fantastique. Du coup je cherche un livre pour en savoir plus sur les pouvoirs magiques. De préférence des histoires vraies. Même si nous savons tous les deux que ça n'existe pas, ahah!
- Un livre sur quoi?
- Sur des personnes qui auraient des pouvoirs surdéveloppés... Je ne sais pas comment on les appelle dans le monde du fantastique...
Le bibliothécaire me sonde d'un oeil perçant et suspicieux.
- Hmmm. Rayon 15, étagère 5. Utilisez l'escabeau. Le livre s'intitule Les Surnaturels. Il devrait vous aider pour votre histoire.
J'acquiesce et m'éclipse le plus vite possible.
Mon mensonge n'était pas très crédible, mais c'est tout ce que j'ai pu trouver.
Je trouve facilement le rayon en question, et me hisse sans difficulté sur la petite échelle, jusqu'à l'étagère 5.
Je passe en revue chaque livre pendant cinq bonnes minutes, avant de trouver celui que je recherche.
C'est un épais volume poussiéreux à la couverture reliée de cuir. Je saute au bas de l'echelle-en manquant de me tordre les chevilles- et dépose ma précieuse trouvaille sur une table dont j'allume la petite lampe, afin d'éclairer ma lecture.
Je m'assois et ouvre le livre.
Sa lecture me prend plusieurs heures, mais je le lis d'une traite.
Quand je le referme enfin, mes mains tremblent et mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Je suis incapable de réfléchir.
Le livre parle bien de gens comme moi.
Des gens qui pouvaient manier plusieurs pouvoirs en même temps, et qui étaient surpuissants.
Des fous, qui voulaient à tout prix diriger le monde, et qui étaient tellement dangereux qu'on a dû les interner, voire les tuer. Une grande partie a été exterminée au Moyen-Âge, les autres vivent reclus, cachés.
On les appelle les surnaturels. Encore plus spéciaux que les spéciaux eux-mêmes.
Réussir à maîtriser ses pouvoirs est très difficile pour un surnaturel. C'est pourquoi ils sont très dangereux.
Je sens la panique monter. Que dois-je faire maintenant?
- Tu dois t'enfuir.

Les SurnaturelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant